Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2020, Mme B..., représentée par Me C... D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros au profit de la Me D..., qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, est née le 31 décembre 1961 et déclare être entrée en France le 27 décembre 2016, munie de son passeport revêtu d'un visa de type C délivré par les autorités consulaires françaises à Alger et valable du 16 août 2016 au 11 février 2017. La requérante a sollicité le 2 novembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 24 avril 2019, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Elle interjette appel du jugement du 9 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. " Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement (le demandeur) ou par un médecin praticien hospitalier inscrit au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêt mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'avis émis le 16 avril 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte la mention qu'il a été rendu au terme d'un délibéré, cette mention faisant foi quant au caractère collégial de la délibération en cause et, d'autre part, que le rapport de saisine a été rédigé par le docteur Vanderhenst qui ne siégeait pas au sein du collège médical. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Nord, qui fait mention d'éléments circonstanciés relatifs à sa situation personnelle et familiale, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de Mme B... doit être écarté, ensemble le moyen tiré du défaut de motivation, l'arrêté litigieux énonçant de manière suffisante les considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
6. L'avis émis le 16 avril 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système en Algérie, qu'elle peut y bénéficier d'un traitement approprié. Or, en se bornant à produire un certificat médical en date du 6 avril 2019 faisant la liste des pathologies " qui nécessitent un traitement régulier pour certaines ", et un certificat du 7 septembre 2019, au demeurant postérieur à la décision attaquée, faisant état de ses pathologies articulaires, Mme B... n'établit pas l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à ces pathologies dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiales, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
8. En l'espèce, si Mme B... soutient qu'elle a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est veuve et sans charge de famille sur le territoire français où elle ne résidait que depuis deux ans et demi à la date de la décision attaquée. Si elle invoque la présence de nombreux membres de sa famille, elle n'établit ni leur qualité, ni l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec eux, en se bornant à en donner une liste assortie de la photocopie de leurs documents d'identité. Elle n'est en outre pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans et où résident encore ses parents. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, par suite, être écarté, ensemble le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Nord quant aux conséquences de la décision litigieuse sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision refusant un titre de séjour, a été adoptée à l'issue d'un examen particulier des circonstances de l'espèce.
10. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, qu'il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation pour les motifs énoncés aux points 2 à 8.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. En se bornant à soutenir qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies en cas de retour dans son pays d'origine, Mme B... n'établit pas que la décision fixant le pays de renvoi, qui a été adoptée à l'issue d'un examen particulier des circonstances de l'espèce, méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2019 du préfet du Nord. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C... D....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
N°20DA00572 2