Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Blaise, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de régularisation ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une décision n° 2021/023977 du 25 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Gay ;
- et les conclusions de Me Blaise, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, est entré en France le 29 janvier 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour valable trente jours. Le 20 juin 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 6 avril 2021, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. L'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 4 juin 2020 indique que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est notamment atteint d'une sclérodermie systémique associée à une cirrhose biliaire primitive et un syndrome de Raynaud invalidant pour lesquels il fait l'objet, depuis le 27 mars 2019 au sein du service de médecine interne du CHU de Bordeaux, d'un suivi médical semestriel et d'un suivi biologique mensuel et suit un traitement à base de Delursan, de Nifedipine, de Pantoprazole, d'Imurel et d'antalgiques tels que le Tramadol. Pour contester la pertinence de l'avis du collège des médecins de l'OFII, M. B... produit, notamment, deux certificats médicaux des 22 et 29 mai 2019, établis par un médecin généraliste et un médecin interne au CHU de Bordeaux, qui indiquent que l'intéressé " souffre d'une maladie chronique ne pouvant être prise en charge dans son pays et nécessite des soins longs et spécialisés justifiant sa présence en France " et que " le syndrome de Raynaud et la cirrhose biliaire primitive nécessitent des traitements qui ne sont pas disponibles dans son pays ". Toutefois, ces seuls documents, peu circonstanciés en ce qu'ils ne se prononcent notamment pas sur la disponibilité en Tunisie de chacun des médicaments composant le traitement médical de l'intéressé, ne suffisent pas à démontrer que ce dernier ne pourra pas effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à ses pathologies. Ils ne sont ainsi pas de nature à contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII. En outre, si M. B... produit deux articles de presse parus dans le journal " l'Orient XXI " le 29 avril 2021 et le journal " Monde Afrique " le 1er février 2021, ces éléments, qui se bornent à faire un état des lieux du système de soins en Tunisie, ne sont pas de nature à établir qu'il ne pourrait y recevoir les soins requis par son état de santé. Par ailleurs, aucun des autres documents médicaux produits par l'intéressé, à savoir des certificats médicaux et justificatifs d'hospitalisation, ne font état de l'indisponibilité en Tunisie du traitement que nécessite son état de santé. Enfin, si M. B... fait valoir que sa situation financière ne lui permettrait pas d'avoir effectivement accès à la prise en charge de sa pathologie en raison du coût réel du traitement, il n'apporte aucun élément sur le coût des médicaments qui lui sont prescrits et sur la réalité de l'impossibilité financière dans laquelle il serait d'accéder à ce traitement ou à une prise en charge médicale. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
5. En second lieu, M. B... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2021 de la préfète de la Gironde. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
La rapporteure,
Nathalie Gay
Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX04647 2