Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Ducos-Mortreuil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 août 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de l'admettre au séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué pris dans son ensemble est entaché d'incompétence de son auteure dès lors que l'arrêté du 17 décembre 2019 donnant délégation de signature à la directrice des migrations et de l'intégration a été abrogé par l'arrêté du 2 avril 2020 n° 31-2020-04-02-00 et que la nouvelle délégation n'est devenue opposable aux tiers qu'à la date du 16 novembre 2020 à laquelle le recueil n° 31-2020-086 comprenant cet arrêté a été publié sur le site internet de la préfecture ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale :
- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu du risque de lapidation qu'il encourt par application de la charia en cas de retour dans son pays d'origine à la suite des mensonges de la première épouse de son père ayant conduit à la lapidation de sa mère et de son employeur ;
- le préfet s'est estimé à tort lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA entachant par là même sa décision d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, né le 20 novembre 1994, est entré en France le 21 septembre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 août 2019, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 4 mars 2020. Par un arrêté du 20 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 21 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Par un arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions relatives à la police des étrangers et notamment celles prises en application de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. A... soutient que cet arrêté n'aurait pas été régulièrement publié à la date de la décision attaquée, il ressort des mentions du recueil de publication de cet arrêté, disponible sur internet, qu'il a été publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086. Pour remettre en cause cette publication à cette date, M. A... soutient que cette publication n'est intervenue que le 16 novembre 2020 et produit la capture d'écran de la liste des actes publiés dans le département de la Haute-Garonne en avril 2020 établie à la date du 30 avril 2020, où la mention de ce recueil ne figure pas, et la même liste mise à jour le 16 novembre 2020, où elle y figure. Cependant la seule circonstance que la mention de ce recueil ne figure pas dans le récapitulatif des recueils publiés ne prouve pas qu'il ne l'a pas été à la date mentionnée sur le recueil. Au demeurant, Mme C... bénéficiait d'une délégation en vertu de l'arrêté du 17 décembre 2019 applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 2 avril 2020 prévoyant son abrogation, soit le lendemain de sa publication, conformément aux règles d'entrée en vigueur des actes réglementaires fixées par l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
3. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. A... et indique les raisons pour lesquelles le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, en précisant notamment que sa demande d'asile a été définitivement rejetée. Ces indications, qui ont permis à l'intéressé de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même que l'arrêté ne reprend pas les arguments exposés par M. A.... Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de cette motivation que le préfet de la Haute-Garonne s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré récemment en France et qu'il n'y justifie d'aucun lien d'une intensité particulière. Il ne justifie pas non plus être isolé dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 24 ans. S'il soutient souffrir de troubles psychologiques liées aux violences subies au Mali, le certificat médical du 24 septembre 2020, qui se borne à faire état de troubles et d'une origine post-traumatique sans éléments objectifs ne permet pas de corroborer ses dires quant à l'origine des troubles dont il souffre. En outre, aucun élément produit ne permet d'en déterminer la gravité alors d'ailleurs qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour en raison de son état de santé. Dans ces conditions, en dépit de ses efforts d'intégration notamment par l'apprentissage du français, le préfet n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts dans lesquels cet arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. M. A... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, les risques qu'il serait, selon lui, susceptible d'encourir en cas de retour au Mali dès lors que cette mesure d'éloignement n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
8. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. M. A... se prévaut des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable qui dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
10. Toutefois, le requérant n'établit pas, en se bornant à faire le récit de son parcours de vie, qu'il encourrait personnellement des risques de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour au Mali. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le Mali comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne précitée et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier et, notamment des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par la décision de l'OFPRA et de la CNDA.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2020. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
Birsen D...La présidente,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX04286