Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Haute-Garonne du 25 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement ne mentionne pas la production d'un mémoire ampliatif et des pièces en date du 3 juin 2020 en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'à la date de la décision en litige son épouse n'était pas encore destinataire d'une mesure d'éloignement ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'état de santé de son épouse qui nécessite une prise en charge en France à défaut de soins adaptés accessibles pour elle en Albanie compte tenu de la défaillance du système de santé albanais, de l'impécuniosité du couple et de son origine Rom ;
- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est privée de base légale.
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 28 décembre 2020 et le 15 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et le décret n°1046 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant albanais, né le 13 juin 1972 à Korce (Albanie), est entré sur le territoire français accompagné de son épouse et de leur fils B... en 2019, selon ses déclarations. Il est entré une première fois en France accompagné de son épouse et a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile. En 2019 ils ont introduit une demande de réexamen de leur demande d'asile, laquelle a été déclarée irrecevable par décision de l'OFPRA du 28 février 2019. Le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté en date du 25 février 2020, obligé M. D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. D... fait valoir que le tribunal administratif a omis de viser son mémoire du 3 juin 2020, déposé antérieurement à la clôture automatique de l'instruction intervenue avant l'audience du 19 juin 2020. Toutefois, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs du jugement. Le moyen doit donc être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
3. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français attaquée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment l'article L. 511-1 I 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle rappelle en outre la situation familiale du requérant et précise qu'il a sollicité un premier réexamen de sa demande d'asile le 8 février 2019 auprès de l'OFPRA qui a pris une décision d'irrecevabilité le 28 février 2019, et qu'eu égard à sa situation personnelle, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite et alors qu'elle n'avait pas à mentionner de manière exhaustive tous les éléments relatifs à sa situation personnelle, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est, par suite, suffisamment motivée et cette motivation révèle que le préfet a procédé à un examen préalable de la situation personnelle de l'intéressé.
4. En deuxième lieu, pour justifier la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. D..., le préfet s'est fondé sur le motif tiré de ce que sa demande de réexamen de sa situation au regard de l'asile a été déclarée irrecevable par décision du 28 février 2020 de l'OFPRA et qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français et peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en application des dispositions du 6 ° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet précise à tort dans cet arrêté que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, alors qu'à la date de la décision attaquée, le préfet n'avait pas encore pris l'arrêté d'éloignement à l'encontre de son épouse, pris trois jours après, le 28 février 2020, cette erreur de fait est, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France, accompagné de son épouse et de leur fils au début de l'année 2019 seulement. S'il se prévaut de la scolarisation de son fils né en 2009 en Albanie, aucun élément du dossier ne permet d'estimer qu'il ne pourra pas poursuivre sa scolarité en Albanie. Par ailleurs s'il soutient que son épouse souffre de troubles de la thyroïde nécessitant un traitement inaccessible dans son pays d'origine compte tenu du coût du traitement, il ne produit toutefois aucun élément quant au traitement précis dont elle a besoin et qui ne serait pas accessible en Albanie. Au contraire, si le certificat médical établi par le docteur Levy-Sulem, médecin généraliste, le 5 novembre 2019, mentionne qu'elle est soignée principalement par Levothyrox, il ressort des pièces du dossier que ce médicament est disponible et remboursé en Albanie. Si le même certificat médical mentionne également qu'elle est traitée par Calcium et l'Unalfa (alfacalcidol), rien ne permet d'estimer que ces médicaments ne seraient pas disponibles en Albanie. Enfin, si M. D... fait valoir que la situation financière et sociale du couple ne permettrait pas à son épouse d'avoir effectivement accès à la prise en charge de sa pathologie en raison du coût du traitement et de son origine, le rapport de la mission exploratoire en Albanie dont il se prévaut de 2014 de même que les documents émanant des autorités suisses datant de 2015 quant au projet de renforcement du système de santé albanais et le rapport " Fact finding mission report " de septembre 2016 ne permettent pas à eux seuls de retenir, eu égard à l'ancienneté de ces éléments et à leur caractère général, une défaillance actuelle du système de santé albanais dans la disponibilité des traitements nécessaires à son épouse et une impossibilité de leur prise en charge. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments permettant d'estimer que l'épouse du requérant aurait vocation à séjourner en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces circonstances, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que la décision emporte sur sa situation personnelle doit également être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
8. Si le fils de M. D... né en 2009 est scolarisé en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité en Albanie. Par suite, alors que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale composée de son épouse, laquelle fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, et de leur fils, se reconstitue en Albanie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement d'une somme à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme H... A..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme F... G..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03327