II. Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019 sous le n° 19DA00763, et des mémoires, enregistrés les 16 mars, 8 et 23 juin 2020, ce dernier mémoire ayant été reçu avant clôture mais n'ayant pas été communiqué, la société Energie Lagnicourt, représentée par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2019 par lequel le préfet du Pas-de- Calais a rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur les communes de Lagnicourt-Marcel et de Noreuil ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, l'autorisation sollicitée ou à défaut de reprendre l'instruction de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'énergie ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me C... B..., représentant la société Energie Lagnicourt.
Considérant ce qui suit :
1. Le 21 décembre 2016, la société Energie Lagnicourt a déposé une demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs sur le territoire des communes de Lagnicourt-Marcel et de Noreuil.
2. Par une requête n° 19DA00102, la société pétitionnaire demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur sa demande d'autorisation unique. Le préfet du Pas-de-Calais a rejeté explicitement cette demande par un arrêté du 6 février 2019. Par une requête n° 19DA00763, la société demande l'annulation de cet arrêté.
Sur la jonction :
3. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19DA00102 et 19DA00763 sont dirigées contre des décisions de rejet portant sur la même demande et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet :
4. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première.
5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 6 février 2019 du préfet du Pas-de-Calais rejetant expressément la demande d'autorisation unique de la société Energie Lagnicourt s'est substitué à la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration. Par suite, les moyens susvisés dirigés contre la décision implicite sont inopérants et doivent être écartés.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 6 février 2019 du préfet du Pas-de-Calais :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
6. L'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a prévu qu'à titre expérimental et pour une durée de trois ans, plusieurs types de projets, notamment les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à l'autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique ". Elle vaut autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement et, le cas échéant, notamment permis de construire au titre de l'article L. 4211 du code de l'urbanisme et autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 3111 du code de l'énergie.
7. Les dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 2017, codifiées aux articles L. 1811 et suivants du code de l'environnement, instituent une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elles précisent.
8. L'article 2 de l'ordonnance du 20 mars 2014 dispose que l'autorisation unique vaut permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme. En revanche, il résulte des dispositions de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017, que l'autorisation environnementale, contrairement à l'autorisation unique, ne tient pas lieu du permis de construire le cas échéant requis. Il en résulte que l'autorisation unique, alors même qu'elle doit être regardée comme une autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017, continue également à produire ses effets en tant qu'elle vaut permis de construire. Le juge, saisi de moyens dirigés contre l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire, statue alors comme juge de l'excès de pouvoir sur cette partie de l'autorisation.
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :
9. En se bornant à soutenir que l'arrêté attaqué se fonde sur des faits insuffisamment précis, la société requérante n'établit pas son insuffisante motivation.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
11. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
12. En l'espèce, le site d'implantation du projet se situe sur un plateau de cultures agricoles, peu boisé, qui offre de larges perspectives et qui est ponctué de quelques villages. Dans un périmètre de 5 kilomètres autour du site, se trouvent 26 cimetières militaires. Ce projet doit ainsi être regardé comme devant s'implanter dans un environnement qui n'est pas dénué de tout intérêt, au sens des dispositions citées au point 10, alors même que ces cimetières ne font l'objet d'aucune protection au titre des monuments historiques.
13. A la date de l'étude paysagère, étaient exploités ou autorisés plus de 190 aérogénérateurs dans un rayon de 20 kilomètres autour du site du projet, une cinquantaine étant en cours d'instruction, et près de 100 machines dans un rayon de 10 kilomètres. Il ressort de cette étude que dans ce périmètre, 23 des 32 communes qui ont fait l'objet d'une analyse présentaient un effet de saturation, 7 d'entre elles montraient un effet saturé avéré, c'est à-dire un angle de respiration inférieur ou approchant de 30° et les autres présentaient un effet de saturation moyen. La saturation avérée est renforcée par le projet pour deux d'entre-elles. L'impact supplémentaire généré par le projet peut atteindre 10 % de plus par rapport à l'existant notamment pour la commune de Vaulx-Vraucourt. L'étude ajoute que l'impact supplémentaire induit par les projets en cours d'instruction à la date à laquelle l'étude a été réalisée est de 1 à 65 % de plus pour 10 communes. Enfin, le projet s'implante dans un secteur de respiration, aucune éolienne exploitée, autorisée ou en cours d'instruction ne se trouvant à moins de 2,5 kilomètres et le site d'implantation qui, comme indiqué plus haut, offre de larges perspectives, favorise une covisibilité entre les parcs. Ainsi, les éoliennes du projet qui présentent une hauteur de 180 mètres, réduisent davantage encore les espaces de respiration du plateau, amoindrissent son caractère ouvert et contribuent à accroître l'effet de saturation visuelle et d'encerclement des communes les plus proches du site que sont Lagnicourt-Marcel, Morchies, Noreuil et Vaulx-Vraucourt. Par suite, en renforçant la densité des implantations, le projet en cause est de nature à participer à la dégradation du paysage en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 précité.
14. Il résulte des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur le motif tiré de l'atteinte portée à l'un des derniers espaces de respiration du secteur. Par suite, les moyens invoqués à l'encontre des autres motifs de la décision attaquée doivent être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 6 février 2019 par lequel le préfet du Pas-de- Calais a rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur les communes de Lagnicourt-Marcel et de Noreuil et de la décision implicite de rejet de cette même demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes susvisées de la société Energie Lagnicourt sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... D... pour la société Energie Lagnicourt, à la ministre de la transition écologique et aux communes de Noreuil et de Lagnicourt-Marcel.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Nos19DA00102,19DA00763 2