Par une requête, enregistrée le 9 avril 2015, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement dans la mesure des annulations prononcées ;
2°) de rejeter, dans la même mesure, la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- la décision refusant un délai de départ volontaire est fondée sur les dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation suffisantes justifiant qu'il ne soit pas ordonné son placement en rétention administrative.
La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties on été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, né le 13 mars 1991, après avoir été interpellé par les services de la police nationale le 9 janvier 2015, a fait l'objet le même jour d'un arrêté par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et ordonné son placement en rétention administrative ; que, par un jugement du 14 janvier 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 9 janvier 2015 refusant d'accorder un délai de départ volontaire et portant placement en rétention administrative et a rejeté le surplus des conclusions de M. B...; que le préfet du Nord relève appel de ce jugement dans la mesure des annulations prononcées ;
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier que M.B..., ressortissant marocain né le 13 mars 1991, déclare être entré en France en janvier 2011 ; qu'il a été interpellé par les services de police de Lille le 9 avril 2015 afin de vérifier son droit au séjour ; qu'au cours de son audition, il n'a pu justifier de son entrée régulière sur le territoire français, ni de la possession d'un titre lui permettant de s'y maintenir ou, à tout le moins, d'avoir entamé les démarches tendant à la régularisation de son droit au séjour depuis son arrivée en France ; que, dans ces conditions, et en l'absence de circonstance particulière, le risque de fuite était réputé établi pour l'application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet du Nord a pu légalement refuser un délai de départ volontaire ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant la juridiction administrative ;
5. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté que le préfet du Nord a énoncé les raisons de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision de refus de départ volontaire ; que par suite le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
6. Considérant que M. B...s'est prévalu devant le tribunal de divers moyens à l'appui de l'exception d'illégalité qu'il a soulevée à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;
7. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 29 septembre 2014, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à M. A...C..., adjoint au directeur de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Nord, aux fins de signer, notamment, la décision attaquée ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait propres à la situation personnelle de M. B...sur lesquelles le préfet du Nord a entendu fonder sa décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que M. B...n'ayant pas, à la date de l'arrêté attaqué, contracté mariage ou un pacte civil de solidarité, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur de fait en indiquant qu'il était célibataire, et ce, alors même que l'intéressé s'est prévalu d'une relation durable avec une ressortissante française ;
10. Considérant, en dernier lieu, que M. B...déclare être arrivé en France en janvier 2011, y avoir exercé un emploi depuis un an et demi et avoir entretenu une relation avec une ressortissante française avec qui il aurait un projet de mariage ; qu'il ne justifie cependant pas du caractère stable et durable de sa relation ni avoir désormais le centre de ses intérêts en France ; qu'il n'est pas, en outre, dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt ans ; qu'enfin, la circonstance qu'une partie de sa famille séjournerait en Italie est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'ainsi, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, le préfet du Nord n'a pas, en prononçant la décision attaquée, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a pas ainsi été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision refusant un délai de départ volontaire à M.B... ainsi que, par voie de conséquence, celle prononçant le placement en rétention administrative contenu dans le même arrêté ;
Sur la légalité du placement en rétention administrative :
12. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 à 10, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte et, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, doivent être écartés ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...justifie d'un passeport en cours de validité jusqu'au 4 août 2019 et a déclaré, lors de son audition, une adresse fixe à Fresnes-sur-Escaut où il réside avec une ressortissante française ; que toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 2, le risque de fuite doit être regardé comme établi dès lors que l'intéressé, entré irrégulièrement en France en janvier 2011 selon ses déclarations, n'avait pas cherché, à la date de l'arrêté attaqué soit quatre ans après son arrivée, à régulariser sa situation administrative auprès des services préfectoraux ; qu'en outre, la relation avec la ressortissante française ne présentait pas de caractère suffisamment certain ou durable même s'il alléguait avoir un projet de mariage avec elle ; que, dans ces conditions et alors même qu'il ne s'était pas déjà soustrait à la mise en oeuvre d'une précédente mesure d'éloignement faute d'avoir été jusque-là interpellé ou d'avoir fait l'objet d'un refus de titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier que les garanties de représentation soient, en l'espèce, telles que tout risque de fuite puisse être écarté et qu'une mesure d'assignation à résidence aurait été suffisante ; que, par suite, en ordonnant le placement en rétention administrative de M. B...par l'arrêté du 9 janvier 2015 qui est suffisamment motivé sur ce point, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; qu'il en résulte que ce dernier est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision prononçant le placement en rétention administrative de M. B... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 avril 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a annulé les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire et plaçant M. B...en rétention administrative, contenues dans l'arrêté du préfet du Nord du 9 janvier 2015.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision refusant un délai de départ volontaire et la mesure de rétention administrative contenues dans le même arrêté du 9 janvier 2015 du préfet du Nord sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 4 février 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 février 2016.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : I.GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier
Isabelle Genot
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N°15DA00588 6