Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2015, et des mémoires, enregistrés les 24 avril et 12 juin 2015, la société Vert Marine, représentée par la SELARL Pierre-Xavier Boyer, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire opposition à l'état exécutoire contenu dans le titre de recette n° 2102, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Boulonnais la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours gracieux contre le titre exécutoire, qui a été adressé au comptable public et à la communauté d'agglomération du Boulonnais a prolongé le délai de recours ;
- la mention des voies et délais de recours figurant sur le titre de paiement ne désignant pas l'ordre de juridiction compétent, aucune forclusion ne lui est opposable ;
- elle n'est pas redevable de la somme de 2 346,55 euros toutes taxes comprises correspondant à des frais facturés par la société Suffixe pour l'installation d'une mise à jour du système informatisé décidée par la collectivité postérieurement à la fin des relations contractuelles le 30 avril 2012 ;
- si la collectivité entendait améliorer les modalités d'exploitation du service, il lui appartenait d'en assumer la charge financière.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mars et 28 mai 2015, la communauté d'agglomération du Boulonnais, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire et reconventionnelle, de condamner la société à lui verser la somme de 5 134,24 euros ;
3°) d'assortir ce montant des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2012 et à leur capitalisation à compter du 20 février 2014 ;
4°) de mettre à la charge de la société Vert Marine la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- l'opposition à l'état exécutoire ayant fait obstacle au recouvrement du montant de la condamnation, le versement des intérêts moratoires vient réparer le préjudice subi du fait de l'écoulement du temps ;
- ces intérêts prendront effet à la date à laquelle le titre a été rendu exécutoire, soit le 17 octobre 2012 ;
- elle a également droit à la capitalisation de ces intérêts qui sont échus depuis le 20 février 2014.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me A...B..., représentant la communauté d'agglomération du Boulonnais.
1. Considérant que, par un contrat d'affermage du 26 octobre 2004, la communauté d'agglomération du Boulonnais a confié à la société Vert Marine la gestion du complexe de loisirs Hélicéa, lequel comprend un espace aquatique et une patinoire ; que cette convention étant arrivée à son terme le 30 avril 2012, l'huissier de justice mandaté par la communauté d'agglomération a dressé ce jour-là un état des lieux dont il ressortait notamment qu'un certain nombre de casiers informatisés de la patinoire et de la piscine destinés à recevoir les effets personnels des utilisateurs, ne fonctionnaient pas correctement ; qu'à la suite de quoi, la communauté d'agglomération du Boulonnais a émis le 17 octobre 2012 un titre de recette n° 2102 rendu exécutoire en vue d'obtenir le paiement d'une somme de 5 134,24 euros correspondant à hauteur de 2 787,69 euros toutes taxes comprises (TTC) à la réparation des casiers informatiques et à hauteur de 2 346,55 euros à la mise à jour par la société informatique Suffixe du système de gestion informatisé des casiers ; que la société Vert Marine relève appel de l'ordonnance du 28 octobre 2014 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, comme tardive la demande qu'elle avait enregistrée le 18 avril 2013 au greffe de ce tribunal tendant à faire opposition à l'état exécutoire et à obtenir la décharge de l'obligation de payer en résultant ;
Sur la tardiveté :
2. Considérant, d'une part, qu'en vertu du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs peuvent rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite " ;
4. Considérant, enfin, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
5. Considérant que si le titre exécutoire du 17 octobre 2012 comporte de manière générale comme voies de recours l'indication que le débiteur peut contester la somme mentionnée au recto " en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance " et fournit un certain nombre d'exemples de créances dont aucun ne correspond à celle dont le paiement était réclamé à la société Vert Marine, cette seule mention était trop imprécise pour permettre à l'intéressée de connaître la voie de recours la concernant ; que, par suite, du fait de cette imprécision, les délais de recours n'ont pu commencer à courir à l'encontre de la société Vert Marine ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté comme tardive, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande qui tendait à la contestation du bien-fondé de la créance mise en recouvrement par le titre émis le 17 octobre 2012 ;
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour d'annuler cette ordonnance, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Vert Marine devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur le bien-fondé de la créance :
En ce qui concerne la remise en état des casiers défectueux :
7. Considérant que ni en première instance, ni en appel, la société Vert Marine ne conteste sérieusement être redevable de la somme de 2 787,69 euros correspondant à la réparation des casiers informatiques défectueux ; qu'elle n'est donc pas fondée à faire opposition à cette partie de l'état exécutoire et à demander la décharge de cette somme ;
En ce qui concerne la mise à jour du système de gestion informatisé des casiers :
8. Considérant que l'article 15 du contrat d'affermage du 26 octobre 2004 prévoit que " le délégataire est responsable du nettoyage et l'entretien courant des installations équipements et matériels nécessaires à l'accomplissement du service public de sorte à maintenir pendant toute la durée de l'affermage les biens qui lui sont confiés et les biens dont il est propriétaire en parfait état de fonctionnement et d'exploitation effective " ; que l'article 16.2 de cette convention stipule que : " Les réparations et le renouvellement de tous les équipements et matériels mis à la disposition du délégataire, ou dont celui-ci fait usage dans le cadre de l'exécution du contrat sont à sa charge. / Le remplacement des équipements détériorés ou disparus est exécuté dès lors que le défaut en est constaté. Les réparations sont effectuées immédiatement sans préjudice des recours éventuels contre les auteurs des dégâts. L'ensemble des obligations définies ci-dessus garantit au terme de la convention une restitution des ouvrages en bon état de fonctionnement étant entendu que devra être prise en compte la vétusté normale des installations et du bâtiment compte tenu de sa destination publique " ;
9. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 16.2 de cette convention que, contrairement à ce que soutient la société Vert Marine, ses obligations ne se limitaient pas à assurer l'entretien courant du matériel mais qu'elle devait également en assurer les réparations, le remplacement et le renouvellement en sorte que l'ensemble des ouvrages et matériels soit restitué en bon état de fonctionnement au terme de la convention ;
10. Considérant qu'il est constant qu'un nombre non négligeable de casiers informatisés ne fonctionnaient pas au terme de la convention d'affermage, faute d'avoir fait l'objet de réparations en temps utile ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de la lettre de la société informatique Suffixe du 24 janvier 2013 que la société Vert Marine avait été avertie le 3 février 2009 de ce que les cartes portier V3 qui commandaient le fonctionnement des casiers arrivaient en fin de vie et cesseraient d'être commercialisées à l'épuisement du stock et qu'il convenait, en conséquence, afin d'assurer la pérennité du système, de migrer vers un nouveau système électronique ; que, cependant, la société Vert Marine n'a pas donné suite à l'offre de son fournisseur ; qu'il résulte également de la lettre du 24 janvier 2013 qu'au terme de la convention, les casiers informatiques ne pouvaient plus être remis en état en prolongeant le système des cartes portier V3 qui avaient cessé d'être commercialisées, ainsi qu'il avait été annoncé, et que le bon fonctionnement du système imposait le passage à une nouvelle génération de système informatique ; que, dès lors, la somme de 2 346,55 euros réclamée au titre de la fourniture d'un kit de migration par la société informatique Suffixe ne correspondait pas à une amélioration de l'existant commandée par la communauté d'agglomération du Boulonnais postérieurement à la fin des relations contractuelles, mais à une mise à niveau du système de gestion informatisé des casiers dont la réalisation avait été différée par la société Vert Marine, et qui, à la date de la remise des équipements, s'imposait comme la seule solution possible ; que, dès lors, la société Vert Marine n'est pas fondée à faire opposition à cette autre partie de l'état exécutoire et à demander la décharge de cette somme ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Vert Marine tendant à faire opposition à l'état exécutoire doivent être rejetées ;
Sur la demande reconventionnelle de la communauté d'agglomération du Boulonnais tendant à la condamnation de la société Vert Marine à verser la somme de 5 134,24 euros assortie des intérêts au taux légal et à leur capitalisation :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que les conclusions de la société contre les titres exécutoires ont été rejetées ; que, par suite, il n'y a pas lieu de prononcer la condamnation au même montant présenté à titre reconventionnel et subsidiaire ;
13. Considérant que la communauté d'agglomération du Boulonnais soutient sans être sérieusement contredite avoir également subi un préjudice du fait de l'écoulement du temps dès lors que l'opposition à l'état exécutoire a fait obstacle au recouvrement forcé de la créance ; que la communauté d'agglomération du Boulonnais ne soutient d'ailleurs pas avoir supporté d'autre préjudice que celui qui peut être réparé par l'octroi d'intérêts moratoires ; qu'elle est donc fondée à demander que la somme de 5 134,24 euros porte intérêts au taux légal, non pas à compter de la date d'émission de l'état exécutoire, mais à compter du 6 novembre 2012, date non contestée de sa notification à la société Vert Marine ;
14. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par un mémoire enregistré le 20 février 2014 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que les intérêts devront être ensuite capitalisés à chaque échéance annuelle à partir de cette date ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que, la communauté d'agglomération du Boulonnais n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Vert Marine ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Vert Marine la somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération du Boulonnais sur le fondement de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 28 octobre 2014 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : La société Vert Marine est condamnée à verser la somme de 5 134,24 euros à la communauté d'agglomération du Boulonnais. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2012. Les intérêts échus au 20 février 2014 seront capitalisés puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : La société Vert Marine versera à la communauté d'agglomération du Boulonnais la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de première instance et d'appel de la société Vert Marine et le surplus des conclusions de la communauté d'agglomération sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vert Marine et à la communauté d'agglomération du Boulonnais.
Délibéré après l'audience publique du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 décembre 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°15DA00014 2