Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2015, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 avril 2015.
2°) d'annuler la mesure prise le 12 septembre 2012 par le directeur de l'IUT de Bordeaux Montesquieu, lui indiquant que pour l'année universitaire 2012-2013, son service statutaire serait réparti à hauteur de 50 heures équivalent travaux dirigés au sein du Département " carrières juridiques " de l'IUT et à hauteur de 142 heures équivalent travaux dirigés de l'institut d'administration des entreprises (IAE), et d'annuler le rejet de son recours gracieux.
3°) de mettre à la charge de l'université de Bordeaux la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- au titre de la régularité du jugement, le rapporteur public avait indiqué sur l'application Sagace qu'il proposait un rejet au fond de sa requête, alors qu'il a proposé à l'audience, sans en avoir préalablement informé les parties, de fonder le rejet de sa requête sur une irrecevabilité ;
- le jugement est également entaché d'irrégularité, faute d'être suffisamment motivé, contrairement à ce qu'impose l'article L. 9 du code de justice administrative ; par ailleurs, l'inexistence de la décision contestée aurait du susciter une demande de régularisation par le greffe, ce qui n'apparait pas dans le jugement attaqué ;
- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement et de la décision d'affectation, l'irrecevabilité du recours qui lui a été opposée porte atteinte à son droit à un recours juridictionnel auquel il a droit en vertu de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- contrairement à ce qu'avait envisagé de retenir d'office le tribunal, aucune contestation n'est possible quant à l'existence de la décision d'affectation du 12 septembre 2012 dont il demande l'annulation, la circonstance que cette affectation n'ait pas été formalisée, se trouvant sans incidence sur son existence ;
- la mesure du 12 septembre 2012 lui fait grief dès lors qu'elle prononce une affectation en lui imposant un service dans le département Carrières Juridiques de l'IUT dans lequel il n'était jamais intervenu, les heures en cause n'étant décomptées qu'en heures de travaux dirigés contrairement à ce que prévoit le programme pédagogique national ;
- le fait que l'attribution d'un service au sein de l'IUT constitue une affectation, est confirmé par l'arrêté du 19 mai 2014, qui indique expressément qu'il est affecté à l'université de Bordeaux Montesquieu au département carrières de l'IUT ;
- une heure de cours représentant 1,5 heure de travaux dirigés, en effectuant 50 heures d'enseignement considérées comme des heures de travaux dirigés, cela représentait pour lui une perte de 1000 euros, dès lors que si son service avait été estimé en heures de cours et non en heures de travaux dirigés, il aurait bénéficié du paiement d'heures supplémentaires ;
- si les enseignants peuvent assurer la totalité de leur service statutaire (192 heures équivalent TD) dans un autre département de l'université que celui auquel ils sont rattachés, ce n'est qu'après mutation ;
- les changements d'affectation des enseignants-chercheurs portent atteinte à leurs prérogatives statutaires ;
- la décision d'affectation dont il a fait l'objet au département Carrières Juridiques ne peut être considérée comme une mesure d'organisation du service dès lors que le nombre d'heures qui lui a été attribué est parfaitement arbitraire et sur des fonctions créées après l'intervention de la décision d'affectation ;
- les 50 heures qui lui ont été attribuées à l'IUT s'adressent à des étudiants en échec à l'issue du 1er semestre de faculté de droit ; ces heures lui sont imposées en travaux dirigés alors que le programme pédagogique national prévoit 20 heures de cours et 15 heures de travaux dirigés pour le 1er semestre et 20 heures de cours et 16 heures de TD pour le second semestre ;
- dans ces conditions, la décision du 12 septembre 2012, d'affectation à l'IUT de carrières juridiques constitue bien une décision faisant grief ;
- en ce qui concerne le bien-fondé de la mesure d'affectation, le principe du contradictoire, imposé par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, n'a pas été en l'espèce respecté avant l'intervention de la décision du 12 septembre 2012 ;
- la mesure d'affectation n'a pas fait l'objet de la motivation imposée par la loi du 11 juillet 1979 et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le rejet du recours hiérarchique n'étant pas davantage motivé ;
- la mesure d'affectation dont il a fait l'objet est intervenue alors qu'il se trouvait mis à disposition à l'IAE ;
- la cessation de la mise à disposition devait conduire à lui attribuer le poste précédemment occupé, au sein de l'université de Bordeaux en gestion des entreprises et administrations (GEA) avant sa mise à disposition ;
- en voulant lui imposer ces enseignements, l'université a méconnu le principe d'égalité entre les enseignants-chercheurs dès lors que les heures d'enseignement à l'IUT ne lui étaient décomptées qu'en heures de TD, ce qui est contraire aux dispositions des décrets n ° 85-986 du 16 septembre 1985 et n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
- la mesure d'affectation dont il a fait l'objet est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle repose sur une volonté délibérée d'user de prérogatives dans un but autre que celui pouvant être recherché ; le courrier du 12 septembre 2012 dépourvu de toute formule de politesse dénote de la volonté de le sanctionner du fait d'une animosité personnelle du directeur de l'IUT.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2016, l'université de Bordeaux, représentée par le cabinet d'avocats Noyer-Cazcarra, conclut au rejet de la requête de M. A...et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- en ce qui concerne la régularité du jugement, contrairement à ce que soutient le requérant, le rapporteur public à l'audience, n'a pas conclu à l'irrecevabilité, à laquelle il a seulement fait allusion, de la requête, mais à un rejet au fond, M. A...n'apportant à cet égard aucun élément contrairement à ce qu'impose la jurisprudence, pour établir que le rapporteur public aurait conclu à un rejet pour irrecevabilité ; par ailleurs, le jugement du tribunal administratif est suffisamment motivé ; concernant la question de la production de la décision attaquée, aucune demande de régularisation ne devait être faite dès lors que le tribunal avait estimé que la décision attaquée n'existait pas ;
- les règles de recevabilité des requêtes devant le juge administratif sont parfaitement compatibles avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles liées au droit à un recours juridictionnel effectif ;
- les conclusions dirigées contre le rejet du recours administratif formé le 21 septembre 2012, à l'encontre de la décision du 12 septembre 2012 sont irrecevables, pour être nouvelles en appel ;
- la mesure dont M. A...demande l'annulation ne peut être regardée comme un changement d'affectation, dès lors qu'il n'a pas changé de résidence administrative compte tenu de ce que le département carrières juridiques de l'IUT dans lequel 50 heures équivalent TD lui ont été attribuées, fait partie intégrante de l'université de Bordeaux ; qu'une mutation ne peut intervenir qu'entre deux universités distinctes ;
- la perte financière invoquée du fait de l'attribution d'heures d'enseignement à l'IUT ne peut être retenue dès lors que l'université n'a fait qu'appliquer les textes ; la modification de son service d'enseignement pour 2012-2013 n'a eu aucune conséquence sur son traitement, mais a seulement eu pour effet pour M. A...d'effectuer un nombre d'heures totales plus important dès lors que les textes réglementaires prévoient qu'une heure de cours équivaut à 1 h 30 équivalent TD ;
- le programme pédagogique national prévoit la dispense de TD dans cette formation ;
- le fait que M. A...ait fait l'objet d'un arrêté du 19 mai 2014 du président de l'université indiquant de façon expresse son affectation à l'IUT de carrières juridiques, est sans incidence dans le présent litige ;
- la mesure contestée ne peut être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 76-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant l'université de Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...nommé maître de conférences stagiaire de droit privé et sciences criminelles a été affecté à l'université de Bordeaux I par arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 6 novembre 1996 et titularisé dans ces fonctions par arrêté de celui-ci du 5 décembre 1997 et affecté sur un emploi de l'institut universitaire de technologie (IUT). M. A...relevant de l'université de Bordeaux IV à la suite du rattachement par arrêté ministériel du 15 juillet 1997 de l'IUT à l'université de Bordeaux IV, a effectué la totalité de son service statutaire d'enseignement pour chacune des années universitaires 2009-2010 à 2011-2012 à l'institut d'administration des entreprises (IAE) de l'université Bordeaux IV, suivant trois " conventions de prestation de service " d'une durée d'une année, signées les 9 juillet 2009, 18 octobre 2010 et 19 juillet 2011 par les directeurs des deux instituts concernés et le président de l'université. Par acte du 12 septembre 2012, le directeur de l'IUT a réparti le service statutaire d'enseignement de M. A... sous forme de 50 heures " équivalent TD " à l'IUT et 142 heures " équivalent TD " à l'IAE. M. A... demande l'annulation du jugement du 22 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en annulation de l'acte du 12 septembre 2012 portant répartition de son enseignement.
Sur les conclusions dirigées contre le rejet du recours gracieux formé à l'encontre de la mesure du 12 septembre 2012 :
2. Comme le fait valoir l'université de Bordeaux en défense, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision de rejet du recours gracieux formé le 21 septembre 2012, à l'encontre de l'acte du 12 septembre 2012 portant répartition de son enseignement, sont irrecevables pour être nouvelles en appel.
Sur les conclusions dirigées contre l'acte du 12 septembre 2012 portant répartition des enseignements :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens tirés de la régularité du jugement :
3. Le courrier du 12 septembre 2012 par lequel le directeur de l'IUT de Bordeaux Montesquieu, a indiqué à M.A..., que " durant l'année universitaire 2012-2013, (son) service statutaire sera réparti ainsi qu'il suit : Département " carrières juridiques " 50 heures équivalent TD, IAE, 142 heures équivalent TD ", constitue une décision faisant grief en tant qu'elle porte affectation de M. A...au Département " carrières juridiques ". En effet, comme le fait valoir M. A...sans être sérieusement contredit, cette décision entraine un amoindrissement de ses attributions et de ses responsabilités dès lors qu'il enseignait avant cette mesure d'affectation exclusivement à l'institut d'administration des entreprises (IAE) à un niveau supérieur à celui des étudiants en " carrières juridiques " de l'IUT, alors que sa nouvelle affectation, si elle lui maintient partiellement son affectation à l'IAE, lui attribue également une affectation à l'IUT, rattaché à l'université de Bordeaux IV mais situé à Gradignan, au titre de laquelle lui sont attribués uniquement des heures de travaux dirigés à hauteur de 50 heures. Comme le soutient M.A..., l'affectation au Département " carrières juridiques ", pour y effectuer 50 heures de travaux dirigés en droit social porte atteinte à ses prérogatives statutaires d'enseignant-chercheur sans que la circonstance opposée par l'université en défense selon laquelle son affectation précédente à l'IAE ne pourrait juridiquement être regardée comme se trouvant être une mise à disposition ait une incidence sur la question de l'amoindrissement de fait des attributions de M. A...entre sa nouvelle et sa précédente affectation. Dans ces conditions, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions en annulation de la décision d'affectation du 12 septembre 2012 et à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu par suite d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A....
Sur la légalité externe :
Sur la motivation :
5. Les décisions portant affectation ne sont pas au nombre des décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public. Par ailleurs, le moyen invoqué toujours au stade de la motivation, tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.
Sur l'atteinte au principe du contradictoire :
6. M. A...soutient qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter ses observations et de se défendre, en méconnaissance de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 selon lequel : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Toutefois outre le fait que comme il est indiqué au point 5, la décision d'affectation du 12 septembre 2012, qui n'a pas constitué une sanction disciplinaire déguisée, n'était pas soumise à une obligation de motivation, en tout état de cause, aux termes de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 : " (...) A l'exception de celles de l'article 21, les dispositions des articles 19 à 24 ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leur agents.". Le moyen invoqué par M. A...sur le fondement de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est donc inopérant.
Sur la légalité interne :
7. M. A...fait valoir sur le fondement de l'article 6 II du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions, que la décision d'affectation du 12 septembre 2012 serait entachée d'illégalité dès lors qu'en mettant un terme à la convention de mise à disposition auprès de l'IAE, devait être prononcée sa réintégration dans sa précédente affectation au sein du département en gestion des entreprises et administrations GEA. Mais le moyen présenté par M. A...est à plusieurs titres inopérant, dès lors que la décision du 12 septembre 2012 ne lui retire que partiellement ses attributions à l'IAE et qu'en tout état de cause, cette affectation à l'IAE ne s'est pas faite au sens de l'article 1er du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 auprès d'une personne juridique distincte de celle de l'université de Bordeaux IV mais dans le cadre seulement d'une prestation de services entre l'université et l'IAE. Dans ces conditions, M. A...qui ne détenait aucun droit au maintien de son affectation antérieure ne peut en tout état de cause, faute d'avoir fait l'objet d'une mise à disposition, se prévaloir utilement du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985.
Sur l'atteinte au principe d'égalité entre enseignants-chercheurs :
8. Compte tenu de la possibilité, contrairement à ce que M. A...soutient, d'attribuer à un maitre de conférences, des enseignements, uniquement sous forme de travaux dirigés, le moyen invoqué par M. A...tiré de l'atteinte au principe d'égalité entre enseignants-chercheurs, ne peut qu'être écarté.
9. Le détournement de pouvoir allégué par M. A...à l'encontre de la décision du 12 septembre 2012, qui ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée, n'est pas établi.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 12 septembre 2012.
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A...une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300233 du 22 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'université de Bordeaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...et à l'université de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX01986