Procédure devant la cour :
Par requête enregistrée le 2 mai 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 7 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de l'admettre au séjour dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jours de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, le cas échéant, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État à verser, à son conseil, une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2ème de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2020, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme E... n'est fondé.
Par une ordonnance du 24 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 novembre 2020 à 12 heures.
Mme E... a présenté des pièces nouvelles, enregistrées le 25 novembre 2020, qui n'ont pas été communiquées.
Par décision du 23 avril 2020, Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le
26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante russe d'origine tchétchène, née le 22 août 1987 à Ourous-Martan, est entrée en France le 25 octobre 2017 accompagnée de ses deux enfants mineurs. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 23 juillet 2018 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 mai 2019. Mme E... relève appel du jugement du
22 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le préfet du Tarn l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 I, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée sur le territoire français le 25 octobre 2017 et n'a été admise à y séjourner que le temps de l'examen de sa demande d'asile. Elle ne justifie pas, par la seule production d'attestations de parents d'élève ou de personnels de l'éducation nationale, d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, et eu égard à la brève durée du séjour en France et de l'absence d'attache sur le territoire français de Mme E..., la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'appelante.
4. Par ailleurs, si Mme E... soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de l'erreur commise quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'emporte la décision sur sa situation en raison des risques qu'elle encourt dans son pays d'origine est inopérant contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle n'implique par elle-même aucune obligation de retourner dans le pays d'origine.
5. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale que forment Mme E... et ses deux enfants ne pourrait se reconstituer hors de France. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ses enfants seraient dans l'impossibilité de poursuivre une scolarité dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision en litige, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, faute d'avoir établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi, soulevé par voie d'exception, ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Mme E... soutient qu'elle craint pour sa vie en cas de retour en Russie, pays qu'elle a fui en raison de ses origines tchétchènes et des activités politiques de son mari. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée le 23 juillet 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et le 21 mai 2019 par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir la réalité des risques allégués, la teneur des extraits de rapports mentionnés dans ses écritures se révélant d'ordre trop général sur la situation de son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'appelante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État au titre des frais liés à la présente instance dès lors qu'il n'est pas la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.
Le président,
Dominique Naves
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX01500 2