Par une requête et un mémoire, ce dernier n'ayant pas été communiqué, enregistrés les 23 août 2021 et 21 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Gueye, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous les mêmes conditions d'astreinte, et dans l'attente de l'instruction de son dossier, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé en droit et en fait car aucun motif n'est soulevé par le tribunal pour justifier le rejet de la décision fixant le pays de renvoi ;
En ce qui concerne la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision méconnaît l'article 9 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il dispose d'une promesse d'embauche pour un contrat à durée déterminée à temps complet en qualité d'aide boucher ;
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- un délai de départ volontaire aurait dû lui être accordé dès lors qu'il vit en France depuis plus de dix ans ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnaît l'article 9 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Nathalie Gay a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., né le 26 juillet 1971, de nationalité algérienne, qui est entré en France, selon ses déclarations, le 2 février 2010, de manière irrégulière, a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 8 février 2012. Par un arrêté du 18 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A... le 27 avril 2018, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. À la suite de son interpellation par les services de police, le 16 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne, par un arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. L'appelant soutient que les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement quant à la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il ressort toutefois de ses écritures de première instance qu'aucun moyen n'a été soulevé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'un défaut de réponse sur ce point.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
3. Il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A.... Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare être entré en France le 2 février 2010 et se prévaut de sa présence en France depuis plus de dix ans. Toutefois, les pièces versées au dossier ne permettent pas de tenir pour établie une présence permanente et continue en France notamment au cours des années 2010, 2011, 2012 et 2016. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante algérienne, mère de son enfant né en août 2019 à Toulouse, il ressort des pièces du dossier que cette dernière a fait l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 11 octobre 2019 et par la présente cour le 17 février 2020. Ainsi que l'a indiqué à bon droit le tribunal, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, pays dont les membres de la famille ont la nationalité. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition du 16 juin 2020 que M. A... n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où résident deux enfants issus d'une précédente union, ainsi que ses parents. Enfin, la circonstance qu'il a exercé une activité salarié en qualité d'aide boucher n'est pas suffisante pour considérer qu'il aurait fixé le centre de ses intérêts en France. Dans ces conditions, la décision contestée ne peut être regardée comme portant au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de la Haute-Garonne n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelant.
6. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien est inopérant au soutien des conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet a obligé M. A... à quitter le territoire français.
7. Les stipulations de l'article 9 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre États sans ouvrir de droits aux intéressés. M. A... ne peut donc utilement invoquer ces stipulations à l'appui de son recours dirigé à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
8. Il ne ressort ni des termes de la décision contestée, qui est suffisamment motivée, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A....
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France, qu'il s'est soustrait à deux mesures d'éloignement des 8 février 2012 et 18 avril 2019 et qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes. En outre, s'il affirme qu'il réside en France depuis plus de dix ans, il n'apporte aucun document probant permettant d'établir ses allégations. Par suite, la décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
11. L'arrêté indique la nationalité de l'appelant, énonce que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 513-1 à L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation n'est pas fondé.
12. Par les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 5 et 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 24 février 2022.
La rapporteure,
Nathalie Gay
Le président
Éric Rey-BèthbéderLa greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03482 2