Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 27 novembre 2018, M. J... F..., représenté par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 5 avril 2017 ;
2°) d'annuler les délibérations n° 4 " Musogorrikoborda / promesse de vente / résiliation / signature du protocole transactionnel " et n° 5 " Kiroleta / cession " du 26 mars 2015, du conseil municipal de la commune d'Ustaritz ;
3°) de condamner la commune d'Ustaritz la somme de 1 500 euros pour résistance abusive ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Ustaritz la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les membres du conseil municipal ont reçu une information insuffisante, en violation des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit qu'une note explicative de synthèse soit jointe à la convocation pour les affaires soumises à délibération ; si une note était jointe à la convocation, elle ne comportait ni le projet de contrat, ni le projet de protocole transactionnel et n'était en réalité pas conforme à l'esprit de l'article précité ; en outre, le maire n'a invoqué, conformément au dernier alinéa de l'article précité, aucune urgence qui aurait justifié le maintien à l'ordre du jour les délibérations en litige ;
- la valeur vénale des terrains cédés par la délibération n° 5 a été largement sous-évaluée ; pour appliquer un régime dérogatoire, c'est-à-dire une cession à un prix inférieur à la valeur vénale, comme l'a fait le Conseil d'Etat dans son arrêt commune de Mer du 25 novembre 2009, il aurait fallu un motif d'intérêt général, qui fait défaut en l'espèce ; à tout le moins, aucun motif d'intérêt général n'a été clairement indiqué par la commune dans la délibération en litige ; la valeur de cession est non seulement inférieure au prix du marché, mais aussi à l'évaluation faite par les Domaines ; or, la commune d'Ustaritz est endettée ; les délibérations en cause sont donc contraires à la jurisprudence du Conseil d'Etat, mais également entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistré le 3 novembre 2017 et le 7 janvier 2019, la commune d'Ustaritz, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. F..., outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 3 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été reportée au 9 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la commune d'Ustaritz.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 25 septembre 2014, le conseil municipal de la commune d'Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques) a décidé de ne pas poursuivre l'opération de cession du site dit " Musogorrikoborda " au Comité Ouvrier du Logement (COL) et à Habitat Sud Atlantic (HSA), malgré la signature d'une promesse de vente du 6 mars 2014. En raison des frais déjà engagés tant par le COL que par HSA, la commune a établi avec ces derniers un protocole transactionnel au terme duquel le COL et HSA renonçaient expressément au bénéfice de la promesse consentie réputée caduque, ainsi qu'à toute action judiciaire contre la commune alors qu'en contrepartie, celle-ci s'engageait à verser, d'une part au COL, la somme forfaitaire de 245 000 euros, entre le 30 septembre 2015 et le 28 février 2016 au plus tard, en numéraire ou en nature, le cas échéant, dans le cadre d'une cession d'un terrain lui appartenant et, d'autre part à HSA, la somme forfaitaire de 50 000 euros en numéraire avant le 30 septembre 2015. Par une délibération n° 4 du 26 mars 2015, le conseil municipal d'Ustaritz a approuvé les termes du projet de protocole transactionnel et autorisé le maire à le signer. Des terrains devenant disponibles et afin de ne pas impacter ses finances, la commune a décidé de céder au COL, d'une part, un lot A comprenant les terrains cadastrés section AO n° 2P, 228, 326p, 328p, 329, 330p, 331p, 338p, 587p, 747p, d'une surface de 1 Ha 68a 25 ca et pour un prix de 1 864 610 euros, et d'autre part, un lot B comprenant le terrain cadastré section AO n° 351p, d'une surface de 0 Ha 21a 24 ca et pour un prix de 235 390 euros. Par une délibération n° 5 du 26 mars 2015, le conseil municipal a autorisé le maire à mettre en oeuvre le protocole transactionnel par la signature d'une promesse de vente avec le COL portant sur la cession de ces terrains pour un prix de 2 100 000 euros. M. F..., Mme H... et M. B..., ont demandé au tribunal administratif l'annulation des délibérations n° 4 et n° 5. M. F... fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 5 avril 2017, qui a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la délibération n° 4 :
2. Aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l'ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur. / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. / Le maire en rend compte dès l'ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l'urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l'ordre du jour d'une séance ultérieure (...) ". Aux termes de l'article 4 relatif à l'accès aux dossiers préparatoires et aux projets de contrat et de marché du règlement intérieur du conseil municipal de la commune d'Ustaritz, adopté le 17 avril 2014 : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. / A partir de la réception de la convocation, les conseillers municipaux peuvent consulter les dossiers préparatoires sur place, en mairie et aux heures ouvrables, dans les conditions fixées par le maire. / Les dossiers relatifs aux projets de contrat et de marché sont mis, sur leur demande, à la disposition des conseillers intéressés, au secrétariat de la mairie (ou dans les services compétents) 2 jours avant la séance à laquelle ils doivent être examinés aux fins de délibération. Dans tous les cas, ces dossiers seront tenus en séance à la disposition des membres de l'assemblée. ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la convocation aux conseillers municipaux en vue de la séance du 26 mars 2015 leur a été adressée le 18 mars, soit dans le délai de cinq jours francs prévu par les dispositions précitées de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales. Par suite, le maire n'ayant pas mis en oeuvre la procédure d'urgence prévue par le 3è alinéa de l'article précité, il n'avait pas à mettre en oeuvre son 4ème alinéa devant le conseil municipal.
4. D'autre part, il ressort de la convocation du 18 mars 2015 que celle-ci comportait une note explicative de synthèse décrivant le contexte dans lequel se plaçait le protocole transactionnel en litige et détaillant son contenu, contexte dont les conseillers municipaux étaient au demeurant avertis depuis l'abandon de l'opération de cession du site dit " Musogorrikoborda " au COL et à HSA, validée par la délibération du 25 septembre 2014. Si le projet de protocole lui-même n'était pas joint à la convocation, il était, conformément au deuxième alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales lequel renvoie aux modalités fixées par le règlement intérieur du conseil municipal, consultable en mairie et pouvait, conformément à l'article 4 dudit règlement, être mis à la disposition de tout conseiller en faisant la demande. Or, en l'espèce, il est constant qu'aucun conseiller municipal n'a sollicité la communication ou la consultation du projet de protocole, seule Mme A..., conseillère ayant, par courriel du 25 mars, sollicité la communication des annexes au protocole justifiant du montant des préjudices subis par le COL, qui lui ont été communiquées par retour de courriel.
5. Par suite, le moyen tiré de ce que l'information du conseil municipal aurait été insuffisante en amont du vote de la délibération n° 4, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, doit être écarté.
En ce qui concerne la délibération n° 5 :
6. Aux termes de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité. ".
7. M. F... fait valoir que l'estimation du service des domaines de la valeur des terrains cédés au COL par le projet de protocole n'a été connue que le 25 mars au soir en vue de la séance du lendemain, ce que reconnaît la commune, celle-ci soutenant que les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales n'imposent pas la communication de l'avis de ce service avant la séance, dès lors qu'elle n'a pas été expressément demandée par un conseiller municipal. Cependant, si lesdites dispositions n'imposent effectivement pas que le document établi par le service des domaines soit remis aux membres du conseil municipal avant la séance à peine d'irrégularité de la procédure d'adoption de la délibération relative à une décision de cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers, elles imposent en revanche que la teneur de l'avis de ce service soit, préalablement à la séance du conseil municipal durant laquelle la délibération doit être prise, portée utilement à la connaissance de ses membres, notamment par la note de synthèse jointe à la convocation qui leur est adressée. En l'espèce, l'évaluation chiffrée du service des domaines n'ayant été connue que la veille de la séance du conseil municipal, soit le 25 mars, et alors que le maire n'a pas fait application de la procédure d'urgence prévue par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, la note explicative adressée le 18 mars aux conseillers municipaux en même temps que leur convocation à la séance du 26 mars, ne pouvait de toute évidence pas indiquer la teneur de cette évaluation. Au surplus, dès lors qu'aucun avis du service des domaines n'avait été rendu lors de l'envoi des convocations, aucune des mentions figurant dans la note de synthèse ne pouvait remédier à cette carence, cette note ne comportant au demeurant aucune référence à une évaluation, ne serait-ce qu'à venir, de ce service ce qui, en l'espèce, a été d'autant plus préjudiciable à la bonne information des élus que les montants de la valeur vénale des biens immobiliers concernés par la cession mentionnés dans le projet de promesse de vente différaient de ceux indiqués dans l'avis de France Domaine du 25 mars 2015 et ce qui explique que plusieurs élus aient sollicité - en vain - un report de la séance du 26 mars 2015. Dans ces conditions, M. F... est fondé à soutenir que les membres du conseil municipal n'ont pas été mis en mesure de connaître l'estimation de la valeur des terrains échangés avant de se prononcer sur l'échange envisagé, en méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, et ont été ainsi privés d'une garantie. Pour ce seul motif, la délibération n° 5 doit être annulée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande, ainsi que celle de Mme H... et de M. B..., en ce qu'elle tendait à l'annulation de la délibération n° 5 du 26 mars 2015.
Sur la somme demandée par M. F... pour résistance abusive de la commune :
9. La somme de 1 500 euros que demande M. F... à ce titre doit être regardée comme une demande de dommages-intérêts, c'est-à-dire comme une demande indemnitaire. Toutefois, alors que le recours de première instance était exclusivement un contentieux de l'excès de pouvoir, une telle demande, nouvelle en appel n'est par suite et en tout état de cause, pas recevable.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ustaritz une somme de 1 000 euros que demande M. F... sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La délibération n° 5 du conseil municipal de la commune d'Ustaritz en date du 26 mars 2015 est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 1501539 du tribunal administratif de Pau du 5 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La commune d'Ustaritz versera à M. F... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... F... et à la commune d'Ustaritz. Copie en sera adressée à Mme G... H..., à M. K... B... et au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme L..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
Le rapporteur,
L...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX01732