Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 octobre 2016, l'Association Syndicale Libre (ASL) Résidences de la Baie Orientale, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2016 du tribunal administratif de Saint-Martin ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2015 de la présidente de la collectivité de Saint-Martin susmentionné ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité de Saint-Martin la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux est illégal à défaut de comporter une date précise ainsi que la mention de l'ensemble des voies et délais de recours, et notamment la faculté qui était la sienne de saisir le juge des référés du tribunal compétent, afin qu'il ordonne la suspension immédiate des effets de la décision du président de la collectivité de Saint-Martin ;
- en méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, cet arrêté ne comporte pas l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent son fondement, à défaut, d'une part, d'être contemporain à la situation qu'il a vocation à gérer et, d'autre part, d'indiquer clairement ce qu'il convient d'entendre par " atteintes à la sureté, à la sécurité et la salubrité publique " à combattre, " tout moyen laissé à sa discrétion ", quels " réseaux d'eau potable et d'assainissement " sont en cause, ainsi que l'expression de " défaillance ", de sorte que les prescriptions qu'il comporte sont inexécutables et qu'en toute hypothèse, l'Association Syndicale Libre Résidences de la Baie Orientale serait dans l'impossibilité d'en prouver l'exécution ;
- contrairement à ce qui est indiqué, l'ASL ne s'est jamais opposée à la réalisation des travaux mais au fait qu'un arrêté l'expose à être considérée comme l'auteur d'infractions, alors qu'une expertise judiciaire était en cours de réalisation aux fins notamment de déterminer les causes des fuites provenant des canalisations placées dans le sous-sol du lotissement ;
- sur le fond, l'arrêté litigieux a mis illégalement à la charge de l'association la réalisation de travaux publics dont la charge incombait pourtant au distributeur, en l'occurrence la Société Générale des Eaux Guadeloupe (" GDE "), qui a conclu, le 23 mars 2006, avec la collectivité de Saint-Martin un contrat de délégation du service public d'eau potable, qui prévoyait notamment, en son article 5.2.3, que le délégataire était chargé des travaux d'entretien et de réparation courante sur les canalisations et ouvrages accessoires localisés dans la partie publique du réseau, ce que confirme le règlement du service de l'eau, les abonnés devant pour leur part entretenir le réseau privé, qui commence au-delà du point situé après le système de comptage ;
- dès lors que le règlement du service de l'eau prévoit que, s'agissant d'un habitat individuel, la société GDE est tenue de l'entretien et de la réfection du réseau sur toute la partie du branchement, le fait que le réseau de l'ASL de la Baie orientale soit éventuellement en partie en domaine privé n'a aucune importance quant à la question de l'identité du titulaire de l'obligation d'entretien du réseau ;
- à cet égard, l'installation sauvage, par la société GDE, sans autorisation et même, en dépit, de l'opposition de l'ASL, d'un compteur général à l'entrée de la résidence au mois de mai 2013, afin de tenter de fuir ses responsabilités et de faire peser la charge de l'entretien du réseau sur les résidents de l'ASL de la Baie Orientale, ne saurait transformer le lotissement composé d'habitats individuels en un habitat collectif ;
- quand bien même un danger grave ou imminent aurait existé en l'espèce, seules les dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales auraient pu permettre à la collectivité de prescrire des mesures de sureté, de sorte que c'est à tort que l'arrêté litigieux a été pris sur le fondement de l'article L. 2212-2 du même code ;
- cette même décision est entachée d'un détournement de pouvoir manifeste dès lors que, d'une part, la Collectivité de Saint-Martin n'ignorait pas qu'il contredisait des décisions judiciaires déjà rendues, en l'occurrence le jugement du 11 septembre 2013 du tribunal de proximité de Saint-Martin et le courrier du 19 décembre 2013 du défenseur des droits adressé à la Société GDE, qui ont tous deux conclu que l'entretien du réseau incombait à la GDE, et non à l'ASL et que, d'autre part, la Collectivité s'est curieusement précipitée pour trancher sur une question techniquement compliquée, faisant alors l'objet d'une expertise judiciaire à laquelle elle a été attraite et qui n'a pas encore donné lieu au rapport de l'expert ;
- ainsi, il est évident que l'arrêté contesté ne constitue, ni plus ni moins, qu'une tentative " de passage en force ", résultant de la crainte de la collectivité d'être, in fine, débitrice de l'obligation d'entretien et de réfection du réseau de la Baie orientale.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2017, la collectivité de Saint-Martin, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association syndicale libre " Résidences de la Baie Orientale " la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- il convient de relever à titre liminaire qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts mis à jour, l'Association Syndicale Libre Résidences de la Baie Orientale a notamment pour objet l'entretien des biens communs à tous les propriétaires constituant des éléments d'équipement du lotissement, et compris dans son périmètre, notamment voies, espaces verts, locaux techniques, portails, canalisations et réseaux et éclairage public, ouvrages ou constructions nécessaires au fonctionnement et à l'utilisation des réseaux, l'appropriation desdits biens, ainsi que le contrôle de l'application du règlement et du cahier des charges du lotissement ;
- à titre principal, la requête est irrecevable à défaut de comporter des moyens d'appel ;
- à titre subsidiaire, les deux premiers moyens soulevés par la requérante, tirés de l'absence de date sur l'arrêté attaqué et le contenu de la notification, sont inopérants ;
- contrairement à ce que soutient la requérante, il n'y a aucune ambiguïté sur les atteintes à résorber, lesquelles sont au demeurant reprises dans les considérants de l'arrêté attaqué, pas plus que le degré de défaillance des réseaux ou le type de travaux à réaliser, qu'il incombe à l'association de déterminer elle-même, si besoin est avec l'aide d'un maître d'oeuvre et d'une entreprise de travaux ;
- ainsi que l'indique le plan versé au dossier, les réseaux dont l'association a la charge sont ceux compris entre le compteur général installé par la société générale des eaux Guadeloupe en mai 2013 et les compteurs individuels installés pour chaque maison individuelle/appartement ainsi que les compteurs généraux/ collectifs installés pour chaque immeuble, sachant qu'en aval de ces compteurs, les réseaux appartiennent aux propriétaires de chaque maison individuelle et immeuble ;
- la persistance et l'importance des fuites sont confirmées par l'ordonnance du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 27 janvier 2017 et celle du Tribunal de grande instance de Basse-Terre du 2 février 2016, étant précisé que, dans le cadre des opérations d'expertise, toujours en cours, la société générale des eaux Guadeloupe a produit le 27 juillet 2015, un devis de renouvellement de conduite AEP du lotissement de la Baie Orientale listant les travaux à réaliser, pour un montant total de 1 751 516,38 euros ;
- la non réalisation des travaux requis pose un problème de vétusté des réseaux AEP du Lotissement de la Baie Orientale et compromet tout le réseau AEP de l'île de Saint-Martin ;
- les fuites dénoncées par la Collectivité de Saint-Martin ne provoquent pas seulement des nuisances allant de la dégradation des espaces verts à l'inondation des chaussées et à leur détérioration, mais prennent une importance certaine en période d'épidémie de chikungunya et du zika, favorisée par les sources d'eau stagnantes qui engendrent des foyers évidents de reproduction des moustiques ;
- s'agissant du réseau d'assainissement, il convient de se reporter aux constats d'huissier produits par l'ASL Résidences de la Baie Orientale et faisant état d'odeurs d'égout ainsi que de stagnation d'une eau malodorante comportant des morceaux de papier toilette et d'excréments ;
- s'agissant du réseau d'eau potable, la requérante fait totalement abstraction du fait que tant la législation/ réglementation applicable que tous les actes constructifs de ce lotissement privé la désignent comme propriétaire des équipements communs et débitrice de l'obligation de les entretenir et qu'il n'a jamais été dans l'intention de la Collectivité de Saint-Martin d'intégrer ces équipements dans la sphère publique et / ou d'en supporter la charge ;
- dès lors que la requérante est, d'une part, propriétaire des canalisations et réseaux communs dudit lotissement et, d'autre part, responsable de leur entretien, réparation et renouvellement, c'est donc à bon droit que, sur le fondement des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, la Collectivité de Saint-Martin l'a mise en demeure de mettre un terme à une situation qui n'a que trop duré ;
- à cet égard, les réseaux litigieux (eau potable, assainissement) ont été réalisés dans le cadre d'opérations de construction privées, auxquelles la Commune de Saint-Martin n'a pas participé autrement que par la délivrance des arrêtés de lotir et, plus tard, des permis de construire, de sorte que, d'une part, les travaux dont s'agit revêtent le caractère de travaux privés et non de travaux publics et que, d'autre part, les réseaux litigieux ne font pas partie du réseau public dont la charge de l'entretien appartient à la GDE ;
- ainsi, c'est à l'association qu'il incombe d'entretenir, de réparer et de renouveler les réseaux défaillants, ce que confirme ses propres statuts et le cahier des charges du lotissement ;
- le fait que la Collectivité de Saint-Martin pourrait être amenée à réaliser d'office les travaux de réparation n'enlève rien au fait que la prescription première de l'arrêté de mise en demeure consiste à contraindre l'ASL à réaliser directement les travaux de réparation sur ses réseaux privés, travaux dont les co-lotis tireront une plus-value, donc des travaux privés, analyse qui ne saurait être remise en cause par le contrat de délégation de service public et/ ou le règlement de service ;
- sur ce point, l'article 5.4 " Régime des branchements " du contrat de délégation de service public confirme que l'association requérante a manqué à ses propres obligations vis-à-vis du délégataire, que ce soit jusqu'en 2013, en n'installant pas un compteur général en limite de propriété du lotissement privé et en ne souscrivant pas un contrat d'abonnement pour ce compteur, et depuis 2013, en ne souscrivant pas un contrat d'abonnement pour ce compteur général installé à l'initiative du délégataire ;
- si le délégataire a l'obligation de distribuer de l'eau potable à la Baie Orientale, l'association syndicale libre Résidences de la Baie Orientale avait l'obligation de souscrire un contrat collectif, ce qu'elle n'a jamais fait semble-t-il, ni à l'origine, ni lorsqu'est entré en vigueur le règlement du service dont elle invoque pourtant les dispositions, ni lorsque le délégataire a installé un compteur général en limite de lotissement en mai 2013 ;
- contrairement à ce que soutient l'association requérante, le compteur, qui permet effectivement la démarcation réseau public/ réseau privé, ne peut pas être le compteur individuel de chaque maison individuelle et/ ou les compteurs généraux/ collectifs de chaque immeuble compris dans le lotissement privé de la Baie Orientale mais ne peut être que le compteur général qui aurait dû être installé en limite de propriété du lotissement par les lotisseurs et qui a été régularisé par le délégataire en 2013 et sur le domaine public en raison de la résistance infondée de l'ASL ;
- les dispositions conclusives de l'article 6.2 du règlement du service confirment que l'entretien, la réparation et le renouvellement des canalisations et réseaux privés qui permettent, depuis la conduite communale, de desservir toutes les maisons individuelles et tous les immeubles compris dans l'enceinte du lotissement relèvent de la seule responsabilité de l'ASL, sans que celle-ci puisse invoquer l'absence de compteur général ou de contrat d'abonnement général pour y échapper ;
- cette analyse ne saurait être remise en cause ni par la décision du défenseur des droits du 23 décembre 2013 ni par celle du juge de proximité du 11 septembre 2013 dès lors que, d'une part, ces décisions, qui ne sont d'ailleurs pas susceptibles de s'imposer au juge administratif, ont été rendues hors la présence de la Collectivité de Saint-Martin qui n'a pu donc faire valoir l'ensemble des éléments de fait et de droit exposés ci-dessus, et que, d'autre part, la décision du juge de proximité a été infirmée en cassation à la suite du pourvoi introduit par la société Générale des Eaux Guadeloupe ;
- contrairement à ce que soutient la requérante, l'article 2.3 du règlement du service classe les lotissements privés dans la catégorie des habitats collectifs, au nombre desquels figure le lotissement de la Baie Orientale, qui n'est pas la somme de ses habitats individuels (maisons) ou collectifs (immeubles) ;
- le moyen tiré de l'erreur de droit est irrecevable pour être soulevé pour la première fois en appel et en tout état de cause infondé dès lors que la présidente de la collectivité de Saint-Martin tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales une compétence de police générale territoriale, qui comporte le pouvoir de décider ce qui est nécessaire à la protection de l'ordre public général.
Par ordonnance du 19 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de MeE..., représentant la collectivité d'outre-mer de Saint Martin.
Considérant ce qui suit :
1. L'association syndicale libre (ASL) Résidences de la Baie Orientale regroupe tous les propriétaires des terrains, bâtis ou non, dépendant du lotissement " Les Résidences de la Baie orientale ", lotissement privé réalisé en plusieurs tranches de travaux au cours des années 1980 et 1990 sur le territoire de la commune de Saint-Martin, à laquelle s'est substituée, à compter du 15 juillet 2007, la collectivité de Saint martin, sur la partie française de l'île de Saint-Martin et des îlots qui en dépendent. Le 23 mars 2006, la commune de Saint-Martin, aux droits de laquelle vient désormais la Collectivité de Saint-Martin, a délégué l'exploitation de son service public d'eau potable à la Société Générale des Eaux Guadeloupe (GDE). A compter de l'année 2012, de nombreuses fuites d'eau ont été constatées au sein du lotissement Les Résidences de la Baie orientale, dans un contexte de vieillissement des infrastructures du réseau AEP (Assainissement, Eau Potable). Informée de cette situation, la Société Générale des Eaux Guadeloupe (GDE) a fait procéder, le 29 mai 2013, à l'installation d'un compteur général desservant le lotissement, qui a mis en évidence d'importantes pertes d'eau. A la suite de nombreux échanges entre l'ASL Résidences de la Baie Orientale et la Société Générale des Eaux Guadeloupe les opposant sur la question de l'identité du titulaire de l'obligation d'entretien du réseau, la présidente de la Collectivité de Saint-Martin a, par un arrêté transmis à la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin le 1er juin 2015, mis en demeure l'ASL Résidences de la Baie Orientale " d'assurer, par tout moyen laissé à sa discrétion, la résorption des atteintes à la sûreté, à la sécurité et la salubrité publiques causés par ses réseaux d'eau potable et d'assainissement défaillants dans un délai de trois mois, et de justifier auprès de la collectivité de Saint-Martin des démarches engagées à cette fin ". L'association relève appel du jugement du 24 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe de l'acte :
2. En premier lieu, l'ASL Résidences de la Baie Orientale soutient que l'arrêté litigieux est illégal à défaut, d'une part, de comporter une date précise et d'autre part, de mentionner l'ensemble des voies et délais de recours, et notamment la faculté qui était la sienne de saisir le juge des référés du tribunal compétent aux fins de voir ordonnée la suspension immédiate de ses effets. Toutefois, et alors au demeurant que la requérante a introduit à deux reprises des requêtes à cette fin sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, qui ont toutes deux été rejetées pour défaut d'urgence par ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Saint Martin n° 1500070 du 21 octobre 2015 et n° 1600017 du 13 avril 2016 devenues définitives, de tels moyens sont sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, applicable à la date de l'arrêté contesté et désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / - (...) imposent des sujétions ; (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
4. L'arrêté du 1er juin 2015 de la présidente de la Collectivité de Saint-Martin vise notamment les dispositions de l'article L.O. 6352-8 du code général des collectivités territoriales, lesquelles renvoient aux articles L. 2212-1, L. 2212-2 et suivants du même code, les dispositions du code de la santé publique, en particulier ses articles L. 1421-4 et L. 1311-1 et suivants, ainsi que le règlement du service de l'eau potable et les actes constitutifs du lotissement " Les Résidences de la Baie orientale " et, notamment, les engagements pris par le lotisseur, le règlement du lotissement, le programme d'aménagement, l'arrêté de lotir ainsi que les statuts de l'association ASL. Ce même arrêté indique que, compte tenu du " caractère privé du lotissement et la nature également privée des voies internes ainsi que de ses réseaux d'eau potable et d'assainissement " et de l'ampleur des fuites constatées sur ces deux réseaux, révélées tant par " le décalage entre les consommations individuelles de chaque propriétaire du lot et celles de l'ensemble du lotissement " que le " constat d'huissier établi à la demande de l'association syndicale (...) faisant état d'odeurs d'égout, stagnation d'une eau malodorante comportant des morceaux de papier toilette et d'excréments ", à l'origine d'atteintes à " la sûreté, la commodité du passage et à la propreté des voies internes " et de " risques de propagation de maladies telles que le chikungunya " ainsi que " de rupture de production que les débits de perte en eau potable font courir à l'usine de désalinisation qui fonctionne à plein régime et constitue l'unique source d'approvisionnement en eau potable de toute la collectivité de Saint-Martin ", la collectivité était " tenue d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ". Dans ces conditions, et alors même qu'il n'identifie pas exactement les endroits du lotissement où les fuites ont été constatées ainsi que la nature des travaux à effectuer, ayant laissé à la charge de l'association requérante le soin de définir les modalités pratiques de leur réalisation, l'arrêté litigieux, pris notamment dans un but de protection de la salubrité publique, comporte un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, et contrairement à ce que persiste à soutenir l'association syndicale libre (ASL) Résidences de la Baie Orientale, il satisfait à l'exigence de motivation prévue par les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur.
En ce qui concerne la légalité interne de l'acte :
5. D'une part, aux termes de l'article LO. 6311-1 du code général des collectivités territoriales : " Il est institué une collectivité d'outre-mer qui se substitue, sur le territoire de la partie française de l'île de Saint-Martin et des îlots qui en dépendent, à la commune de Saint-Martin, au département de la Guadeloupe et à la région de la Guadeloupe. / Cette collectivité d'outre-mer, régie par l'article 74 de la Constitution, prend le nom de : "collectivité de Saint-Martin". Elle est dotée de l'autonomie. (...) ". Aux termes de l'article LO. 6314-1 de ce code : " La collectivité exerce les compétences dévolues par les lois et règlements en vigueur aux communes, ainsi que celles dévolues au département de la Guadeloupe et à la région de la Guadeloupe. ". En vertu de l'article LO. 6352-1 dudit code : " Le président du conseil territorial est l'organe exécutif de la collectivité. (...) ". Aux termes de l'article LO. 6352-8 de ce code : " Le président du conseil territorial est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat, de l'exercice des pouvoirs de police propres à la collectivité de Saint-Martin, conformément aux dispositions du livre II de la deuxième partie. ". L'article L. 2212-2 de ce même code dispose : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; / (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature (...). ". En vertu des dispositions précitées du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, rendues applicables à la collectivité de Saint-Martin, il appartient à l'exécutif territorial, au titre de ses pouvoirs de police administrative générale, de prévenir et de faire cesser les pollutions de toute nature. Sur ce fondement, cette autorité peut légalement, afin d'assurer la sécurité et la salubrité publiques, enjoindre aux propriétaires de biens immobiliers ou une association de propriétaires de réaliser les travaux requis à cet effet, alors même qu'elle dispose du pouvoir de prescrire aux frais de la collectivité l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances sur le fondement de l'article L. 2212-4 du même code, en cas de danger grave et imminent, tel que les accidents prévus au 5° de l'article L. 2212-2 (CE, n° 316945, B, 22 octobre 2010, M. et MmeC...).
6. D'autre part, en vertu de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. ". Aux termes de l'article L. 442-2-1 du même code : " Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots (...). ". En vertu de l'article R. 111-8 dudit code, alors en vigueur : " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur. " Aux termes de l'article 1 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée : " Peuvent faire l'objet d'une association syndicale de propriétaires la construction, l'entretien ou la gestion d'ouvrages ou la réalisation de travaux, ainsi que les actions d'intérêt commun, en vue : a) De prévenir les risques naturels ou sanitaires, les pollutions et les nuisances ; (...) / c) D'aménager ou d'entretenir des (...) voies et réseaux divers ; (...) ". En vertu de l'article 2 de cette ordonnance : " Les associations syndicales de propriétaires sont libres, autorisées ou constituées d'office. / Les associations syndicales libres sont des personnes morales de droit privé régies par les dispositions du titre II de la présente ordonnance (...). ". Aux termes de l'article 3 de ladite ordonnance : " Les droits et obligations qui dérivent de la constitution d'une association syndicale de propriétaires sont attachés aux immeubles compris dans le périmètre de l'association et les suivent, en quelque main qu'ils passent, jusqu'à la dissolution de l'association ou la réduction de son périmètre. (...) ". Aux termes de l'article 1 des statuts de l'ASL Résidences de la Baie Orientale adoptés initialement en septembre 1987 et mis en conformité " en dernier lieu le 20 décembre 2012 : " Il est formé une Association Syndicale Libre, régie par l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et le décret en Conseil d'Etat n° 2006-504 du 03 mai 2006, et qui groupe tous les propriétaires des terrains, bâtis ou non, dépendant du lotissement " Les Résidences de la Baie Orientale ". Aux termes de l'article 3 de ces statuts : " Cette Association Syndicale a pour objet : - l'entretien des biens communs à tous les propriétaires constituant des éléments d'équipement du lotissement, et compris dans son périmètre, notamment voies, (...) canalisations et réseaux et éclairage public, ouvrages ou constructions nécessaires au fonctionnement et à l'utilisation des réseaux, l'appropriation desdits biens ; (...) - le contrôle de l'application du règlement et du cahier des charges du lotissement / - l'exercice de toutes actions afférentes audit contrôle ainsi qu'aux ouvrages et équipements / - la gestion et la police desdits biens communs nécessaires ou utiles pour la bonne jouissance des propriétaires, dès leur mise en service et la conclusion de tous contrats et conventions relatifs à l'objet de l'Association (...).". Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que la propriété, la gestion et l'entretien des équipements communs d'un lotissement, tel le réseau interne d'adduction d'eau, sont normalement dévolus à l'association syndicale regroupant les co-lotis, sauf à ce que le lotisseur ait conclu avec une personne morale de droit public une convention prévoyant le transfert dans son domaine de ces équipements, une fois les travaux achevés, ou que l'association syndicale convienne ultérieurement d'un tel transfert avec la personne morale dont s'agit.
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté par l'association requérante, que les réseaux d'eau potable et d'assainissement situés sous les voiries desservant les maisons individuelles et immeubles d'habitation inclus dans le périmètre du lotissement privé " Les Résidences de la Baie orientale " ont été installés par plusieurs entreprises de travaux, mandatées par les lotisseurs privés successifs au cours des décennies 1980 et 1990 et, notamment, la société Foncière de la Montagne Verte qui, le 15 novembre 1986, a présenté la première demande de permis de lotir (1ère tranche), ainsi que la SARL Foncière Orient Bay, laquelle a demandé puis obtenu l'autorisation de " réaliser la pose d'une canalisation AEP PVC 0 110 en travers de la RN7 " en 1996 (4ème tranche). L'association syndicale libre (ASL) Résidences de la Baie Orientale n'établit ni même n'allègue que la commune de Saint-Martin, aux droits de laquelle vient désormais la collectivité de Saint-Martin, aurait décidé de prendre en charge ces travaux de mise en place des réseaux du lotissement ou accompli en fait, dans les ouvrages en cause, des travaux à des fins d'intérêt général. Dans ces conditions, ces réseaux n'ont pas fait l'objet de travaux publics réalisés par la commune de Saint-Martin ou pour son compte (TC, n° 03155, A, 15 novembre 1999, Mme B...c/ Société Entreprise industrielle). Il résulte des termes mêmes de l'article 3 des statuts de l'ASL Résidences de la Baie Orientale qu'elle a pour objet l'entretien des biens communs à tous les propriétaires constituant des éléments d'équipement du lotissement, et compris dans son périmètre, en particulier les canalisations et réseaux, ainsi que la gestion et la police desdits biens communs nécessaires ou utiles pour la bonne jouissance des propriétaires, et ce dès leur mise en service. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la propriété de ces équipements communs situés dans le périmètre du lotissement aurait été transférée, d'une part, dans le domaine de la collectivité territoriale par le biais de conventions conclues avec les lotisseurs successifs une fois les travaux achevés, ou même avec l'association syndicale libre ni, d'autre part, au profit de la société Générale des Eaux Guadeloupe lorsque la commune de Saint-Martin a entrepris de lui déléguer, par contrat du 23 mars 2006, l'exploitation de son service public d'eau potable, alors même qu'ainsi que le soutient l'appelante, la société Générale des Eaux Guadeloupe détenait, dans le cadre de cette délégation, une compétence générale dans le domaine de la distribution d'eau potable, lui conférant des obligations vis-à-vis des usagers récapitulées notamment dans le règlement du service de l'eau et le contrat de délégation de service public. Dès lors, l'obligation d'entretien et de réparation des réseaux litigieux incombe à la seule ASL " Résidences de la Baie orientale ". L'intéressée ne saurait utilement se prévaloir, pour tenter de se soustraire à cette obligation, de ce que le délégataire du service public a entrepris, le 29 mai 2013, d'installer un compteur général à la limite du lotissement, en dépit de son opposition, dès lors que cette installation, destinée d'ailleurs à mettre en conformité le lotissement avec le règlement du service de l'eau, n'est pas de nature à avoir modifié la nature privée des réseaux d'eau potable et d'assainissement litigieux situés dans le périmètre du lotissement. L'ASL Résidences de la Baie Orientale ne saurait davantage se prévaloir des positions prises sur ce point, d'une part, par le défenseur des droits dans une décision du 19 décembre 2013, qui est dépourvue de valeur normative, et, d'autre part, par le juge d'instance de Saint-Martin statuant en qualité de juge de proximité dans un jugement du 11 décembre 2013, lequel a d'ailleurs été annulé pour erreur de droit par un arrêt de la Cour de Cassation du 3 décembre 2015 statuant sur le pourvoi formé par la Société générale des eaux Guadeloupe.
8. En second lieu, il est constant que de nombreuses fuites provenant de ces réseaux ont été constatées dès l'année 2012 au sein du lotissement. Ainsi que l'a relevé l'huissier de justice mandaté par l'association requérante les 25 et 29 novembre 2013, ces fuites ont engendré l'apparition de très importantes nappes d'eau stagnantes, parfois à proximité de gaines électriques, de nature à favoriser la prolifération d'insectes propageant des maladies infectieuses, l'affaissement de portions de voies abritant des véhicules en stationnement, et le déversement d'eaux souillées d'excréments dans les propriétés, situation que l'ASL " Résidences de la Baie Orientale " a elle-même qualifié de " gravissime (...) pour la santé publique, l'environnement (...), la sécurité des personnes et leurs biens (...) " dans ses diverses lettres d'alerte adressées notamment à l'Agence régionale de santé de la Guadeloupe, au préfet de Saint Martin et au ministère des affaires sociales et de la santé.
9. Dès lors, en mettant en demeure l'ASL Résidences de la Baie Orientale de réaliser les travaux nécessaires à la résorption des atteintes à la sûreté, à la sécurité et la salubrité publiques causés par ses réseaux d'eau potable et d'assainissement défaillants, en se fondant notamment sur les dispositions, précitées au point 5, des articles L. 2212-2 et suivants du code général des collectivités territoriales, la présidente de la collectivité de Saint-Martin n'a pas, contrairement à ce que soutient l'appelante, entaché l'arrêté contesté d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation ni, davantage, de détournement de pouvoir.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'ASL Résidences de la Baie Orientale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de collectivité de Saint-Martin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASL Résidences de la Baie Orientale une somme de 1 500 euros à verser à la collectivité de Saint-Martin sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'ASL Résidences de la Baie Orientale est rejetée.
Article 2 : L'ASL Résidences de la Baie Orientale versera la somme de 1 500 euros à la collectivité de Saint-Martin sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale libre (ASL) Résidences de la Baie Orientale, à la collectivité de Saint-Martin et à la société générale des eaux de Guadeloupe. Copie en sera transmise au préfet de Saint-Barthélemy et Saint-Martin et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX03286