Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 août 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de prendre en charge sa demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- il devra être justifié de la réalité du compte rendu d'entretien, de ce que l'entretien a bien été mené par un agent qualifié et de la nécessité de recourir à un interprète par téléphone ;
- il aurait dû bénéficier de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, et le préfet n'a pas procédé à l'examen sérieux de sa situation au regard de la clause dérogatoire, dès lors que sa demande d'asile en Suède a été rejetée, et qu'une mesure d'éloignement à destination de l'Irak a été prise alors qu'il est athée ;
Par décision du 12 décembre 2019, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par des mémoires, enregistrés les 19 et 26 février 2020, le préfet conclut au rejet de la requête et fait valoir que :
- M. C... est en fuite ;
- les moyens de sa requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- Et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C..., de nationalité irakienne, est entré en France, selon ses dires, le 27 octobre 2018 et y a présenté une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes ayant révélé qu'il avait introduit une demande d'asile en Suède, ainsi qu'en Islande, le préfet de la Gironde, par arrêté du 24 juillet 2019, a décidé de son transfert aux autorités suédoises, responsables de sa demande d'asile. M. C... relève appel du jugement du 20 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) /3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a bénéficié d'un entretien individuel le 25 avril 2019 assuré par un agent du bureau de l'asile et du guichet unique de la préfecture, qui est une personne qualifiée au sens de l'article 5 n°604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien a donné lieu à la rédaction d'un compte-rendu, intitulé " résumé de l'entretien individuel ", sur lequel M. C... a apposé sa signature. Ce dernier ne saurait utilement se prévaloir de ce que les services de l'interprète ont été fournis par téléphone sans que le préfet en justifie la nécessité, conformément aux dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les modalités techniques du déroulement de l'entretien ne l'ont pas privé de la garantie liée au bénéfice d'un interprète.
4. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".
5. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013. Si M. C... soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que sa demande d'asile a été rejetée par la Suède et qu'il sera éloigné à destination de l'Irak, il ne justifie pas que les autorités suédoises, qui ont certes opposé un refus à sa demande d'asile, feraient structurellement ou systématiquement obstacle à l'enregistrement et au traitement d'une nouvelle demande d'asile, ni qu'une telle demande ne serait pas examinée par ces mêmes autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
La rapporteure,
D...Le président
Éric Rey-Bèthbéder La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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20BX00112