Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 février 2021, sous le n° 21DA00440 la préfète de la Somme demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté portant assignation à résidence.
Elle soutient que l'assiduité de l'intéressé pour ses études n'est pas établie et qu'en tout état de cause, celui-ci n'a pas vocation à poursuivre ses études.
II. Par une requête, enregistrée le 20 mai 2021, sous le n° 21DA01123, M. B..., représenté par Me Anne-Sophie Chartrelle, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2021.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Les requêtes n° 21DA00440 et 21DA01123 concernent la situation d'une même personne et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. M. B..., ressortissant marocain né le 29 novembre 2001, a fait l'objet d'un contrôle de police le 23 janvier 2021. Par deux arrêtés du 23 janvier 2021, la préfète de la Somme l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le Maroc comme pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
En ce qui concerne l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux mentions de l'arrêté selon lesquelles l'intéressé n'apportait pas la preuve de son entrée régulière, il est établi que M. B... est entré sur le territoire français le 12 août 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Les premiers juges ont alors procédé à une substitution de base légale. Si le requérant soutient que cette substitution de base légale est de nature à révéler qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations sur la mesure envisagée à son encontre, il ressort du procès-verbal d'audition du 23 janvier 2021que M. B... a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée. A cette occasion, il a été informé de ce qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre et il a eu la possibilité de faire connaître ses observations. Ainsi, la procédure suivie par le préfet n'a pas, en l'espèce, porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français le 12 août 2016. Si, après avoir obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " réparation des carrosseries " en juin 2019, il a obtenu un contrat dans la restauration en mars 2020, il n'est pas contesté qu'il est connu pour des faits de violence dans un établissement d'enseignement ou d'éducation ou aux abords à l'occasion de l'entrée ou la sortie des élèves suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours. M. B... fait état de la présence de son frère titulaire d'une carte de résident, sans établir l'intensité de ses liens avec ce dernier. S'il soutient être en couple avec une ressortissante française depuis bientôt deux ans, ses allégations ne sont assorties que d'une attestation peu circonstanciée de sa compagne. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire français, la préfète de la Somme n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. B... doit être rejetée.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " Aux termes de l'article R. 561-2 de ce code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. "
7. En l'espèce, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que dans le cadre de son assignation à résidence, M. B... qui est hébergé à Amiens, est astreint à une obligation de présentation quotidienne au commissariat de police à Amiens du lundi au vendredi à 9 h 00, et est tenu de demeurer de 14 h 00 à 17 h 00 dans les locaux où il réside chaque jour. Si le magistrat délégué a relevé que M. B... a produit un emploi du temps pour le suivi de ses cours en vue de la préparation du baccalauréat professionnel, M. B... n'avait pas vocation à poursuivre sa scolarité sur le territoire français, pour laquelle son assiduité n'est au demeurant pas établie. Par suite, et alors de surcroît que l'arrêté précise bien le périmètre dans lequel l'intéressé était autorisé à circuler, soit le département de la Somme, la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté d'assignation à résidence, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Amiens a retenu l'atteinte excessive à la liberté personnelle.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
9. L'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire et qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de ces décisions. Dès lors que la décision litigieuse comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 23 janvier 2021 portant assignation à résidence, et à demander le rejet des conclusions présentées par
M. B... devant le tribunal administratif.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 21DA01123 de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le jugement du 28 janvier 2021 est annulé en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté portant assignation à résidence.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et à
Me Chartrelle.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,
- Mme Naïla Boukheloua première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La présidente- rapporteure,
Signé : C. Baes-Honoré Le président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N° 21DA00440 et N° 21DA01123 2