Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019 sous le n° 19BX04464, la commune de Montrollet, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 octobre 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif par MM. G... ainsi que par l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains ;
3°) de mettre à la charge de MM. D... G... et A... G... ainsi que de l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que
le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une contradiction dans ses motifs ;
les premiers juges ont soulevé d'office un moyen sans mettre les parties à même d'en débattre en méconnaissance du principe du contradictoire ;
MM. G... et l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains n'établissent pas la réalité des atteintes alléguées à leurs libertés d'aller et venir ainsi qu'à leurs droits de propriété ;
les premiers juges ont commis une erreur de droit en exerçant un contrôle de proportionnalité sur la légalité de l'arrêté litigieux ainsi qu'une erreur d'appréciation ;
l''arrêté litigieux est suffisamment motivé et n'a ni méconnu les dispositions de L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ni porté atteinte aux droits et libertés des demandeurs.
Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2020, MM. G... et l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains, représentés par Me F..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Monrollet au titre des frais exposés pour l'instance.
Ils soutiennent que la requête est irrecevable dès lors que le maire de la commune n'a été habilité qu'à ester en défense devant la cour et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019 sous le n° 19BX04465, la commune de Montrollet, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 octobre 2019 ;
2°) de mettre à la charge de MM. D... G... et A... G... ainsi que de l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
il existe des doutes sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des demandes présentées devant le tribunal administratif à raison des mêmes moyens que ceux soulevés dans sa requête au fond ;
* ce jugement l'expose à la perte définitive des sommes engagées pour la pose et la dépose des panneaux signalétiques ainsi qu'à celles qui procéderaient de la liquidation de l'astreinte.
Par des mémoires, enregistrés les 23 janvier et 4 mars 2020, MM. G... et l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains, représentés par Me F..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Monrollet au titre des frais exposés pour l'instance.
Ils soutiennent que la requête est irrecevable dès lors que le maire de la commune n'a été habilité qu'à ester en défense devant la cour et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... E...,
- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant MM. G... D..., G... A... et l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains (MPVHA).
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées sous les n° 19BX4464 et n° 19BX4465 sont dirigées contre un même jugement, présentent à juger des mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.
2. Après qu'un précédent arrêté aux mêmes fins a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mai 2018, le maire de la commune de Montrollet a, aux termes d'un arrêté du 6 juin 2018, mis en sens unique la rue du Couvent. La commune de Montrollet demande à la cour d'annuler le jugement du 30 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif a annulé les articles 1 et 3 de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
3. D'une part, si la commune de Montrollet soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé au seul motif qu'il ne ferait pas mention des arguments et pièces qu'elle a produites en cours d'instance et ne fait état d'aucune " carence de pièces ", cette circonstance à la supposer établie, demeure sans incidence sur la régularité du jugement attaqué alors, au demeurant, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont mentionné, de façon circonstanciée, pour quel motif il y avait lieu d'annuler les articles 1er et 3 de l'arrêté litigieux. En outre, le tribunal administratif n'ayant pas été saisi d'une demande tendant à l'annulation de l'article 2 de cet arrêté, interdisant la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes dans la rue du Couvent sauf desserte locale, il n'appartenait pas aux premiers juges de prononcer l'annulation de cet article dès lors que l'annulation des articles 1 et 3 du même arrêté était détachable de l'interdiction conditionnelle prévue par son article 2. Ainsi le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une contradiction dans ses motifs doit être écarté.
4. D'autre part, et contrairement à ce que soutient la commune de Montrollet, le jugement attaqué n'est pas fondé sur un moyen que le tribunal aurait soulevé d'office et sans en informer les parties en méconnaissance du principe du contradictoire, les premiers juges s'étant au contraire bornés à faire droit au moyen soulevé par les demandeurs et tiré de ce que l'arrêté litigieux a " violé " leur liberté d'aller et venir ainsi que leur droit de propriété.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montrollet n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait été irrégulièrement rendu.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...). À l'extérieur des agglomérations, le maire exerce également la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal (...) ".
7. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient la commune de Montrollet, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher si la mise en sens unique d'une rue repose sur des motifs de nature à la justifier légalement. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ne se sont pas bornés à examiner si l'arrêté litigieux n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que MM. G... sont riverains du chemin de Vergnoret et que l'association MPVHA, dont l'objet est " le regroupement des amateurs et propriétaires privés de véhicules anciens et authentiques, à moteur, avec matériels associés, de plus de 30 ans d'âge, principalement d'origine américaine et autres nationalités de la même époque et ayant un intérêt historique relatif au "D Day" (...), dans un objectif de restauration et de perpétuation de connaissances mécaniques et historiques ", a son siège social au n° 1 de ce chemin, lequel débouche sur la rue du Couvent. En outre et contrairement à ce que soutient la commune, il ressort également des pièces du dossier, notamment des plans et photos produites mais aussi du compte-rendu de la réunion du conseil municipal du 26 juillet 2015 ainsi que du bulletin municipal de décembre 2015, que la mise en sens unique de la rue du Couvent ne permet pas aux véhicules longs, notamment au tracteur routier et au semi-remorque utilisés par MM. G... et par les membres de la MPVHA, de manoeuvrer entre le chemin de Vergnoret et la rue du Couvent sans enfreindre l'arrêté litigieux du 15 juillet 2015, compte tenu de l'angle particulièrement aigu formé par ces deux voies.
9. La commune soutient que l'atteinte ainsi portée à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit de propriété, en particulier au libre accès à leur propriété des demandeurs de première instance, est justifiée par des motifs de sécurité dès lors d'une part, que la rue du Couvent, d'une longueur de 150 mètres, est très sinueuse et très étroite, d'autre part, que la structure de la chaussée n'est pas adaptée à un trafic dense imposant de limiter le passage de camions de plus de 3,5 tonnes à la desserte locale. Toutefois, à l'appui de ces allégations, la commune ne produit aucun élément matériel et se borne à faire état d'une lettre de l'agence départementale de l'aménagement du 17 juillet 2009 dont il ressort seulement que la sortie de la rue du Couvent sur la route départementale 165 manque de visibilité et d'une lettre du sous-préfet de Confolens du 25 juin 2010 ajoutant que cette rue est étroite, que la vitesse y est souvent excessive, que la mise en sens unique permettra de fluidifier le trafic, notamment de poids lourds, et que l'accès à la propriété de M. D... G... est toujours possible alors qu'il ressort des pièces du dossier que la rue du Couvent est une rue résidentielle située entre deux routes départementales de sorte qu'elle est peu propice à un trafic dense, à fortiori au transit de véhicules lourds tandis qu'il ressort d'une attestation de l'organisme en charge de la collecte des déchets produite par la commune appelante que la benne de ramassage des déchets qui circule rue du Couvent est d'un poids de 26 tonnes PTAC et que, pourtant, elle ne rencontre aucune difficulté de circulation dans cette rue. Enfin, la commune n'établit ni même ne soutient que les objectifs poursuivis n'auraient pu être atteints par d'autres mesures moins attentatoires à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit de propriété.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la commune de Montrollet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux du 15 juillet 2015. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montrollet le versement à M. D... G..., à M. A... G... et à l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains d'une somme totale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Le présent arrêt, qui statue au fond sur la requête en annulation présentée par la commune de Montrollet à l'encontre du jugement du 30 octobre 2019, rend sans objet ses conclusions à fins de sursis à exécution de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 19BX04465.
Article 2 : La requête n° 19BX04464 est rejetée.
Article 3 : La commune de Montrollet versera à M. D... G..., à M. A... G... et à l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montrollet, à M. D... G..., à M. A... G... et à l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme H..., présidente-assesseure,
M. C... E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
Manuel E...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au préfet de la Charente, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°19BX04464-19BX04465