Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2022, M. B... et Mme A..., représentés
par Me Renner, demandent au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2103092 du juge des référés du tribunal administratif
de Poitiers ;
2°) d'ordonner l'expertise sollicitée ;
3°) de réserver les dépens de l'instance.
Ils soutiennent que :
-le juge des référés a soulevé d'office l'incompétence de la juridiction administrative sans informer les parties en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative ;
- la faute commise dans l'exercice du pouvoir de contrôle de la CAN fonde la compétence du juge administratif pour ordonner une expertise permettant d'évaluer l'ampleur des non-conformités, d'en déterminer l'origine et de préciser la nature, le coût et la durée des réparations nécessaires. L'expert devra également se prononcer sur les désordres affectant l'immeuble et les moyens d'y remédier, et sur le préjudice de jouissance ;
-la somme proposée à titre amiable par la CAN est insuffisante pour couvrir leurs préjudices.
Par un mémoire enregistré le 2 mars 2022, la CAN, représentée par la société d'avocats Ten France (Me Lachaume), conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire de M. B... et Mme A... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-les dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative figurent dans la partie relative à la procédure ordinaire d'instruction et il n'est pas démontré qu'elles seraient applicables à un référé expertise ;
- le premier juge ne s'est pas trompé sur la compétence de la juridiction judiciaire dès lors que n'est pas en cause la mission de contrôle de l'assainissement mais la recherche des causes des dommages subis par les requérants ;
- l'expertise est inutile alors que la responsabilité de la CAN est admise, que les travaux de réparation ont été chiffrés, et que son assureur a fait de nouvelles propositions d'indemnisation les 28 juillet et 21 septembre 2021, en vain. Le chiffrage et l'imputation des préjudices immatériels relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond.
La présidente de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2021, Mme Catherine Girault, présidente de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme A... ont acquis en mars 2018 une maison d'habitation située rue Mère Dieu à Niort (Deux-Sèvres). L'acte de vente comportait en annexe une attestation de conformité du raccordement au système d'assainissement collectif, délivrée le 4 avril 2017 par la communauté d'agglomération niortaise (CAN) après visite sur place d'un technicien. Ayant constaté ultérieurement des non-conformités dont ils ne précisent pas la nature, ils ont pris l'attache de la CAN, dont l'assureur a reconnu un certificat erroné et accepté de prendre en charge une partie du coût des travaux sur la base de la solution la moins onéreuse, impliquant une pompe de relevage. M. B... et Mme A... ont refusé cette transaction au motif que la solution technique occasionnait divers désagréments, et sollicité la communauté d'agglomération pour qu'elle prenne en charge la mise en place d'une canalisation traversant plusieurs pièces de la maison, permettant un écoulement naturel vers la rue Mère Dieu. En l'absence de réponse favorable, ils ont sollicité une expertise, et relèvent appel de l'ordonnance du 25 janvier 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de l'assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire. Ainsi, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître des litiges relatifs à la facturation et au recouvrement de la redevance due par les usagers, aux dommages causés à ces derniers à l'occasion de la fourniture du service, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l'exécution de travaux publics ou l'entretien d'ouvrages publics, ou encore à un refus d'autorisation de raccordement au réseau public. Il n'en va autrement que pour les litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, se rattachent, par leur nature, à des prérogatives de puissance publique. En outre, un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative.
3. Pour dénier la compétence de la juridiction administrative, le premier juge a estimé que les dommages dont font état les requérants et le litige qui en résulte doivent être regardés comme des dommages subis par des usagers du service public d'assainissement à l'occasion de la fourniture de ce service. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... et Mme A... entendaient mettre en cause la responsabilité de la communauté de communes du fait du contrôle qu'ils estiment inadapté sur la conformité aux normes en vigueur de l'assainissement de la maison qu'ils ont acquise. L'activité de contrôle se rattachant à une prérogative de puissance publique, le litige auquel est susceptible de se rattacher la demande d'expertise relèverait, en vertu des principes posés par le Tribunal des Conflits rappelés au point 2, de la compétence de la juridiction administrative. Par suite, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. Il y a lieu pour le juge d'appel des référés d'évoquer et de statuer immédiatement sur leur demande d'expertise.
Sur l'utilité de l'expertise :
4. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal, appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, et de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.
5. Il résulte de l'instruction que les requérants connaissent déjà la non-conformité du réseau d'assainissement de leur maison avec la réglementation en vigueur, qui a été reconnue par la CAN, ainsi que la nature des travaux nécessaires pour y remédier, et même le coût de ces travaux qui a fait l'objet de plusieurs devis. Si l'un d'entre eux aurait été demandé par la CAN et ne leur aurait pas été communiqué, il appartiendrait à la CAN de le leur transmettre sans qu'il soit besoin d'une expertise sur ce chiffrage. Une expertise ne présente donc en l'état aucune utilité sur ces points. Quant à la circonstance qu'ils estimeraient pouvoir revendiquer la prise en charge de l'intégralité des travaux nécessaires à une mise en conformité, selon les modalités qu'ils préfèrent, au motif que la conformité aurait été attestée à tort par la CAN, il leur appartient s'ils s'y croient fondés de saisir les juges du fond de leurs prétentions, et ils n'ont pas besoin d'une expertise pour estimer leur préjudice de jouissance.
6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'utilité de l'expertise sollicitée, la demande de M. B... et Mme A... ne peut qu'être rejetée.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la CAN présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est annulée.
Article 2 : La demande d'expertise de M. B... et Mme A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la CAN au titre des dispositions de l'article L.761-1 du
code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... B... et
Mme D... A..., et à la communauté d'agglomération niortaise.
Fait à Bordeaux, le 24 mars 2022.
La juge d'appel des référés,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 22BX00495 2