Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2017, M. et Mme B..., représentés par la Selarl Quesnel et Associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 octobre 2017 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 pour un montant total de 89 734 euros et, à titre subsidiaire, la restitution des cotisations d'impôt sur le revenu, acquittées au titre des années 2011 et 2012, pour un montant total de 47 975 euros ;
3°) de prononcer la décharge de la pénalité de 80 % qui leur a été appliquée pour manoeuvres frauduleuses ;
4°) à titre subsidiaire, de substituer la pénalité pour manquement délibéré de 40 % à la pénalité de 80 % qui leur a été appliquée ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les rectifications effectuées à raison des revenus distribués sont contestées pour les mêmes motifs que ceux avancés par la société ISD dont M. B... est co-gérant dans le cadre de l'instance qu'elle a introduite devant la cour ;
- M. B... a réglé l'intégralité des sommes dues à la société ISD d'un montant de 169 476 euros par un virement du 1er décembre 2014 ;
- les distributions notifiées à la suite du contrôle de la société relevaient, non des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, mais de celles du a de l'article 111 du même code ;
- M. B... ayant remboursé à la société les montants considérés comme distribués, le foyer fiscal peut prétendre à la restitution de la fraction des impositions entraînée par l'imposition des sommes ainsi ultérieurement remboursées, conformément au dispositif prévu par le 2ème alinéa du a de l'article 111 ;
- la qualification de revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts doit être écartée dès lors que les sommes en litige constituent des avances inscrites au débit du compte courant de M. B... ;
- la pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses qui leur a été appliquée n'est pas fondée ;
- l'application de cette pénalité, au foyer fiscal d'une part et à la société ISD d'autre part, conduit à sanctionner doublement un même comportement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 3 819 euros accordé le 12 juin 2018 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que la recevabilité des conclusions est limitée à ce qui a été contesté dans la réclamation préalable du 28 janvier 2015 à savoir l'imposition supplémentaire entraînée par les distributions notifiées consécutivement à la vérification de la société ISD et la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses et que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 décembre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. À la suite de la vérification de comptabilité de la société Industrie Service B... (ISD), dont M. B... est co-gérant associé, le vérificateur a constaté que la société avait réalisé des travaux de réhabilitation sur des immeubles appartenant à M. B... et que les factures d'un montant total de 169 476 euros dont 111 665 euros en 2010, 40 802 euros en 2011 et 17 009 euros en 2012, émises par la société ISD à raison de travaux de réhabilitation d'immeubles locatifs appartenant à M. B... n'ont pas été comptabilisées, ni déclarées par la société ISD. À l'issue de l'examen de situation fiscale personnelle de M. et Mme B..., le service a réintégré, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, ces sommes qualifiées de revenus distribués dans leur revenu imposable à l'exception des rehaussements de l'année 2010 fiscalement prescrits, et procédé à la rectification du revenu foncier de M. et Mme B... à hauteur du montant des six factures non acquittées, indûment déduites par le foyer fiscal en tant que dépenses de réparation, d'entretien et d'amélioration pour la détermination de son revenu net foncier, par proposition de rectification du 27 mai 2014. M. et Mme B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, contributions sociales et pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 pour un montant de 89 734 euros ainsi que la restitution de la fraction des impositions entraînée par l'imposition des sommes ultérieurement remboursées, conformément au dispositif prévu par le deuxième alinéa du a de l'article 111 au titre des années 2011 et 2012 pour un montant de 47 975 euros, outre la décharge de la pénalité de 80 % qui leur a été appliquée pour manoeuvres frauduleuses. Ils demandent, à titre subsidiaire, de substituer la pénalité de 40 % pour manquement délibéré à celle de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 12 juin 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé un dégrèvement des sommes dues au titre des contributions sociales au titre des années 2011 et 2012, s'élevant à 3 819 euros, en droits et pénalités. Par suite, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
En ce qui concerne les rehaussements apportés aux revenus fonciers du fait du défaut de paiement des factures de travaux :
3. M. et Mme B... n'ayant formulé aucune demande de décharge de la fraction des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales entraînée par les rehaussements apportés à leur revenu foncier ni développé aucun moyen relatif à une telle décharge, les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires sont, ainsi que le soutient le ministre, irrecevables à hauteur du montant des droits et pénalités calculés sur les rehaussements apportés aux revenus fonciers du fait du défaut de paiement des factures de travaux.
En ce qui concerne les rectifications à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers issues du rehaussement des résultats de la société ISD :
4. M. et Mme B... soutiennent que les sommes en litige constituent des avances relevant des dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts et non des distributions au sens du 1° du 1 de l'article 109 du même code.
5. L'article 109 du code général des impôts dispose que : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". L'article 111 du code général des impôts prévoit que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret (...) ".
6. Les dispositions précitées n'ouvrent pas au contribuable la possibilité de demander la décharge ou la réduction de la cotisation supplémentaire assise sur les avances, prêts ou acomptes que lui a consentis une société, mais un droit à restitution de l'imposition en principal à proportion des remboursements de ces sommes à la société, à la condition que le contribuable ait procédé au préalable au paiement effectif des impositions procédant de la taxation de ces sommes.
7. Il n'est pas contesté que la société ISD a effectué des travaux de réhabilitation sur deux immeubles de rapport appartenant à M. B..., qui ont donné lieu à l'établissement de sept factures d'un montant total de 169 476 euros dont 40 802 euros au titre de l'année 2011 et 17 009 euros au titre de l'année 2012. Il résulte de l'instruction que ces factures n'ont été ni comptabilisées ni déclarées par la société et n'ont pas été payées par M. B... alors qu'elles ont été déclarées en dépenses de réparation et d'amélioration sur ses déclarations de revenus fonciers entraînant des déficits fonciers partiellement imputés sur son impôt sur le revenu au titre des années concernées. En se bornant à indiquer qu'il n'a jamais été question pour M. B... de ne pas régler les sommes considérées, alors que ce n'est que le 30 novembre 2014, soit quatre ans après la date d'émission de la première facture le 7 novembre 2010, plus de deux ans après l'émission de la dernière le 29 mars 2012 et après l'intervention, le 27 mai 2014, de la proposition de rectification clôturant la vérification de comptabilité ayant révélé les faits, que la société a procédé à la comptabilisation des produits correspondant aux services rendus et, en contrepartie de cette écriture, à la constatation de la dette de M. B... à son égard, les appelants n'établissent pas que les revenus distribués en litige constitueraient une avance relevant des dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts.
8. Ainsi qu'il a été dit, les produits correspondant aux travaux réalisés par la société au bénéfice de M. B... n'ont donné lieu à aucune écriture comptable au titre de la période vérifiée et leur réalisation n'a ainsi entraîné la constatation d'aucune créance de la société à l'encontre de son gérant. À supposer que M. B... ait disposé d'un compte courant ouvert dans les écritures de la société ISD, les opérations litigieuses n'auraient en tout état de cause pas pu contribuer à la formation de son solde. Dès lors, le moyen selon lequel le solde débiteur d'un compte courant d'associé aurait été imposable sur le fondement du a de l'article 111 est inopérant.
9. Dès lors que les revenus distribués ne constituent pas une avance, M. et Mme B... ne sont en tout état de cause pas fondés à solliciter la restitution des sommes versées à la société ISD.
10. Enfin, les appelants contestent le bien-fondé des rehaussements consécutifs aux distributions opérées sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, en renvoyant la cour aux motifs de contestation développés par la société ISD dans la requête enregistrée le 19 décembre 2017 sous le numéro l7BX04007. Toutefois, les conclusions de la société ISD dirigées contre les rappels de TVA collectée sont sans incidence sur le montant des distributions opérées, lequel correspond au montant TTC apparaissant sur les factures de travaux émises. Les moyens développés par la société à l'appui de sa contestation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée opérés ne peuvent dès lors et en tout état de cause être utilement invoqués à l'appui des rectifications à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers issues du rehaussement des résultats de la société. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans le revenu imposable des requérants la valeur des travaux qu'elle a regardés comme des revenus distribués au sens des dispositions de l'article 109 du code général des impôts.
Sur la majoration de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts :
11. L'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : (... ) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".
12. Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objectif de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. En vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable, la preuve des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration.
13. Il résulte de l'instruction que la société ISD a réalisé des travaux de réhabilitation sur deux immeubles appartenant à M. B... et que les factures correspondant à ces prestations, dont les numéros étaient identiques à ceux attribués à d'autres factures clients, n'ont pas été comptabilisées. Le service a relevé que ces factures n'ont pas été réglées, alors que la mention " chèque déjà effectué ", portée en rubrique " mode de règlement " des factures en cause, indiquait au contraire que le paiement des travaux était intervenu à la date d'émission des factures et que les opérations entre la société et son gérant s'inscrivaient dans le cadre de relations commerciales normales. Il est ainsi établi que M. B... a mis à son profit les moyens de l'entreprise pour augmenter la valeur de son patrimoine sans en régler les frais, mais a également utilisé les factures en cause pour déduire ces dépenses de ses revenus fonciers et imputer les déficits fonciers en résultant tant sur son revenu global que sur les revenus fonciers des années postérieures. Il ressort dès lors de l'ensemble des constatations opérées dans le cadre du contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B... et de la vérification de comptabilité de la société ISD, que les requérants ont volontairement entendu se soustraire à l'établissement et au paiement d'une partie de l'impôt dont ils étaient redevables, en souscrivant des déclarations de revenus fonciers et des déclarations d'ensemble des revenus minorées, alors que M. B... ne pouvait ignorer ne pas avoir acquitté les factures considérées. Dans ces conditions, alors même que la société a sollicité la procédure de régularisation prévue par l'article L. 62 du livre des procédures fiscales dès le début des opérations de contrôle et que les sommes qui lui étaient dues par M. B... ont été ultérieurement payées, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'agissements de nature à l'égarer dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et donc de l'existence de manoeuvres frauduleuses de la part des intéressés. Enfin, la circonstance que la majoration de 80 % a également été mise en oeuvre dans le cadre du contrôle de la société n'interdit pas son application au foyer fiscal pour les impôts dont M et Mme B... sont redevables à titre personnel. M. et Mme B... ne sont donc pas fondés à soutenir que l'administration a appliqué à tort aux impositions litigieuses la majoration de 80 % prévue par le c) de l'article 1729 du code général des impôts précités.
14. Ainsi qu'il vient d'être dit, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de la réalité de ces manoeuvres frauduleuses. Par suite, la demande de M. et Mme B... de substituer les pénalités de mauvaise foi aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses doit être rejetée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de leur demande.
16. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de M. et Mme B... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme B... tendant à la décharge, à concurrence de la somme de 3 819 euros, des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.
Le rapporteur,
Florence D...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX04008