Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2015, M. A...C..., représenté par la SCP Caron, Daquo, Amouel, B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une admission provisoire au séjour en vue de procéder à l'examen de sa demande d'asile, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle désigne à la fois les autorités belges et les autorités hongroises comme responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de base légale dès lors qu'elle est fondée sur le règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, lequel avait été abrogé à la date de l'arrêté attaqué ;
- elle indique qu'aucun des recours n'a d'effet suspensif, en violation des dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le préfet aurait dû faire application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
Par un mémoire, enregistré le 5 novembre 2015, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une lettre du 16 décembre 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à venir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de la substitution du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 comme base légale de la décision du préfet de l'Oise ordonnant la remise de M. C...aux autorités belges.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant la SCP Caron, Daquo, Amouel,B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. / Il est applicable aux demandes de protection internationale introduites à partir du premier jour du sixième mois suivant son entrée en vigueur et s'appliquera, à compter de cette date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite. La détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite avant cette date se fait conformément aux critères énoncés dans le règlement (CE) n° 343/2003 (...) " ;
2. Considérant que le règlement du 26 juin 2013, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 29 juin 2013, est entré en vigueur le 19 juillet 2013 ; qu'il résulte des dispositions citées au point précédent que ce règlement s'applique aux demandes de protection internationale et aux requêtes aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs introduites à compter du 1er janvier 2014 ; que les autorités françaises ayant saisi les autorités belges d'une demande de prise en charge le 16 mai 2014, le règlement était applicable à la demande de M.C... ;
3. Considérant que l'arrêté préfectoral en litige du 13 juin 2014 ne vise que le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 ; qu'il ressort de la motivation de cette décision qu'en saisissant les autorités belges, le préfet de l'Oise a effectivement entendu faire application de ce texte, et notamment de son article 19 ; que, par suite, en se fondant sur des dispositions d'un règlement qui n'était plus applicable à la situation de M. C... à la date à laquelle il a pris la décision de remise contestée, le préfet de l'Oise a méconnu le champ d'application de ce texte ;
4. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., qui a sollicité une demande d'asile auprès des autorités belges le 17 juillet 2012, entre dans les cas où le préfet peut procéder à la remise d'un demandeur d'asile à l'Etat responsable du traitement de cette demande en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...n'aurait pas en l'espèce disposé des garanties que comporte l'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que la cour, par lettre du 16 décembre 2015, a informé les parties, qui n'ont pas présenté d'observations sur ce point, qu'elle était susceptible de procéder à une substitution de base légale ; qu'il y a donc lieu de considérer que la décision de remise de M. C...aux autorités belges trouve son fondement légal dans le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui doit être substitué au règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 ;
6. Considérant que si M. C...soutient que la mesure de réadmission prise par le préfet en application des dispositions des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait être contestée par la voie d'un recours suspensif de plein droit, en méconnaissance de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il résulte des dispositions des articles L. 531-1 et L. 531-2 que la mesure de réadmission prise à l'égard d'un demandeur d'asile en application du règlement communautaire du 26 juin 2013, qui a pour objet de faire prendre en charge l'intéressé par un autre Etat membre, ne peut être exécutée, comme il a été dit ci-dessus, qu'après que l'intéressé a été en mesure de présenter ses observations et d'avertir un conseil ou toute personne de son choix ; que cette mesure, qui peut être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, peut, en outre, faire l'objet d'une demande de suspension ordonnée par le juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ou de toute mesure ordonnée sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code ; que, par suite, les dispositions applicables ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
7. Considérant que si le requérant soutient que le préfet aurait dû faire application de la clause discrétionnaire du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations ;
8. Considérant que si le quatrième paragraphe de la décision attaquée fait état d'une remise aux autorités hongroises, il résulte sans la moindre ambigüité des deuxième et troisième paragraphes, confirmés sur ce point par les différents courriers adressés à M.C..., que l'administration a en réalité entendu le remettre aux autorités belges ; que , par suite, cette erreur de plume est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être écartées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me D...B....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 février 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01471 2