2°) d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 74 406,90 euros, émis à son encontre par le maire de la commune d'Ambazac le 5 mai 2014 ;
3°) de la décharger de l'obligation de s'acquitter du paiement de cette somme ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Ambazac la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de fait en considérant qu'elle avait eu connaissance de l'émission du titre exécutoire litigieux plus d'un an avant l'introduction de son recours contentieux ; qu'en outre, ce titre ne lui a jamais été notifié et ne comporte pas la mention des voies et délais de recours ;
- ce titre exécutoire ne comporte pas la signature de l'ordonnateur en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 et ne mentionne pas les bases de liquidation en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- la dette dont ce titre exécutoire poursuit le recouvrement n'est pas définitive, faute pour le pouvoir adjudicateur du marché auquel elle se rapporte d'avoir établi le décompte général et définitif du marché ;
- le montant des pénalités de retard mises à sa charge au titre du règlement du marché dont s'agit est fondé sur une date d'achèvement des travaux erronée et est disproportionné par rapport au montant de ce marché ;
- la commune ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 instaurant un recours préalable obligatoire dès lors que ces dispositions ne concernent que les titres exécutoires émis par l'État.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 décembre 2017 et 29 mai 2018, la commune d'Ambazac, représentée par la SELARL Soltner-Martin, conclut au rejet de la requête, à ce que la société Veolia-Eau-CGE soit condamnée à lui verser la somme de 74 406,90 euros et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à sa charge au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés, que le recours contentieux présenté par la société appelante n'a pas été précédé du recours préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et n'a pas été enregistré dans un délai raisonnable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la société Veolia Eau-CGE.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement signé le 10 octobre 2011, la commune d'Ambazac a attribué à un groupement d'entreprise dont la société Veolia Eau-CGE était le mandataire un marché relatif à la construction d'une unité de traitement de l'eau potable du captage de Fontaube. Le décompte général de ce marché a été établi par le maire d'Ambazac le 22 avril 2014 et fait apparaître un solde de 83 241,17 euros au crédit de la société Veolia Eau-CGE. Le 5 mai 2014, le maire d'Ambazac a néanmoins émis à l'encontre de la société Veolia Eau-CGE un titre exécutoire d'un montant de 74 406,90 euros pour le recouvrement de pénalités de retard relatives à ce marché. La société Veolia Eau-CGE demande à la cour d'annuler le jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de l'obligation de payer la somme qui y est mentionnée. La commune d'Ambazac demande à la cour de rejeter la requête et, par la voie de l'appel incident, de condamner la société Veolia Eau-CGE à lui verser la somme de 74 406,90 euros au titre des pénalités dues par cette société à raison du retard avec lequel le marché susmentionné a été achevé.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable au litige : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. ".
3. En premier lieu, le tribunal administratif a considéré que le titre exécutoire litigieux comportait la mention des voies et délais de recours et que si la commune d'Ambazac ne rapportait pas la preuve de sa notification à la société Veolia Eau-CGE, celle-ci devait néanmoins être regardée comme en ayant eu connaissance au plus tard le 8 octobre 2014, date à laquelle elle aurait formé un recours gracieux contre ce titre. Toutefois, il ressort de l'instruction que la lettre adressée à cette date par cette société à la commune d'Ambazac avait pour objet de contester le montant des pénalités de retard qui lui ont été infligées au titre du marché mentionné au point 1, et de manifester son intention d'engager une " procédure d'assignation qui aura pour objectif d'arrêter les comptes entre les parties ". En revanche, cette lettre ne fait aucunement mention de ce titre exécutoire. Dans ces conditions, cette lettre doit être regardée comme dirigée contre le décompte général du marché ou contre la lettre de la commune d'Ambazac du 26 mars 2014 l'informant de l'application de ces pénalités de retard et non contre le titre exécutoire litigieux.
4. Dès lors, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société VEOLIA Eau-CGE ne pouvant être regardée comme ayant eu connaissance de l'émission de ce titre exécutoire antérieurement à la date d'enregistrement de son recours contentieux, elle est fondée à soutenir que le délai de recours prévu à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales n'a pas pu courir et, par suite, que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que sa demande devant le tribunal administratif de Limoges était tardive.
5. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions et les autres moyens présentés par les parties devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur la recevabilité de la demande présentée par la société Veolia Eau-CGE devant le tribunal administratif :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède, que faute d'établir que la société Veolia Eau-CGE aurait eu connaissance de l'émission du titre exécutoire litigieux antérieurement à l'enregistrement de cette demande, la commune d'Ambazac n'est pas fondée à soutenir que le recours contentieux formé par la société appelante n'aurait pas été présenté dans un délai raisonnable.
7. En deuxième lieu, il résulte de la combinaison des articles 1 et 4 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 que les dispositions du titre II de ce décret, y compris celles de son article 118, ne sont pas applicables aux collectivités territoriales. Par suite, la commune ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cet article 118 en tant qu'elles instaurent un recours préalable obligatoire alors que les dispositions précitées de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, seules applicables aux titres de perception émis par les collectivités territoriales, ne font au contraire pas obligation au débiteur d'une créance de former un recours préalable obligatoire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir présentées par la commune d'Ambazac doivent être écartées.
Sur les conclusions à fin d'annulation du titre de perception du 5 mai 2014 :
9. Les parties à un marché de travaux publics peuvent convenir que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs.
10. Il résulte de l'instruction et ainsi qu'il a été dit précédemment que le décompte général du marché concerné a été établi par le maire d'Ambazac le 22 avril 2014 et fait apparaître un solde de 83 241,17 euros au crédit de la société Veolia Eau-CGE après imputation des pénalités de retard auxquelles se rapporte le titre exécutoire litigieux. Par suite et en tout état de cause, la commune n'était titulaire, à raison de ce décompte, d'aucune créance certaine et exigible susceptible de justifier l'établissement d'un titre de perception à l'encontre de la société appelante.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Veolia Eau-CGE est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi, par voie de conséquence, que celle du titre exécutoire du 5 mai 2014 - lequel ne comporte au demeurant pas la mention des bases de liquidation en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 - et la décharge de l'obligation de s'acquitter du paiement de la somme visée par ce titre sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.
12. Il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la commune d'Ambazac tendant à la condamnation de la société Veolia-Eau-CGE à lui verser la somme de 74 406,90 euros au titre des pénalités de retard dont celle-ci lui est redevable doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que demande la commune d'Ambazac soit mise à la charge de la société Veolia-Eau-CGE. Dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la commune d'Ambazac la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la société appelante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2017 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : Le titre exécutoire émis par la commune d'Ambazac le 5 mai 2014 pour un montant de 74 406,90 euros est annulé.
Article 3 : La société Veolia-Eau-CGE est déchargée de l'obligation de s'acquitter du montant de ce titre exécutoire.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Ambazac sont rejetées.
Article 5 : La commune d'Ambazac versera à la société Veolia-Eau-CGE une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société en commandite par action Veolia Eau-Compagnie générale des eaux et à la commune d'Ambazac.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès président-assesseur,
M. Manuel C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
Le rapporteur,
Manuel C...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLa greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°17BX03053