Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 25 octobre 2018 en tant qu'il a annulé son arrêté du 20 septembre 2018 et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que son arrêté n'est pas entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. E... ; celui-ci, lors de son audition, s'est déclaré célibataire et sans enfant et n'a fait état d'aucune attache en France ; ce n'est que devant le premier juge qu'il a invoqué l'existence de parents en France ; les attestations produites sont postérieures à l'arrêté ; par ailleurs, lors de son audition, il n'a fait état que d'une seule promesse d'embauche, faite pour qu'il " puisse avoir des papiers " ; en tout état de cause, alors que M. E... déclare être entré en France au début 2016, il n'a jamais sollicité de titre de séjour salarié.
Par une ordonnance en date du 7 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2019.
M. E... a présenté un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2019 à 20H00, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., ressortissant algérien, né en 1991, et qui déclare être entré en France au début de l'année 2016, a été interpellé le 20 septembre 2018 par les services de police et auditionné le même jour. Il n'a pu présenter ni pièce d'identité ni titre de séjour ni aucun autre document ou visa exigé par les conventions internationales et les règlements en vigueur, et a déclaré s'être servi d'un faux passeport au cours de son itinéraire. Par un arrêté en date du 20 septembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé l'Algérie comme pays de destination et a ordonné son placement en rétention. Par une décision du 22 septembre 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné sa remise en liberté. Le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 25 octobre 2018, en ce qu'il a annulé l'arrêté précité et mis à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a relevé que M. E... se prévalait " de plusieurs promesses d'embauche et de la présence sur le territoire national de la famille de sa tante qui l'héberge ainsi que d'une famille française d'amis de ses parents, garants de sa prise en charge " et a par suite considéré que le préfet avait entaché la décision d'éloignement d'un défaut d'examen en relevant que l'intéressé était dépourvu d'attaches personnelles et familiales en France.
3. Cependant, il ressort du procès-verbal de l'audition de M. E..., conduite le 20 septembre 2018, que celui-ci a déclaré être célibataire et sans enfant, et n'a déclaré aucune attache en France, répondant à la question " où se trouvent les membres de votre famille ", que ceux-ci, à savoir ses parents, ses deux frères et sa soeur, vivaient tous en Algérie. Il n'a présenté aucune promesse d'embauche, se bornant à déclarer qu'il " faisait de la plomberie (...) pour un patron qui m'a fait une promesse d'embauche pour que je puisse avoir des papiers ", en ajoutant qu'il ne voulait pas donner son nom pour ne pas que celui-ci " ait des ennuis ". Dans ces conditions, et quand bien même M. E... aurait-il invoqué, devant le premier juge, c'est-à-dire en tout état de cause, postérieurement à l'arrêté attaqué, l'existence en France d'une tante et d'un cousin, qui l'hébergerait, ainsi que d'une famille française d'amis et produit une promesse d'embauche pour un contrat à durée déterminée de 3 mois, au demeurant non datée, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans entacher la décision portant mesure d'éloignement de l'intéressé d'un défaut d'examen de sa situation familiale et personnelle, estimer que M. E... était sans attaches sur le territoire national. Le préfet de la Haute-Garonne est par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur une telle absence d'examen de sa part, pour annuler son arrêté.
4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. E....
Sur la mesure portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, par un arrêté du 18 mai 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet de Haute-Garonne a donné délégation à Mme D... pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entachée la décision contestée manque en fait et doit être écarté.
6. En deuxième lieu, cette décision vise les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Au titre des considérations de fait, elle mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de M. E..., relève qu'il est célibataire et sans enfant et est dépourvu d'attaches personnelles et familiales en France, qu'il ne dispose pas de garanties de représentation car il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence, n'a pas de document de voyage en cours de validité, n'a aucune ressource ni billet de retour, et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, n'ayant déposé aucune demande à ce titre et ne justifiant nullement avoir déposé une demande d'asile. Par suite, le préfet, qui n'était pas tenu à l'exhaustivité, a suffisamment motivé sa décision d'éloignement.
7. En troisième lieu, il ressort des propres déclarations de l'intéressé, qui prétend être en France depuis le début de l'année 2016, que, s'il s'est présenté " pour demander l'asile au bureau aux Arènes " où " ils m'ont donné une feuille, pris une photo et ils ont voulu me donner la carte pour l'argent et les soins ", il n'est " pas allé au rendez-vous suivant " et n'a ainsi effectué aucune démarche visant à demander le bénéfice de l'asile, ni en France, ni dans un autre pays européen. Il n'a pas non plus, lors de son audition, allégué encourir des risques particuliers en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en mentionnant que M. E... ne justifiait pas avoir déposé une demande d'asile et déclarait lui-même ne pas avoir donné suite à sa visite aux Arènes, comme en mentionnant qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Algérie, le préfet n'a pas non plus entaché la mesure d'éloignement d'un défaut d'examen à cet égard.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. M. E... se prévaut pour la première fois, dans un mémoire en réplique devant le tribunal administratif, de ce qu'il a développé des liens amicaux étroits avec une famille française et de ce qu'il entretient également " de très bonnes relations " avec des membres de sa famille vivant en France, notamment une tante, ainsi qu'un cousin et sa famille, qui l'hébergerait à Toulouse. Cependant, comme cela a déjà été dit ci-dessus, l'intéressé a, lors de son audition, déclaré être célibataire et sans enfant, et n'a déclaré aucune attache en France, répondant à la question " où se trouvent les membres de votre famille ", que ceux-ci, à savoir ses parents, ses deux frères et sa soeur, vivaient tous en Algérie. S'il se prévaut également de promesses d'embauche, il ne produit à ce titre qu'un seul document, émanant de la société " Du climat au confort ", en vue d'un contrat à durée déterminée de 3 mois, document qui ne comporte aucune date. Par ailleurs, M. E..., qui est entré irrégulièrement en France, mais prétend être sur le sol national depuis 3 ans, n'a jamais cherché à régulariser sa situation administrative. En outre, il a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement prise à son encontre n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts qu'elle poursuit, et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les autres mesures :
10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. E... ne saurait exciper de l'illégalité de la mesure portant éloignement à l'encontre des mesures d'éloignement sans délai et de fixation du pays de renvoi.
11. Comme cela a également été dit ci-dessus, M. E... n'a jamais effectué de démarche pour solliciter l'asile et n'allègue d'aucun risque particulier en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, pour le même motif que celui exposé au point 3, la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi n'est ni entachée d'une insuffisance de motivation, ni d'un défaut d'examen de sa situation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté qu'il a pris le 20 septembre 2018 à l'encontre de M. E... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. E... sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804492 du 25 octobre 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... E.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme B... A..., présidente-assesseure,
Mme F..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.
Le rapporteur,
F...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX03988 6