2°) de rejeter l'ensemble des moyens et conclusions présentés par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante érythréenne née le 7 juillet 1994, a sollicité, le 28 novembre 2018, son admission au séjour en qualité de réfugiée. La consultation du fichier Eurodac permettant d'établir que les empreintes digitales de Mme B... avaient été relevées en Suisse en 2015, la préfète de la Seine-Maritime a, par un arrêté du 7 janvier 2019, rejeté sa demande et prononcé son transfert aux autorités suisses. La préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 18 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. Pour annuler l'arrêté en litige comme reposant sur une erreur manifeste dans la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation que la préfète de la Seine-Maritime tient de l'article 17 précité du règlement du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de Mme B... a été définitivement rejetée par une décision du tribunal administratif fédéral suisse du 17 octobre 2018 et que sa remise aux autorités suisses aurait pour conséquence un réacheminement vers l'Erythrée, pays qu'elle aurait fui après avoir reçu une convocation militaire et où elle serait dès lors exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressée en Suisse et non dans son pays d'origine. Or, la Suisse est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et Mme B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suisse dans la procédure d'asile ou que les juridictions suisses n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce versée au dossier que les autorités suisses, alors même que la demande d'asile de Mme B... a été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder éventuellement à son éloignement, les risques auxquels elle serait exposée en cas de retour en Erythrée.
5. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision de remettre Mme B... aux autorités suisses était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir qui lui est conféré par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.
6. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par Mme B... devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :
7. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
8. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre. Une telle motivation doit permettre d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application, c'est-à-dire, pour un transfert en vue d'une première prise en charge, l'un des critères du chapitre III du règlement du 26 juin 2013 et, pour un transfert en vue d'une reprise en charge, l'un des critères du b) c) ou d) de l'article 18 dudit règlement.
9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué vise le règlement du 26 juin 2013. Il énonce que les contrôles effectués en application des dispositions de l'article 9 du règlement n° 603/2013 ont révélé que Mme B... avait été précédemment identifiée en tant que demandeur d'asile par les autorités suisses le 15 septembre 2015. L'arrêté énonce que ces autorités ont été saisies sur le fondement du paragraphe 1, b) de l'article 18 du règlement n° 604/2013. Il indique enfin que la Suisse a, le 4 décembre 2018, explicitement accepté de la reprendre en charge sur le fondement du paragraphe 1, d) de cet article et doit être regardée comme responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dès lors, cet arrêté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vue remettre, le 28 novembre 2018, un exemplaire du guide du demandeur d'asile, deux documents intitulés " Mise en oeuvre du règlement Eurodac II ", ainsi que deux brochures d'information sur le règlement n° 604/2013, en langue tigrigna, qu'elle comprend. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 manque en fait.
13. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
14. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié, le 28 novembre 2018, d'un entretien conduit par un agent qualifié de la préfecture du Calvados, dans les locaux de celle-ci, par le biais d'un interprète en tigrigna. L'intéressée n'apporte aucune précision à l'appui du moyen selon lequel cet agent n'était pas qualifié pour mener cet entretien, ni aucun élément quant aux conséquences de cette prétendue absence de qualification, alors qu'il résulte du résumé de l'entretien qu'elle a pu apporter les précisions utiles sur sa situation personnelle. Si, par ailleurs, Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas reçu de copie du résumé de cet entretien individuel, elle n'allègue pas, en tout état de cause, en avoir fait la demande. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que les dispositions citées au point précédent ont été méconnues.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 janvier 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction et au titre des frais du procès doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 mars 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... A... et à Me C....
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA00916 4