Procédures devant la cour :
I- Par une requête enregistrée le 20 novembre 2018 sous le n° 18BX03980, la société Enedis, représentée par Me B..., demande au juge d'appel des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 5 novembre 2018 ;
2°) de suspendre toutes les mesures édictées par l'arrêté du 6 juillet 2018 du maire de la commune de Montesquieu-Guittaut ;
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'une irrégularité car elle méconnaît l'obligation légale pesant sur elle pour le déploiement des compteurs Linky et ne pouvait pas méconnaître l'incompétence de la commune pour différer le déploiement des compteurs Linky, la commune ayant transféré sa compétence d'autorité organisatrice du réseau de distribution d'électricité au syndicat départemental d'énergie de la Haute Garonne ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, à titre principal, au titre des articles L. 332- 4 du code de l'énergie et L. 2234-31 du code général des collectivités territoriales et, à titre subsidiaire, au titre des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.
II- Par une requête enregistrée le 22 novembre 2018, sous le n°18BX04018, le préfet de la Haute Garonne demande au juge d'appel des référés de la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de l'ordonnance du 5 novembre 2018 ;
2°) de suspendre toutes les mesures édictées par l'article 3 de l'arrêté du 6 juillet 2018 du maire de la commune de Montesquieu-Guittaut.
Il soutient que l'arrêté contesté est entaché d'incompétence au regard des articles L. ,332- 4 du code de l'énergie et L. 2234-31 du code général des collectivités territoriales.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2019, la commune de Montesquieu-Guittaut, représentée par MeC..., conclut au rejet des demandes du préfet de la Haute-Garonne et d'Enedis, à la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a suspendu les articles 1, 2, 4 et 5 de l'arrêté du maire de la commune du 6 juillet 2018 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Enedis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- dès la phase d'expérimentation, les installations des compteurs Linky ont été à l'origine d'incendies ; la presse se fait régulièrement l'écho des incidents survenus lors de la pose de compteurs Linky chez des personnes s'y étant opposées, comme c'est le cas de la plupart des habitants de la commune ; le compteur Linky permet notamment d'enregistrer la consommation électrique au cours du temps de manière à connaître le niveau d'électricité consommée, à différents moments de la journée et à différentes périodes de l'année ; il est de ce fait destiné à collecter des données à caractère personnel dont la CNIL a strictement encadré les modalités de traitement par sa délibération n° 2012-404 du 15 novembre 2012, complétée par une communication du 30 novembre 2015 ;
- l'arrêté du 6 juillet 2018 fixe, de manière proportionnée, les modalités d'implantation des compteurs Linky
- Les dispositions de l'article L. 341-4 du code de l'énergie ne posent d'obligation que pour les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ; aucune mention n'est faite des particuliers ou des représentants des collectivités territoriales ;
- contrairement à ce qu'affirme Enedis dans son mémoire d'appel, il n'existe pas de pouvoir de police spécial en matière de déploiement des systèmes de comptage évolués ;
- le maire tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivité territoriales des pouvoirs de police générale afin d'assurer, notamment, la sécurité et la salubrité publiques qui seraient susceptibles d'être menacées par l'installation de ces dispositifs comme l'a jugé le tribunal administratif de Montpellier par un jugement di 16 mai 2017 ; le maire peut, en vertu de l'article L. 2212-4 du même code, prescrire des mesures en cas de danger grave et imminent ; enfin le maire est chargé, au nom de l'Etat, de l'exécution des lois et règlements par l'article L. 2212-27 du même code ;
- Si Enedis fait valoir que l'arrêté contesté ne vise pas expressément l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le Conseil d'Etat a jugé que l'absence du visa exact des articles sur lesquels est fondé un arrêté n'est pas de nature à entrainer son annulation ;
- le maire a donc bien souhaité faire usage de ses pouvoirs de police générale confiés par l'article L. 2212-2, ainsi l'argument soulevé en appel par la préfecture et Enedis relatif à la prétendue incompétence de la commune en matière de distribution publique d'énergie devra être écarté.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Larroumec, président ;
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- les observations de MeA..., représentant la commune de Montesquieu-Guittaut.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes des dispositions de l'alinéa trois de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, auxquelles renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués, parait, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. (...) ".
2. Sur le fondement de ces dispositions, le préfet de la Haute-Garonne, par une requête enregistrée le 9 octobre 2018, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Montesquieu-Guittaut a réglementé les conditions d'implantation des compteurs communicants Linky. Par une ordonnance du 5 novembre 2018, le juge des référés a partiellement rejeté sa demande en ne suspendant pas l'article 3 de cet arrêté selon lequel : " A compter de ce jour, Enedis ou ses sous-traitants sont tenus de différer l'installation des compteurs Linky sur les bâtiments municipaux : l'école, la mairie, les deux églises ". La société Enedis, par une requête enregistrée sous le n° 18BX03890, et le préfet de la Haute-Garonne, par une requête enregistrée sous le n° 18BX04018, font appel de cette ordonnance en tant qu'elle ne prononce pas la suspension de l'article 3.
Sur la jonction :
3. Les requêtes n°18BX03980 et 18BX04018 présentées respectivement par la société Enedis et par le préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre la même ordonnance et présentent à juges des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé de la demande de suspension :
4. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : / Art. L. 2131-6, alinéa 3. - Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. (...) " .
5. Aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l'objet d'un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.(...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : " I. - (...) les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération, en tant qu'autorités concédantes de la distribution publique d'électricité (...), négocient et concluent les contrats de concession, et exercent le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions. / Les autorités concédantes précitées assurent le contrôle des réseaux publics de distribution d'électricité (...) IV. - (...). / L'autorité organisatrice d'un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l'établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence, ou le département s'il exerce cette compétence à la date de publication de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. (...) ".
6. Il est constant que la commune de Montesquieu-Guittaut est membre du syndicat mixte d'électrification du département de la Haute-Garonne lequel a la qualité d'autorité organisatrice de la distribution publique d'énergie électrique. Dès lors contrairement à ce qu'a décidé le premier juge dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 2131-6, alinéa 3 du code général des collectivités territoriales, le moyen tiré de l'incompétence du maire pour différer l'installation des compteurs Linky, était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'article 3 de l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Montesquieu-Guittaut a réglementé les conditions d'implantation des compteurs communicants Linky.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne et la société Enedis sont fondés à demander, d'une part l'annulation de l'article 3 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2018 et, d'autre part la suspension de l'article 3 de l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Montesquieu-Guittaut a différé l'implantation des compteurs communicants Linky, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.
Sur l'appel incident de la commune de Montesquieu-Guittaut :
8. Compte tenu de ce qui est indiqué au point 6 du présent arrêt, l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2018 du maire de la commune de Montesquieu-Guittaut affectant l'intégralité de cet arrêté , les conclusions de la commune de Montesquieu-Guittaut tendant à la réformation de l'ordonnance du juge des référés en tant qu'il a suspendu les articles 1, 2, 4 et 5 de ce même arrêté doivent être, en tout état de cause, rejetés.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la société Enedis, qui ne sont pas dans les présentes instances les parties perdantes, une quelconque somme à verser à la commune de Montesquieu-Guittaut.
DECIDE :
Article 1er : L'article 3 de l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de Montesquieu-Guittaut a différé l'implantation des compteurs communicants Linky est suspendu, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montesquieu-Guittaut sont rejetées
Article 3 : L'ordonnance n° 1804775 du 5 novembre 2018 du président du tribunal administratif de Toulouse, statuant en référé, est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la société Enedis et à la commune de Montesquieu-Guittaut. Copie en sera transmise au préfet de la Haute Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mars 2019.
Le président-assesseur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 18BX03980, 18BX04018