Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2020, M. A... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'enjoindre au préfet ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire les extraits Thémis relatifs à l'instruction de sa demande ou toute preuve de la tenue d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle réunissant les trois médecins du collège de l'office ;
2°) d'annuler le jugement n° 1907410 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; sinon d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ; dans tous les cas, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- il n'est pas établi que l'avis rendu le 31 août 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait résulté d'une délibération collégiale ; ces médecins exercent dans des régions différentes et aucun élément ne prouve qu'ils se sont réunis au moyen d'une conférence audiovisuelle ou téléphonique pour examiner la demande de titre de séjour ; la mention " après en avoir délibéré " figurant sur l'avis ne suffit pas à établir que celui-ci aurait été émis collégialement ;
- l'avis de l'OFII est irrégulier pour défaut de signatures électroniques régulières de ses auteurs ; l'OFII n'est pas en mesure de prouver la régularité de ces signatures à défaut d'avoir mis en oeuvre le référentiel prévu dans l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2015 ;
- les irrégularités qui entachent l'avis du collège de médecins de l'OFII ont privé le requérant d'une garantie et doivent conduire à l'annulation de l'arrêté en litige ;
- cet arrêté a par ailleurs méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le requérant a établi le lien existant entre sa pathologie et les évènements traumatiques qu'il a subis dans son pays d'origine ; en raison de ce lien, le seul fait de retourner en Albanie rendrait inefficaces les traitements médicaux dont il a besoin.
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cet arrêté est illégal à raison de l'illégalité qui entache le refus de titre de séjour ;
- cet arrêté a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :
- cet arrêté est illégal à raison de l'illégalité qui entache le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2020, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... B...,
- et les observations de Me D... substituant Me E..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est un ressortissant albanais né le 9 octobre 1985 qui est entré en France en mars 2018, selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 13 juillet 2018 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 janvier 2019. Le 10 mai 2019, M. C... a déposé en préfecture de Tarn-et-Garonne une demande de titre de séjour pour raisons de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a rejeté cette demande par un arrêté du 6 décembre 2019 qui a été assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi. M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2019 et relève appel du jugement rendu le 5 mars 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger (...) si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le collège (...), composé de trois médecins, émet un avis (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Et l'article 6 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 dispose que : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. En premier lieu, lorsque l'avis médical porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve contraire. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 30 août 2019, signé par les trois médecins composant le collège des médecins de l'OFII, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Pour contester la régularité de cet avis, M. C... produit des captures d'écran tirées du logiciel de traitement informatique Themis dont il résulterait que certains avis émis par des médecins membres du collège ne seraient pas concomitants. Toutefois, ces éléments sont relatifs à d'autres procédures d'examen de demandes de titres et ne permettent pas d'établir que l'avis du 30 août 2019, rendu en l'espèce, n'aurait pas résulté d'une délibération collégiale. Une telle conclusion ne saurait non plus être tirée de la seule circonstance que les trois médecins membres du collège exercent leurs activités dans des régions différentes.
4. Contrairement à ce que soutient pour le requérant, l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, dont la copie a été produite par le préfet devant le tribunal, ne comporte pas de signatures électroniques au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des " signatures électroniques " au regard des dispositions de l'article 9 de cette ordonnance est inopérant.
5. En troisième lieu, pour soutenir que l'arrêté en litige est intervenu en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... soutient que la pathologie psycho-traumatique dont il souffre est liée à des évènements traumatiques qu'il a subis en Albanie, dont l'existence constitue un obstacle à tout traitement approprié dans ce pays.
6. Aux termes de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " C. - (...) : a) Les troubles psychiques et les pathologies psychiatriques. Les informations suivantes doivent en principe être recueillies : description du tableau clinique, critères diagnostiques, en référence à des classifications reconnues (...) Il est également important que soient précisés (...) la gravité des troubles, son suivi et les modalités de prise en charge mises en place. L'importance dans ce domaine de la continuité du lien thérapeutique (lien patient-médecin) et du besoin d'un environnement/entourage psycho social familial stable (eu égard notamment à la vulnérabilité particulière du patient) doit être soulignée. / Le problème des états de stress post-traumatique (ESPT) est fréquemment soulevé, notamment pour des personnes relatant des violences, tortures, persécutions, traitements inhumains ou dégradants subis dans le pays d'origine. La réactivation d'un ESPT, notamment par le retour dans le pays d'origine, doit être évaluée au cas par cas (...). ".
7. En vertu des dispositions citées au point 2, le collège des médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
8. Dans son avis du 30 août 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour ce dernier des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
9. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
10. Aucun élément du dossier, et notamment pas le certificat rédigé le 27 mai 2019 par le médecin de M. C... ne permet d'estimer que les troubles dépressifs de ce dernier trouvent leur origine dans des évènements traumatiques survenus en Albanie. La circonstance que ce médecin ait qualifié de " réactionnelle " la dépression dont souffre M. C... n'est pas suffisante pour conclure que le seul fait pour ce dernier de retourner dans son pays ferait obstacle à l'efficacité des traitement médicaux qui pourront lui être administrés. Au demeurant, la demande d'asile de M. C... a été successivement rejetée par l'OFPRA et par la CNDA qui ont considéré comme non établis les évènements traumatiques allégués. Par ailleurs, M. C... se prévaut, en se référant au a) du C de l'annexe II de l'arrêté ministériel du 5 janvier 2017, du lien thérapeutique particulier qu'il a noué avec son médecin en France et il appartient au juge de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des pièces du dossier en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017. Toutefois et ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine alors même que son départ de la France l'obligerait à trouver un autre thérapeute. A cet égard, les éléments du dossier font apparaître que M. C... a déjà bénéficié d'une prise en charge psychiatrique en Albanie au moyen d'une hospitalisation et de l'administration d'un traitement médicamenteux. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi :
11. Le requérant reprend en appel, à l'encontre des décisions mentionnées ci-dessus, les moyens qu'il avait soulevés devant le tribunal sans se prévaloir d'éléments de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation de première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents exposés aux points 13 à 17 du jugement attaqué.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 20BX02274 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me E.... Copie en sera délivrée au préfet de Tarn-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. F... B..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02274 4