Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 14 septembre 2016 et 27 février 2017, la société Pierre Guérin Sas, représentée par Me F...K..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juillet 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 5 mars 2014 de l'inspecteur du travail et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique du ministre du travail susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience requise par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- sur le fond, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré, après avoir pourtant admis la matérialité des faits de violences verbales, de harcèlement moral et de vol de bidons contenant des produits toxiques en vue d'une revente reprochés à M.G..., qu'ils ne sont pas de nature à justifier que l'autorisation de licenciement de l'intéressé soit accordée, dès lors qu'il ressort d'une jurisprudence constante que les violences verbales et psychologiques répétées sont regardées comme des fautes de nature à justifier le licenciement d'un salarié protégé ;
- il convient de rappeler, à cet égard, que l'employeur est tenu à une obligation de résultat s'agissant de la sécurité des salariés au travail, notamment en matière de harcèlement moral et que la carence de l'employeur est susceptible de conduire à l'engagement de sa propre responsabilité ;
- les faits de harcèlement moral et de violences verbales dont s'est rendu coupable M. G... à l'égard de plusieurs de ses collègues de travail, au point de conduire l'un d'entre eux à un arrêt de travail de 34 jours accompagné d'un traitement anxiolytique et au dépôt d'une plainte au commissariat de police, justifient à eux seuls l'autorisation de licenciement sollicitée ;
- en outre, et ainsi que l'a pourtant relevé là encore le tribunal, l'intéressé a commis des faits de vol et de revente de bidons destinés à des chambres d'enfant, appartenant à l'entreprise Pierre Guérin, et contenant des produits dangereux justifiant une procédure de recyclage particulière, ce dont M. G...avait parfaitement connaissance en sa qualité de membre du CHSCT et de président de la commission de contrôle du service inter-entreprise de santé au travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2017, M. I...G..., représenté par la SCP Valin Jaulin, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et des décisions litigieuses de l'inspecteur du travail et du ministre du travail et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la société Pierre Guérin Sas sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre liminaire, à la suite d'une procédure judiciaire intentée à l'encontre de son employeur pour des faits de discrimination quant à l'évolution de sa carrière, à l'issue de laquelle il avait eu gain de cause, il a subi de la part de l'encadrement de la société Pierre Guérin Sas, de son responsable hiérarchique direct jusqu'au plus haut de la direction, une attitude hostile se traduisant en particulier par des actes vexatoires et une surveillance étroite, cette pression quotidienne ayant finalement engendré chez lui une détérioration de son état de santé au point de devoir subir, à la fin de l'année 2012, des soins réguliers pour un syndrome dépressif ainsi que des interventions en urgence ;
- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué au regard de l'article R. 741-7 du code de justice administrative est inopérant dès lors qu'il ressort d'une jurisprudence constante que la seule signature du greffier est suffisante ;
- s'agissant du prétendu vol de deux bidons vides ayant contenu de l'huile qui lui est reproché, il convient de rappeler, d'une part, qu'une pratique régulière et courante dans l'entreprise consiste à permettre à l'ensemble du personnel de récupérer, avec l'autorisation verbale du responsable du magasin ou du chef d'atelier, les reliquats de matériaux jugés inopérants et d'objets divers tels que les bidons vides et que, d'autre part, la revente sur un site internet de ces objets, qu'il avait envisagé un temps sous l'effet désinhibiteur des neuroleptiques prescrits, n'a jamais eu lieu au final ;
- ainsi, il n'a pas agi autrement que l'ensemble des salariés de l'entreprise et avait obtenu du responsable du magasin l'autorisation de prendre deux bidons d'huile vides, ce qu'il a fait sans aucune dissimulation avec son propre véhicule dans la cour de l'usine ;
- à cet égard, la SAS Pierre Guérin n'a pas jugé nécessaire, ni même utile, de déposer plainte pour un prétendu vol, tout en employant ce terme dans le cadre de la présente instance contentieuse aux seules fins de donner une tournure péjorative à un acte, qui ne réunit pas les éléments constitutifs de cette infraction selon la définition qu'en donne l'article 311-1 du code pénal ;
- au demeurant, bien conscient de ce que le fait allégué est plus qu'insignifiant, l'employeur tente de déplacer le débat sur un autre terrain qui serait celui du risque encouru en raison de ce que ces deux bidons auraient soi-disant contenu des produits dangereux, alors qu'aucune des pièces qu'il produit ne contient le moindre élément d'information quant à la nature du produit que contenaient les deux bidons, lequel, en réalité, n'était que de l'huile destinée au fonctionnement du rouage des machines et qui ne requérait aucune précaution de manipulation particulière ;
- par ailleurs, il est évident que si ces bidons et les autres qui se trouvaient dans la benne avaient contenu des produits dangereux, ils ne seraient pas laissés à l'air libre sauf alors à considérer que la SAS Pierre Guérin commettrait une infraction à la réglementation concernant l'utilisation de produits dangereux, même lorsqu'ils ne sont plus dans leurs contenants ;
- les pièces censées établir le comportement qui lui est reproché vis-à-vis de M. H... sont sujettes à caution tant en ce qui concerne leur forme que leur contenu et révèlent que ce salarié a en réalité été instrumentalisé par la SAS Pierre Guérin ;
- s'il est fait mention, dans la décision de l'inspecteur du travail, de ce que l'employeur aurait conduit une enquête interne en novembre 2013 sur ses écarts de comportement et notamment des violences verbales, une menace devant témoin envers le responsable des ateliers de production le 24 juillet 2013, cette enquête n'est pas versée aux débats et ne lui a pas davantage été communiquée sous quelque forme que ce soit, de sorte qu'a été méconnu tant le principe du contradictoire que l'article 6 de la déclaration européenne des droits de l'homme et du citoyen sur le procès équitable, l'ensemble des faits ainsi relatés devant pour ce motif être écartés ;
- les allégations de M. D...selon lesquelles il ne se représenterait pas pour un deuxième mandat au CHSCT en raison prétendument de son comportement à l'égard des autres membres élus ne sont corroborées par aucune pièce ;
- l'enquête de l'inspecteur du travail semble avoir eu lieu de manière unilatérale, en ne retenant que les éléments susceptibles de l'accabler, ce qui est de nature à vicier la procédure ;
- les attestations de M. B...et de M. C...produite par la SAS Pierre Guérin doivent être écartées des débats dès lors qu'elles n'ont pas été établies conformément à l'article 202 du code de procédure civile ;
- le lien entre les différents mandats et intrigues menées par son employeur à travers une procédure de licenciement est évident.
Par ordonnance du 4 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de MeK..., représentant la société Pierre Guérin et de M.G....
Considérant ce qui suit :
1. M. G...a été recruté à compter du 1er juin 1992 par la société Pierre Guérin SAS, spécialisée dans la fabrication des machines pour l'industrie agro-alimentaire, où il exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent polyvalent au sein de l'atelier de production situé à Niort dans les Deux-Sèvres. Compte tenu de ce que l'intéressé est titulaire de plusieurs mandats représentatifs, en particulier de délégué du personnel titulaire, de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de membre suppléant du comité d'entreprise, de délégué syndical et de président de la commission de contrôle du service inter-entreprise de santé au travail des Deux-Sèvres, la société Pierre Guérin SAS a sollicité, par lettre du 31 janvier 2014, l'autorisation de l'inspection du travail de licencier M. G...pour faute. Par une décision du 5 mars 2014, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer cette autorisation au motif tiré de ce que les faits reprochés au salarié, bien que matériellement établis, n'étaient pas d'une gravité suffisante pour la justifier. Saisi par lettre du 14 mai 2014 valant recours hiérarchique, le ministre du travail a implicitement confirmé, le 16 septembre 2014, cette décision de l'inspectrice du travail. La société Pierre Guérin Sas relève appel du jugement du 18 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En vertu de l'article R. 741-10 du même code : " La minute des décisions est conservée au greffe de la juridiction pour chaque affaire, avec la correspondance et les pièces relatives à l'instruction (...). ".
3. La société Pierre Guérin SAS soutient que le jugement attaqué est irrégulier à défaut de comporter la signature du magistrat rapporteur, du président de la formation de jugement et du greffier d'audience, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Il résulte toutefois de l'examen du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte bien l'ensemble des signatures requises. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical ; / 2° Délégué du personnel ; / 3° Membre élu du comité d'entreprise ; (...) / 7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; (...). ". D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge de l'excès de pouvoir sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié protégé, ce doute profite au salarié.
5. Pour solliciter l'autorisation de licencier M. G...pour faute, la société Pierre Guérin Sas s'est fondée, dans sa lettre de saisine de l'inspection du travail du 31 janvier 2014, sur les motifs tirés de ce que l'intéressé avait, d'une part, exercé de façon répétitive des pressions psychologiques et violences verbales à l'encontre de plusieurs de ses collègues de travail au cours de l'année 2013 et, d'autre part, volé deux bidons provenant de l'entreprise et mis ceux-ci à la vente alors même qu'ils avaient contenu des fluides dangereux.
En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés :
S'agissant des pressions psychologiques et violences verbales :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments d'information recueillis tant lors de l'enquête interne diligentée par l'employeur aux mois de novembre-décembre 2013 que par l'inspecteur du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire réalisée les 17 et 25 février 2014 dans les locaux de l'entreprise situés à Niort, que, dès le début de l'année 2013, M. G...a exercé des pressions psychologiques sur M. H..., responsable des ateliers de chaudronnerie, qu'il a également, d'une part, invectivé avec violence pendant plusieurs minutes, le 24 juillet 2013, en faisant soudainement irruption, devant témoins, dans son bureau après qu'une remarque ait été formulée à son encontre quant aux modalités de signalement de ses pauses pendant son temps de travail, et, d'autre part, pris à parti, le 4 septembre 2013, lors d'une enquête organisée par le CHSCT à la suite d'un accident du travail subi par un salarié de l'entreprise, en l'interrogeant devant plusieurs salariés sur les raisons de sa présence à cette enquête aux fins de le déstabiliser. Consécutivement à ces incidents, M.H..., qui avait sollicité en 2013 une visite auprès de la médecine du travail pour exprimer son mal-être et signalé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), le 21 février 2014, qu'il suivait un traitement par anxiolytiques et avait des intentions suicidaires, a été déclaré inapte temporairement par le service inter-entreprise de santé au travail des Deux-Sèvres et mis en arrêt maladie 34 jours, puis a porté plainte, le 27 février 2014, auprès du commissariat de police de Niort pour harcèlement psychologique. Il ressort également des pièces du dossier que, le 29 mars 2013 à 8 heures, M. G...a contacté par téléphone M.Boche, agent de maîtrise dans l'entreprise, pour lui faire part de son mécontentement relatif à une enquête du CHSCT, en adoptant à cette occasion un comportement agressif et en insultant son collège de travail, faits dont la matérialité a été confirmée par M. H..., responsable des ateliers de chaudronnerie et MmeE..., infirmière dans l'établissement, et qui ont donné lieu à une lettre de rappel à l'ordre de M. G...adressée par son employeur le 18 avril 2013, l'avisant à cette occasion de ce que tout nouveau débordement verbal donnerait lieu à l'application d'une sanction disciplinaire. Il est également établi que M. G... a exercé des pressions psychologiques au début de l'année 2013 à l'encontre de M.B..., qui lui avait rappelé qu'il ne pouvait quitter son poste de travail pour partir en délégation sans en avertir son responsable ni faire de bon de délégation. En se bornant à faire valoir que la situation s'est améliorée depuis lors - s'agissant de ce dernier salarié - et à produire une vingtaine d'attestations d'autres collègues de travail louant sa manière de servir et indiquant n'avoir jamais fait l'objet d'un harcèlement de sa part, M. G... ne remet pas sérieusement en cause la matérialité des faits de pressions psychologiques et de menaces verbales qui lui sont reprochés par son employeur à l'encontre des trois collègues de travail concernés.
7. En second lieu, en revanche, si la société Pierre Guérin Sas reproche à M. G...d'être responsable de la décision de M.D..., membre du CHSCT depuis octobre 2011, de ne pas se représenter dans cette instance représentative en octobre 2013, compte tenu du comportement de M. G...lors des réunions, l'attestation du 13 novembre 2013 - rectifiée le 8 février 2017 pour être mise en conformité avec l'article 202 du nouveau code de procédure civile - par laquelle M. D...se borne à évoquer " l'attitude de pression permanente de M. G...vis-à-vis des autres représentants ", sans énoncer aucun élément factuel précis et circonstancié, ne suffit pas à l'établir. Par ailleurs, si l'appelante se prévaut de ce que MmeE..., infirmière dans l'établissement, atteste que le comportement violent et insultant de M. G... déstabilise l'ensemble de ses interlocuteurs, la lettre du 8 avril 2014 établie par Mme Rouchéne comporte l'exposé d'aucun incident contextualisé et indique seulement que, lors d'un accident de travail du 28 mars 2014, elle s'est " sentie déstabilisée par M.G... ", qui était " volubile et agressif ", sans pour autant faire état de ce qu'il l'aurait personnellement invectivée. Dès lors, le doute doit, en application des dispositions, précitées au point 4, de l'article L. 1235-1 du code du travail, bénéficier au salarié sur ces différents points.
S'agissant des faits de vol et de mise à la vente de deux bidons ayant contenu des fluides dangereux :
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note d'information du 16 janvier 2014 adressée au comité d'entreprise, qu'à la fin du mois de novembre 2013, M. J..., responsable de la maintenance et de la sécurité dans l'entreprise a, lors d'une réunion de service relative à la gestion des déchets, informé le directeur de l'établissement qu'il était en possession d'une capture d'écran d'une annonce éditée sur un site de revente de particuliers, par laquelle M. G... avait mis à la vente, le 2 juin 2013, deux bidons d'huiles usagés, identifiés comme appartenant à la société Pierre Guérin Sas, destinés à faire office de tables de chevet pour des chambres d'enfants. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que jusqu'à ce qu'une réunion du comité d'entreprise du 11 juin 2014 mette un terme à une telle pratique, la société Pierre Guérin Sas avait autorisé pendant plusieurs années ses salariés travaillant sur le site de Niort à récupérer, à des fins personnelles, divers objets et matériaux (bois, containers...) mis au rebus et dépourvus, à cet égard, de toute valeur marchande pour l'entreprise, et qui étaient stockés dans des bennes situées à l'extérieur de l'établissement dans l'attente de leur destruction, effectuée par une société une fois par an. Si, ainsi que le soutient la société appelante, M. G...n'établit pas avoir obtenu du chef de centre ou du responsable du magasin l'autorisation de récupérer les deux bidons usagés et les sortir de l'entreprise à des fins personnelles, matérialisée par la délivrance d'un bon de remise, M. G... fait valoir sans contredit sérieux que les salariés obtenaient parfois une simple autorisation verbale. Dès lors, et contrairement à ce qu'a relevé l'inspecteur du travail dans la décision de refus d'autorisation litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que le salarié concerné aurait commis des faits de vol dans l'entreprise, en soustrayant de manière frauduleuse la chose d'autrui, cette qualification ne pouvant se déduire des seules circonstances que le non-respect de la procédure interne a été qualifié de vol par l'employeur lui-même et sanctionné par le licenciement d'un autre salarié de l'entreprise pour faute grave en 2009 et que les deux bidons ont été mis à la vente sur un site de revente de particuliers. En outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les deux containers dont s'agit, qui n'ont d'ailleurs jamais été vendus en définitive, contenaient encore des résidus de produits dangereux lors de leur mise à la vente sur le site internet en cause. Il s'ensuit que le seul manquement susceptible d'être reproché sur ce point à M. G...par son employeur consiste à n'avoir pas suivi la procédure interne alors applicable, dénommée " bon de sortie matière " puis d'avoir mis à la vente à des fins lucratives des objets de l'entreprise susceptibles d'être identifiés en tant que tels par des tiers.
En ce qui concerne la gravité des faits établis et la proportionnalité du licenciement prononcé à titre disciplinaire :
9. L'ensemble des faits énumérés aux points 6 et 8, pris tant isolément que cumulativement, constituent des manquements fautifs de M. G...à ses obligations professionnelles, de nature à justifier l'application d'une sanction disciplinaire par son employeur. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que jusqu'à ce qu'une lettre de rappel à l'ordre lui soit adressée le 18 avril 2013 à la suite des faits susmentionnés survenus le 29 mars 2013, M. G..., qui exerçait ses fonctions dans l'entreprise depuis 21 ans, n'avait jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire. En outre, il est établi que consécutivement à une précédente procédure judiciaire intentée par le salarié à l'encontre de son employeur pour des faits de discrimination syndicale, qui ont donné lieu à un jugement du conseil de prud'hommes du 27 novembre 2009 puis un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers du 16 novembre 2011, M. G...a fait l'objet d'un suivi psychiatrique, à partir de la fin de l'année 2012, et s'est vu administrer divers psychotropes qui ont été susceptibles d'influer, au cours de l'année 2013, sur son comportement dans l'entreprise. Enfin, il est constant que la mise en vente, par le salarié, des deux bidons mis au rebus sans autorisation de l'employeur ne s'est traduite par aucune perte financière pour l'entreprise et n'a pas davantage porté atteinte à sa réputation ou entrainé sa mise en cause. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les manquements retenus ci-dessus ne peuvent être regardés comme étant d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement pour motif disciplinaire de M.G.... Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'inspecteur du travail a, pour ce motif, refusé de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée par la société Pierre Guérin Sas.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pierre Guérin Sas n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.G..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Pierre Guérin Sas demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pierre Guérin Sas la somme que M. G...demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Pierre Guérin Sas est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. G...tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pierre Guérin Sas, à M. I...G...et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2018.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX03183