Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 décembre 2017 et le 18 avril 2019, l'association mutualiste agricole de Boissor, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail du 5 août 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 12 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisée à licencier M. D... était, contrairement à ce qu'a estimé le ministre, suffisamment motivée ;
- elle a accompli les diligences en vue de la recherche d'une possibilité de reclassement pour M. D... et a ainsi satisfait à l'obligation qui pesait sur elle ;
- le ministre a commis une erreur de droit en se déclarant incompétent au motif que M. D... ne bénéficiait plus de la protection dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs dès lors qu'il n'a pas tenu compte de la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 février 2018 et le 22 mai 2019, M. F... D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association mutualiste agricole de Boissor à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la décision du 12 janvier 2015 de l'inspecteur du travail a été à bon droit annulée par le ministre du travail pour insuffisance de motivation ;
- l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement alors qu'aucune recherche de reclassement n'avait été valablement effectuée par l'employeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- faute pour l'inspecteur du travail d'avoir exposé les démarches mises en oeuvre par l'employeur pour reclasser M. D..., c'est à bon droit qu'il a considéré que la décision rendue par ledit inspecteur ne comportait pas les éléments de motivation suffisamment précis relativement à l'obligation de reclassement ;
- le moyen portant sur l'obligation de reclassement est inopérant dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur cette question.
Par une ordonnance du 29 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mai 2019 à 12 h 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri ;
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Une note en délibéré pour M. D... a été enregistrée le 5 novembre 2019.
Une note en délibéré pour l'association mutualiste agricole de Boissor a été enregistrée le 6 novembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... D... a été recruté, le 10 septembre 1985, par l'association mutualiste agricole de Boissor en qualité d'éducateur spécialisé puis, à compter du 11 mars 2011, en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Le 15 décembre 2014, l'association mutualiste agricole de Boissor a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. D..., membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, pour inaptitude. Par une décision du 12 janvier 2015, l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation. A la suite du recours hiérarchique exercé par M. D... le 11 mars 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, par une décision en date du 5 août 2015, a retiré la décision implicite née le 12 juillet 2015 du silence gardé par l'administration sur le recours hiérarchique de M. D..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 janvier 2015 et a rejeté la demande d'autorisation de licenciement. L'association mutualiste agricole de Boissor relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre du travail du 5 août 2015.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il résulte des dispositions des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail que les décisions prises par l'inspecteur du travail relativement aux autorisations de licenciement des salariés protégés doivent être motivées.
3. Pour refuser l'autorisation de licencier M. D... pour inaptitude, l'inspecteur du travail, après avoir visé les articles L. 2411-13, L. 2421-3 et suivants et R. 2421-8 et suivants du code du travail, a rappelé les éléments de la procédure suivie et a notamment indiqué que l'inaptitude du salarié avait été médicalement constatée. Toutefois, s'agissant des efforts de reclassement, il s'est borné à faire état de " la réalité des recherches de reclassement effectuées par l'employeur ". Ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le ministre du travail a considéré à bon droit que la décision de l'inspecteur du travail, qui ne permettait pas de connaître les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé pour estimer que le salarié n'avait pas pu faire l'objet d'un reclassement, n'était pas motivée et qu'elle encourrait l'annulation pour ce seul motif.
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Ainsi, en s'estimant incompétent pour statuer sur le licenciement de M. D... le 5 août 2015 alors qu'à la date de l'envoi de sa convocation à l'entretien préalable de licenciement, le 3 décembre 2014, M. D... était titulaire d'un mandat représentatif de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit. Il suit de là que la décision du 5 août 2015 doit être annulée en tant que le ministre du travail s'est déclaré incompétent pour statuer sur le licenciement de M. D....
5. Il résulte de ce qui précède que l'association mutualiste agricole de Boissor est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté en totalité sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail en date du 5 août 2015 et à obtenir l'annulation de l'article 3 de cette décision qui est divisible.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de l'association mutualiste agricole de Boissor la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'association mutualiste agricole de Boissor qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme dont M. D... sollicite le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : L'article 3 de la décision du ministre du travail du 5 août 2015 est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 1504543 du 19 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à l'association mutualiste agricole de Boissor la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association mutualiste agricole de Boissor, au ministre du travail et à M. D....
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
Karine ButériLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX03973 5