Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2018, ainsi que des mémoires enregistrés les 18 novembre et 6 décembre 2019, la Mutualité française de La Réunion, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 25 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle le directeur régional des finances publiques de La Réunion a refusé de lui accorder l'agrément prévu à l'article 217 undecies du code général des impôts pour le programme d'investissement visé par sa demande du 22 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
-l'administration a omis de l'informer de son droit de saisir une commission consultative ainsi que le prévoient les dispositions des articles 46 quaterdecies V et suivants de l'annexe III au CGI et la réponse ministérielle " Zumkeller " n° 9743 du 7 janvier 2020 ;
- la demande d'agrément a été effectuée antérieurement à la réalisation de l'opération qui la motive conformément aux dispositions de l'article 1649 nonies du CGI et n'était donc pas tardive ;
- la condition tenant à la réalisation d'un chiffre d'affaires inférieur à 20 millions d'euros prévue par les dispositions de l'article 217 undecies du CGI s'apprécie au niveau de l'entreprise locataire exploitant les investissements ou de la société bénéficiaire de la souscription de sorte que le directeur régional des finances publiques a méconnu ces dispositions en considérant au contraire qu'il y a lieu de prendre en compte le chiffre d'affaire cumulé de la SAS MRImmo et celui de la Mutualité de La Réunion ;
- la décision litigieuse contient plusieurs erreurs de fait.
Par des mémoires, enregistrés les 11 octobre, 2 décembre et 10 décembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
-le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article II ter de l'article 217 undecies du code général des impôts : " La déduction prévue au premier alinéa du II s'applique aux souscriptions au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et qui sont affectées exclusivement à l'acquisition ou à la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer lorsque ces sociétés ont pour activité exclusive la location de tels logements ". En application des dispositions du II quater du même article : " Les programmes d'investissement dont le montant total est supérieur à 1 000 000 ne peuvent ouvrir droit à la déduction mentionnée aux I, II et II ter que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III ".
2. Le 22 décembre 2015, la Mutualité française de La Réunion a sollicité la délivrance de l'agrément prévu par les dispositions précitées du II quater de l'article 217 undecies du code général des impôts concernant une souscription au capital de la société MRimmo effectuée dans la perspective de l'acquisition de vingt-trois logements neufs destinés à être donnés en location dans le secteur locatif intermédiaire du département de La Réunion. Le directeur régional des finances publiques de La Réunion a refusé de faire droit à cette demande par une décision du 8 juin 2016. La Mutualité française de la Réunion relève appel du jugement du 25 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
3. En premier lieu, aux termes du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Lorsque l'administration envisage une décision de refus d'agrément, elle doit en informer le contribuable par un courrier qui interrompt le délai mentionné au premier alinéa et offre la possibilité au contribuable, s'il le sollicite, de saisir, dans un délai de quinze jours, une commission consultative dont la composition, les attributions et le fonctionnement sont définis par décret. En cas de saisine, un nouveau délai d'une durée identique à celle mentionnée au premier alinéa court à compter de l'avis de la commission. La commission dispose, pour rendre cet avis, d'un délai ne pouvant excéder deux mois. (...) ". Aux termes de l'article 46 quaterdecies V de l'annexe III à ce code : " La commission consultative prévue au deuxième alinéa du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts rend un avis motivé au ministre chargé du budget sur le respect des conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies précité. (...) ". Le 1 du III de cet article précise que : " Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I (...) qui sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer. (...) / L'agrément est délivré lorsque l'investissement : / a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; / b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; / c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. / L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé ".
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie, la commission consultative susmentionnée ne rend d'avis motivé que sur le respect des conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies précité. Dès lors, lorsque l'administration envisage de refuser de délivrer l'agrément demandé pour un motif qui ne concerne pas le respect de ces conditions, elle n'est pas tenue d'offrir au contribuable la possibilité de saisir cette commission consultative.
5. En l'occurrence, la demande d'agrément présentée par la Mutualité française de La Réunion le 22 décembre 2015 a été rejetée aux motifs, d'une part, qu'elle avait été présentée postérieurement à sa souscription au capital de la société MRimmo et à la signature d'un compromis de vente et d'un contrat de réservation relatifs à l'acquisition de vingt-trois logements neufs correspondant à cette souscription en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 nonies du code général des impôts, d'autre part, que le chiffre d'affaires réalisé par la Mutualité française de la Réunion au titre de son exercice 2014 était supérieur au plafond de 20 000 000 d'euros auquel les dispositions du I de l'article 217 undecies du code général des impôts subordonnent le bénéfice de la déduction fiscale que prévoit cet article. Par suite, aucun de ces motifs ne concernant le respect des conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies précité, la Mutualité française de La Réunion n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû lui offrir la possibilité de saisir la commission consultative mentionnée au 2 du III de cet article.
6. En second lieu, d'une part, l'article 1649 nonies du code général des impôts prévoit que : " I. - Nonobstant toute disposition contraire, les agréments auxquels est subordonné l'octroi d'avantages fiscaux prévus par la loi sont délivrés par le ministre chargé du budget. Sauf disposition expresse contraire, toute demande d'agrément auquel est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive. (...) ".
7. D'autre part, il résulte de la combinaison des dispositions du II et du II ter de l'article 217 undecies du code général des impôts que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des souscriptions au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et qui sont affectées exclusivement à l'acquisition ou à la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer lorsque ces sociétés ont pour activité exclusive la location de tels logements dans les conditions mentionnées aux septième et huitième alinéas du I de cet article et procèdent à cette acquisition dans les douze mois de la clôture de la souscription ou à la construction de logements neufs dont les fondations doivent être achevées dans les deux ans qui suivent la clôture de la souscription, sous réserve que l'immeuble lui-même soit achevé dans les deux ans qui suivent la date d'achèvement des fondations. Ainsi le fait générateur de la déduction fiscale et donc de l'opération au titre de laquelle l'agrément est demandé n'est pas constitué par l'acquisition de logements neufs destinés à la location ou par l'engagement de leur construction, lesquelles peuvent intervenir postérieurement à la délivrance de cet agrément et au cours d'un autre exercice que celui au titre duquel cette déduction est pratiquée mais par la seule souscription au capital de la société qui réalise cette acquisition ou cette construction.
8. Il résulte des écritures de la Mutualité française de La Réunion que sa souscription au capital social de la SASU MRImmo a été versée sur un compte séquestre dès le 4 décembre 2015 et de l'extrait de ce compte séquestre produit à l'instance que les apports en capital de la Mutualité française de La Réunion ont été reçus par le notaire en charge de cette opération le 14 décembre 2015, soit antérieurement à la demande d'agrément du 22 décembre suivant. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité de l'autre motif de rejet de sa demande, la Mutualité appelante n'est pas fondée à soutenir que l'administration lui a opposé à tort la tardiveté de cette demande sans pouvoir utilement faire valoir ni que la décision rejetant sa demande d'agrément comporterait des erreurs matérielles dès lors que celles-ci, à les supposées même établies, ne sont pas de nature à modifier l'appréciation portée par l'administration ni qu'elle a, préalablement, demandé à la direction de la législation fiscale de lui confirmer son éligibilité à la déduction fiscale concernée, dès lors que ces demandes de rescrit ne sauraient être regardées comme se substituant à la demande d'agrément prévue par les dispositions de l'article 217 undecies.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la Mutualité française de La Réunion n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus d'agrément. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Mutualité française de La Réunion et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme C..., présidente-assesseure,
M. Manuel B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°18BX04535