Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2016 et des mémoires enregistrés les 16 novembre 2016 et 17 février 2017, les sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp., représentées par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 janvier 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 24 mars 2015 du maire de la commune de Naujac-sur-Mer ;
3°) de prononcer l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune de Naujac-sur-Mer en tant qu'il classe partiellement la parcelle 548 en zone naturelle ;
4°) d'enjoindre à la commune de Naujac-sur-Mer sous astreinte de 60 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, d'abroger partiellement son plan local d'urbanisme en tant qu'il a classé partiellement la parcelle 548 en zone naturelle et de faire le nécessaire pour que l'intégralité de cette parcelle soit classée en zone UK ;
5°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le tribunal n'a pas pris en compte son mémoire du 1er décembre 2015 alors pourtant qu'il était intervenu avant clôture de l'instruction et qu'il comportait de nombreux éléments nouveaux ; elles déclarent être surprises de cette circonstance et pensent qu'il aurait mieux valu que le tribunal audience le dossier plus tard ;
- en application de l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000, l'administration est tenue d'abroger un règlement illégal ;
- la partie ouest de la parcelle, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, n'a pas le caractère d'un espace naturel au sens du c de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme ;
- le tribunal a estimé à tort que les articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme interdisaient l'extension des campings qui ne sont pas situés en continuité avec les villages ou agglomérations existantes alors que ces dispositions ne concernent que l'ouverture d'un nouveau camping ; les campings existants ne sont pas concernés, faute de quoi il ne serait pas possible de développer le tourisme, comme le prescrit le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) ;
- le PADD affiche un objectif clair et fort de développement d'un tourisme vert et respectueux du patrimoine local et une volonté de renforcer les activités économiques traditionnelles du territoire ; il prescrit une pérennisation des structures d'accueil touristique existantes et un développement de ces structures ; le choix de zonage fait par la commune est incohérent au regard de ces orientations et compromet la pérennité et le développement de l'activité du camping La Rochade ; ce choix résulte donc d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- ce classement a pour seul but de favoriser le projet d'implantation d'un nouveau parc résidentiel de loisirs pour lequel un permis d'aménager a été délivré sur la parcelle cadastrée AC n° 245, vendue par la commune pour le prix modique de 350 000 euros selon délibération du conseil municipal du 10 avril 2015 ;
- l'incohérence du classement contesté est d'autant plus avéré si l'on considère que la parcelle 549, limitrophe du camping La Rochade, et appartenant à un particulier qui n'exerce aucune activité de loisirs, est classée en zone NL2.
Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2016, la commune de Naujac-sur-Mer, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp. le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérantes n'apportent aucune précision sur les éléments nouveaux qu'elles auraient produits dans leur dernier mémoire devant le tribunal ; en l'absence d'éléments nouveaux, le tribunal n'était pas tenu de communiquer ce mémoire ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juillet 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er mars 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant les sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp., et de MeB..., représentant la commune de Naujac-sur-Mer.
Une note en délibéré présentée pour les sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp. a été enregistrée le 17 avril 2018.
Considérant ce qui suit :
1. La société La Rochade Camp., société civile immobilière, et la société Zucchelli Camp., société à responsabilité limitée, respectivement propriétaire de la parcelle cadastrée section BO n° 548 sur le territoire de la commune de Naujac-sur-Mer, et exploitante du camping installé sur une partie de cette parcelle, ont saisi le maire de la commune d'une demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme approuvé le 3 octobre 2014 en tant qu'il classe cette parcelle en zone naturelle. Elles font appel du jugement du 14 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de refus qui leur a été opposée le 24 mars 2015 par le maire de la commune de Naujac-sur-Mer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le mémoire produit par les sociétés demanderesses le 2 décembre 2015, avant la clôture de l'instruction intervenue le lendemain, a été visé mais n'a pas été communiqué. En admettant même qu'il comportait des éléments nouveaux, comme le font valoir les sociétés requérantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal aurait fondé son jugement sur ces éléments nouveaux non communiqués à la commune. Les sociétés ne soutiennent par ailleurs pas que le tribunal aurait omis de répondre à un moyen qui aurait été soulevé par elles dans ce mémoire. Dans ces conditions, le moyen d'irrégularité du jugement tiré de l'absence de communication à la commune du mémoire enregistré le 2 décembre 2015 produit par les sociétés doit être écarté.
3. Aux termes de l'article R. 123-4 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision contestée : " Le règlement délimite les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières. Il fixe les règles applicables à l'intérieur de chacune de ces zones dans les conditions prévues à l'article R. 123-9 (...) ". L'article R. 123-8 du même code applicable en l'espèce dispose que : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. En zone N, peuvent seules être autorisées : - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".
4. Sur le fondement des dispositions précitées, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
5. Aux termes de l'article L. 146-5 du code de l'urbanisme alors applicable : " L'aménagement et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes en dehors des espaces urbanisés sont subordonnés à la délimitation de secteurs prévus à cet effet par le plan local d'urbanisme. Ils respectent les dispositions du présent chapitre relatives à l'extension de l'urbanisation et ne peuvent, en tout état de cause, être installés dans la bande littorale définie à l'article L. 146-4 ".
6. Le projet d'aménagement et développement durables (PADD) de la commune affiche trois orientations, la première relative à " la protection et la mise en valeur de l'exceptionnelle qualité environnementale de la commune ", la deuxième à " la structuration nécessaire de l'urbanisation " et la troisième à " un développement économique plus durable ". Dans ce cadre, le PADD prévoit de favoriser un tourisme vert et respectueux du patrimoine local par une reconnaissance et une pérennisation des structures d'accueil existantes notamment en ce qui concerne les campings et par le développement des structures d'accueil touristiques en continuité du bourg et du village de Saint-Isidore. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme révisé expose l'intention des auteurs du document, conformément au PADD, de favoriser, parallèlement à un développement urbain soutenu et un développement économique dynamique, la valorisation et la protection des espaces naturels. Dans cet objectif, les auteurs du plan local d'urbanisme ont choisi notamment de renforcer le bourg et le village de Saint-Isidore et de réduire l'impact de l'urbanisation sur la consommation de terres agricoles et forestières et sur l'environnement en général. En dehors du bourg et du village de Saint-Isidore, ils ont décidé en particulier de classer en zone naturelle N les zones sensibles au regard des paysages, de l'occupation boisée, et des risques, ainsi que le bâti isolé. Toutefois, dans les secteurs NL, les équipements touristiques existants à vocation de loisirs sont admis.
7. La partie est de la parcelle cadastrée section BO n° 548, qui accueille les infrastructures existantes du camping La Rochade, a été classée en secteur NL2 à vocation d'activités de loisirs de faible densité, la partie ouest étant classée en zone naturelle sans vocation d'activités de loisirs. Les sociétés requérantes, qui font état de l'impossibilité d'extension du camping existant comportant cent cinquante emplacements et qui pourrait en comprendre cinquante de plus, contestent ce classement.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'alors même qu'elle supporte une construction à usage de snack, la partie ouest de la parcelle cadastrée section BO n° 548, située dans un secteur naturel, est constituée d'un vaste espace enherbé de plus de 50 000 mètres carrés comportant un étang et situé à près de deux kilomètres du bourg. Eu égard à sa nature et au parti d'aménagement retenu par les auteurs du plan local d'urbanisme, conformément à l'article L. 146-5 du code de l'urbanisme qui, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, trouve à s'appliquer à l'agrandissement de campings existants, le classement de cette partie ouest de la parcelle n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal, alors même que l'ensemble de la parcelle était, avant la révision du plan local d'urbanisme approuvée le 3 octobre 2014, classé en zone UK dans laquelle le camping et le caravaning étaient admis. Il n'est pas davantage entaché d'incohérence avec le PADD qui, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, prévoit de développer seulement les structures d'accueil touristiques en continuité du bourg et du village de Saint-Isidore. Le classement en zone NL2 de la partie est de la parcelle n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni d'incohérence avec les orientations du PADD.
9. Le classement en zone NL2 de la parcelle cadastrée section BO n° 549, limitrophe du camping La Rochade, située au sud du camping, et appartenant à un particulier qui n'exercerait aucune activité de loisirs, à le supposer même dépourvu de cohérence avec l'affectation actuelle de la parcelle, n'est pas de nature à traduire une erreur manifeste d'appréciation dans le classement de la parcelle cadastrée BO n° 548 en zone N.
10. Enfin, la circonstance, à la supposer même établie que la commune aurait entendu permettre l'implantation d'un parc résidentiel de loisirs sur une parcelle vendue par elle le 10 avril 2015 n'est pas, par elle-même, de nature à traduire une erreur manifeste d'appréciation dans le classement de la parcelle cadastrée section BO n° 548. Si les requérantes ont entendu invoquer un détournement de pouvoir, ce qu'elles n'indiquent pas expressément, il ne résulte en tout état de cause d'aucune pièce du dossier que le classement en litige qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, répond aux orientations du PADD et à un parti d'aménagement exempt d'erreur manifeste d'appréciation, aurait eu en réalité pour but de favoriser l'implantation de ce projet de parc résidentiel de loisirs sur la réalité duquel aucune précision n'est d'ailleurs apportée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, le plan local d'urbanisme n'étant pas entaché des illégalités alléguées, le maire a pu légalement refuser de l'abroger dans ses dispositions contestées par les sociétés requérantes. Ainsi, les sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp. ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les sociétés requérantes, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions en injonction présentées par les sociétés requérantes ne peuvent, par suite, être accueillies.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Naujac-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demandent les sociétés requérantes au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp. le versement à la commune de Naujac-sur-Mer de la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête des sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp. est rejetée.
Article 2 : Les sociétés La Rochade Camp. et Zucchelli Camp. verseront à la commune de Naujac-sur-Mer la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Rochade Camp., à la société Zucchelli Camp. et à la commune de Naujac-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
Le président-assesseur,
Pierre Bentolila
Le président-rapporteur,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00915