Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2016 et le 23 mai 2018, la société Pharmacie de Réalmont, représentée par Me B...et MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 octobre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de contrôle inopinée mise en oeuvre par le service en application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été détournée et a en réalité consisté en un commencement de la vérification de comptabilité sans que les garanties attachées à la mise en oeuvre de cette dernière procédure n'aient été respectées ; la gérante n'a pas été informée des options qui lui étaient offertes par le II de l'article L. 47 A du même livre ; l'administration ne pouvait demander à la gérante de procéder à des manipulations du logiciel " Alliance Plus " dans le cadre du contrôle inopiné qui constitue une opération de saisie informatique au sens de l'article L. 16 B du même livre ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a écarté comme non probante sa comptabilité à défaut d'en apporter la preuve ; l'administration fiscale ne pouvait pas écarter sa comptabilité dès lors que les numéros de factures manquants et les ruptures séquentielles du fichier " Alliance Plus ", perçus par le service comme des irrégularités, résultent de l'utilisation du logiciel de facturation afin, tel qu'il le prévoit, de procéder à des opérations de purge visant à corriger des erreurs ou à apporter des corrections lors de l'enregistrement des ventes et des encaissements correspondants, et peuvent également résulter de bugs informatiques ; ainsi des causes multiples sont susceptibles d'expliquer les ruptures séquentielles du fichier qui n'est en outre pas dépourvu de failles ;
- la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration fiscale est erronée : en effet, le service ne peut s'appuyer sur la suppression de recette qui est un fait non vérifié ; en outre, il ne justifie pas de l'origine de la rupture de séquentialité des règlements laquelle ne résulte pas forcément d'une opération de règlement en espèces ; ainsi si la fonction " rendu de monnaie " est utilisée, plusieurs ruptures de chronologies se suivent ; la cour d'appel de Colmar dans une affaire similaire a prononcé la relaxe des prévenus notamment du fait que le logiciel " Alliance Plus " n'a pas une fiabilité sans faille ; le service a admis que le fichier remis par les gérants de la pharmacie était incomplet et ne correspondait pas à la période contrôlée ;
- la majoration de 80 % qui lui a été infligée sur le fondement du c de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 avril 2017 et le 4 juin 2018 (non communiqué), le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- au cours du contrôle inopiné, le vérificateur s'est limité à des constatations matérielles des éléments physiques de l'exploitation de la société et n'a procédé à aucun rapprochement comptable ; il n'a donc pas outrepassé les prérogatives résultant de l'application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale a remis en cause le caractère probant de la comptabilité de la société dès lors que les anomalies constatées lors du traitement informatique des données relevées au cours du contrôle dans le logiciel " Alliance Plus " utilisé par la société ont montré l'utilisation abusive de la fonctionnalité permettant de supprimer exclusivement des factures donnant lieu à des versements en espèce, générant des " trous " dans la séquence de numérotation des factures et des règlements et des incohérences dans les quantités vendues ; l'un des gérants a reconnu avoir obtenu le mot de passe permettant l'accès à la fonction permissive du logiciel et avoir effacé le fichier " trace " ;
- s'agissant de la reconstitution de recettes, l'administration fiscale a proposé deux méthodes de reconstitution, la première a toutefois été écartée compte tenu des ruptures pouvant être générées par les factures mises en attente ; la seconde a donc été retenue, elle est élaborée en multipliant le nombre de " trous " dans les règlements, par le montant d'un règlement moyen ; cette méthode est cohérente et fiable et génère des résultats n'apparaissant pas exagérés ;
- les manoeuvres frauduleuses de la société dans l'utilisation du logiciel " Alliance Plus " justifiant la pénalité de 80 % sont établies.
Par une ordonnance du 24 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 juin 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire a porté à la connaissance de l'administration fiscale le rapport d'un expert près la cour d'appel d'Aix-en-Provence selon lequel le logiciel de gestion et de comptabilité " Alliance Plus " édité par la société Alliadis comportait une fonction dite " permissive ", activée par la saisie d'un mot de passe fourni par l'éditeur, permettant de supprimer de l'historique de la caisse en cours un certain nombre d'opérations, notamment les encaissements d'espèces. Dans le cadre de ce droit de communication, l'administration a consulté une liste, également établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel, parmi lesquelles figurait la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie de Réalmont qui exploite une officine de pharmacie située à Réalmont (Tarn). Cette société a fait l'objet d'un contrôle inopiné suivi d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés sur la période du 1er février 2008 au 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a rejeté comme non probante la comptabilité de la société et reconstitué une partie de son chiffre d'affaires à raison de recettes dissimulées. Par proposition de rectification du 29 juillet 2011 l'administration a notifié, à ce titre, à l'intéressée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er février 2008 au 31 décembre 2010. Ces rectifications ont été assorties de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts. La société Pharmacie de Réalmont relève appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. L'article L. 47 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...). En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Selon l'article L. 47 A du même livre : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée (...), une copie des fichiers des écritures comptables (...). L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. / II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) ". Enfin, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de présenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ".
3. La société Pharmacie de Réalmont fait valoir, comme en première instance, que les opérations d'extraction et de saisie des fichiers du logiciel " Alliance Plus " effectuées par l'administration dans le cadre du contrôle inopiné réalisé le 24 février 2011 dans les locaux de la pharmacie qu'elle exploite, ont constitué des traitements informatiques qui ne sont pas autorisés dans le cadre d'un tel contrôle par les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et qui l'ont privée des garanties offertes par les vérifications de comptabilité.
4. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des mentions du compte-rendu d'intervention relatant les constatations matérielles effectuées le 24 février 2011 dans le cadre de la procédure de contrôle inopiné, lequel a été contresigné par M. C...et MmeD..., cogérants de la société, qu'à la demande du vérificateur, Mme D...a procédé à des manipulations informatiques pour justifier le respect de leurs obligations comptables et fiscales en matière de conservation de données, a imprimé l'historique des commandes passées sur le terminal " xterm " correspondant au système d'exploitation Linus du logiciel " Alliance Plus " et la liste des fichiers présents sur le disque dur et de procéder à l'archivage et au gravage sur CD ROM des inventaires de stock sur la période vérifiée. L'archivage et le gravage demandé n'ont pu être réalisés lors de cette intervention. Il a été procédé enfin à des sauvegardes des données du logiciel " Alliance Plus " sans qu'aucune copie ni aucun support ne soit emporté par les agents. Contrairement à ce que soutient la société, aucune de ces opérations, qui ont eu pour seul objet de relever et de figer les données de la comptabilité informatisée au jour du contrôle inopiné, ne caractérise un traitement informatique devant donner lieu à la mise en oeuvre de la procédure particulière visée au II précité de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Il résulte par ailleurs du même état contradictoire que les supports de sauvegarde et les copies de fichiers, ainsi que les impressions, qui n'ont donné lieu à aucune analyse immédiate de la part du vérificateur, n'ont pas été emportés par celui-ci mais ont été laissés entre les mains du contribuable. Les dispositions alors applicables de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ne faisaient nullement obstacle à ce que le vérificateur procède ainsi. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition suivie aurait été viciée en ce que les opérations effectuées par le vérificateur ont excédé ce qu'il lui était permis d'accomplir dans le cadre d'un contrôle inopiné et ont constitué le début d'une vérification de comptabilité, doit être écarté.
5. La requérante ne peut davantage soutenir, en l'absence de toute saisie effectuée par le service au cours du contrôle inopiné, que les agents auraient procédé à une visite domiciliaire au sens de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sans avoir pu bénéficier des garanties liées à cette procédure.
6. Enfin, contrairement à ce que la requérante soutient, il est constant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité, lors de sa première intervention sur place, le 18 mars 2011, soit plus de deux semaines après la remise de l'avis de vérification leur indiquant notamment la date de début de vérification et la possibilité pour eux de se faire assister d'un conseil, le vérificateur a remis aux gérants de la société, un courrier informant cette dernière de la possibilité pour elle de choisir l'une des options prévues par les dispositions de l'article L. 47 A du livre précité. La société après avoir opté dans un premier temps pour la formule consistant à effectuer elle-même tout ou partie des traitements informatiques à réaliser, a finalement opté, le 12 avril 2011, après avoir reçu le cahier des charges de traitement à réaliser, pour que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise et a accepté de mettre à la disposition du vérificateur les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
7. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".
8. Pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la SELARL Pharmacie de Réalmont au titre de la période vérifiée, le vérificateur a constaté que la comptabilité de la société comportait 3 848 factures manquantes pour l'exercice clos en 2008, 8 010 en 2009 et 10 800 en 2010, ainsi que des incohérences dans les quantités vendues. L'administration établit en outre que la société a demandé et obtenu le 4 février 2008 soit 4 jours après la mise en place du logiciel " Alliance Plus ", le mot de passe lui permettant d'accéder aux fonctionnalités permissives du logiciel " Alliance Plus " auprès de son fournisseur de logiciel et fait état de la présence du fichier " a_futil.d " qui conserve les suppressions de règlements. La société requérante ne peut se prévaloir de ce que ledit fichier était vide dès lors que l'administration a constaté de nombreuses utilisations de la fonctionnalité " réajustement " qui permet de supprimer les donnés de ce fichier et qu'au demeurant, M.D..., cogérant, a reconnu, lors de la première intervention du service le 18 mars 2011, avoir en sa possession le mot de passe et avoir effacé le contenu du fichier trace. En l'espèce, la suppression des recettes est corroborée par les ruptures de numéros de séquence des factures. Les divers incidents susceptibles d'expliquer ponctuellement des ruptures de séquences et les erreurs de manipulations possibles lors de l'utilisation du logiciel " Alliance plus " ou son éventuelle absence de fiabilité non établie en l'espèce, ne sauraient suffire à justifier les très nombreux règlements en espèces manquants. Ainsi, et sans que la requérante ne puisse utilement se prévaloir d'un arrêt rendu par le juge pénal à propos d'un tiers, l'administration, qui a relevé dans la proposition de rectification du 29 juillet 2011 que la comptabilité de la société requérante ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité. Dès lors, c'est à bon droit que le service a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution extracomptable de ses recettes.
En ce qui concerne la reconstitution des recettes de la société :
9. Il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 27 avril 2012. En application des dispositions citées au point 7, la société requérante ne peut, par suite, obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'elle conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration. A cette fin, elle peut soit critiquer la méthode de reconstitution des recettes à laquelle le service a recouru, en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des résultats exagérés, soit soumettre à l'appréciation du juge de l'impôt une autre méthode de reconstitution plus pertinente.
10. Pour procéder à la reconstitution des recettes de la société requérante, l'administration a utilisé trois méthodes dont elle a fait la moyenne en ne retenant que les résultats concordants. De première part, elle a déterminé les recettes supprimées à partir des règlements de factures manquants. Le chiffrage a été établi à partir du montant moyen des factures réglées en espèces. La ventilation par taux de taxe sur la valeur ajoutée du rehaussement des recettes de la période allant du 1er février 2008 au 31 décembre 2010 a été faite en reprenant, pour chaque exercice les ventes toutes taxes comprises présentes en comptabilité payées en espèces hors ordonnance réparties selon le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué. De deuxième part, l'administration a utilisé une méthode fondée sur l'historique des ventes sans tiers payant réglées en espèce en procédant au rapprochement des quantités facturées avec les ventes contenues dans l'historique. Enfin, de troisième part, l'administration a utilisé les données contenues dans la comptabilité matière en ne retenant que les résultats identiques avec ceux obtenus par la méthode précédente. Ces trois méthodes de reconstitution associées ont été validées par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Pour critiquer cette méthode de reconstitution de recettes, la société requérante fait valoir qu'elle est fondée sur la suppression de recettes du logiciel qui est un fait selon elle non démontré par le service vérificateur. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que la suppression des recettes par la société requérante est démontrée par l'administration. La société soutient également que les résultats obtenus par le service ne sont pas pertinents dès lors qu'ils ne tiennent pas compte du fait que la mise en oeuvre de la fonctionnalité " rendu de monnaie " engendre des erreurs et notamment plusieurs ruptures de séquentialité. Toutefois, ces seules allégations non corroborées par une démonstration chiffrée ne suffisent pas à établir la réalité des vices affectant la méthode utilisée par l'administration. Si la société requérante soutient en outre que l'absence de fiabilité du logiciel " Alliance Plus " serait établie, elle ne peut utilement se prévaloir d'un arrêt de la cour d'appel de Colmar rendu dans une affaire relative à un tiers, et ne démontre pas, par de simples assertions, l'absence de fiabilité des données du logiciel et leur caractère altérable, alors au demeurant qu'elle a elle-même supprimé le fichier trace contraignant l'administration à reconstituer les recettes ainsi effacées. La société requérante, à qui incombe la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge, ne propose aucune autre méthode d'évaluation plus précise et ne fournit aucun élément de nature à apprécier le montant des recettes qu'il conviendrait de retenir. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a confirmé le bien-fondé de la méthode de reconstitution des recettes de la société Pharmacie de Réalmont au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010.
Sur les majorations pour manoeuvres frauduleuses :
11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : /(...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses(...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve (...) des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
12. Pour justifier l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts, l'administration se fonde sur les informations mentionnées au point 1, obtenues dans le cadre du droit de communication indiquant que le logiciel "Alliance Plus " était doté d'une fonction dite permissive, activée à l'aide d'un mot de passe fourni par l'éditeur du logiciel, permettant de dissimuler des recettes, et que la société requérante figure sur une liste, établie par l'autorité judiciaire, de pharmacies ayant demandé ce mot de passe à l'éditeur du logiciel. La vérification de comptabilité de la société requérante a permis d'établir que les fichiers comptables de cette dernière comportaient de très nombreuses ruptures de séries dans les numéros de factures ne pouvant s'expliquer que par l'utilisation par la société requérante de la fonction dite " permissive " de son logiciel de gestion et de comptabilité, laquelle lui permettait de dissimuler des opérations imposables tout en donnant à sa comptabilité l'apparence de la sincérité. Dans ces conditions, et alors que l'un des cogérants de la société a reconnu avoir eu en sa possession le mot de passe permettant d'accéder à la fonction permissive du logiciel, et l'avoir utilisé notamment pour vider le fichier " trace " à plusieurs reprises, l'administration établit que la société requérante a créé des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et justifie, par suite, l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie de Réalmont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge des impositions et majorations litigieuses. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie de Réalmont est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie de Réalmont et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03819