Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2016 sous le n° 16BX01965, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 août 2016, M. B...A..., représenté par la SCP Fabiani Luc-Thaler Pinatel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400036 du 14 avril 2016 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation qui lui a été notifiée par les titres de perception en date du 3 décembre 2013 de payer les sommes de 17 200 euros correspondant au montant de la contribution spéciale et de 580 euros correspondant à la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'article R. 741-7 du code de justice administrative a été méconnu, car la copie du jugement attaqué ne comporte ni la signature du président, ni celle du rapporteur ni même celle du greffier ;
- le jugement est également irrégulier, car il est motivé par simple référence à un autre jugement rendu le même jour, alors qu'il est de principe qu'une décision juridictionnelle ne peut être motivée par simple référence à une autre décision rendue par la même juridiction dans un autre litige, même lorsque les parties sont identiques ;
- les titres de perception émis à son encontre sont illégaux, par exception d'illégalité de la décision du 5 novembre 2013, pour les mêmes raisons que celles exposées dans l'instance 16BX01961.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2016, la direction générale des finances publiques conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que si la DRFIP de la Martinique n'est pas compétente pour juger du bien-fondé des titres émis, l'action en recouvrement n'est pas prescrite et les mises en demeure de payer sont intervenues dans les formes et les délais légaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) conclut à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire, au non-lieu à statuer à concurrence de l'annulation de 2 780 euros prononcée en cours d'instance et au rejet de la requête pour le surplus et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A...la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'OFII n'était pas partie à l'instance concernant les titre de perception ; le jugement n° 1400036 ne lui est donc pas opposable ; néanmoins, il s'associe aux écritures de la direction général des finances publiques ;
- à titre principal, la contestation faite par M. A...des titres de perception du 3 décembre 2013 est irrecevable, faute de réclamation préalable auprès de la DRFIP Martinique ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés, du moins pour le surplus de sa requête, puisque, par une décision du 31 mai 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'OFII a ramené le montant total des sommes réclamées à M. A... à 15 000 euros.
Par une ordonnance en date du 2 juin 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 30 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code du travail ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 mars 2012, un ressortissant saint-lucien, M. D...C...s'est présenté aux services de la police de l'air et des frontières de Martinique, aux fins de déposer plainte à l'encontre de M. B...A..., qui l'aurait employé à des travaux de défrichage sur des terrains lui appartenant, sans lui avoir réglé la totalité du salaire convenu. A la suite d'une enquête menée par les services de la PAF entre le 12 mars et le 30 avril 2012, ses agents assermentés ont dressé plusieurs procès-verbaux, constatant l'infraction d'emploi d'un étranger démuni de titre de travail, visée aux articles L. 8251-1 et suivants du code du travail. Par lettre du 11 septembre 2013, le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué à M. A...qu'il envisageait de mettre à sa charge une contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement dudit étranger. Le 8 octobre 2013, M. A... a formulé des observations. Par décision du 5 novembre 2013, l'OFII l'a informé de ce qu'il était soumis au paiement d'une part de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur prévue à l'article R. 8253-2 du code du travail, pour un montant de 17 200 euros et, d'autre part, de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, pour un montant de 580 euros, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 3 décembre 2013, la direction régionale des finances publiques de la Martinique a émis à l'encontre de M. A...deux titres exécutoires, d'un montant de 17 200 euros et de 580 euros. M. A...a formé deux recours devant le tribunal administratif, l'un pour contester par la voie de l'excès de pouvoir la décision du directeur de l'OFII du 5 novembre 2013, l'autre pour demander la décharge de l'obligation de payer mise à sa charge par les deux titres exécutoires précités. M. A...fait appel du jugement n° 1400036 du 14 avril 2016 du tribunal administratif de la Martinique, qui a rejeté sa demande tendant à l'obligation de payer les sommes sus-mentionnées.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. ". En vertu de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, sont applicables à cette sanction les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale. Enfin, l'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales, concernant le contentieux du recouvrement de l'impôt, consacre le principe d'une réclamation préalable à toute saisine du juge, en prévoyant que : " Le chef de service se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. / Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. Il dispose pour cela de deux mois à partir : / a) soit de la notification de la décision du chef de service ; / b) soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision. La procédure ne peut, à peine d'irrecevabilité, être engagée avant ces dates. Elle doit être dirigée contre le comptable chargé du recouvrement. ". Ces dernières dispositions instituent ainsi un recours administratif préalable à toute saisine du juge.
3. En l'espèce, alors que les titres de perception contestés mentionnaient bien que le requérant pouvait contester ces actes auprès du directeur régional des finances publiques dans les deux mois suivant leur notification, l'OFII fait valoir, sans être contredit, que M. A...a saisi le tribunal sans avoir présenté de réclamation préalable à la DRFIP de la Martinique, en méconnaissance de l'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'étendue du litige, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par l'OFII à la requête de M.A....
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par ledit jugement, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée, ainsi que les conclusions présentées par l'OFII sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera transmise à la direction régionale des finances publiques de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 décembre 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX01965