Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2021, M. B... représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 20 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, ce, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au profit de Me Lepeuc, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B..., ressortissant marocain né le 7 septembre 1990, est entré en France le 10 janvier 2018 muni d'un visa long séjour en qualité de conjoint de français valable du 8 janvier 2018 au 8 janvier 2019. Le 4 octobre 2018, est née A... de son union avec une ressortissante française qu'il a épousée au Maroc le 29 mai 2017 et dont il s'est séparé en avril 2018. Le 5 décembre 2018, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de père d'un enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 avril 2020, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le Maroc comme pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 2 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
En ce qui concerne la décision portant refus d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du même code auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, ainsi qu'il sera dit au point 3, M. B... ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un vice de procédure doit, par suite, être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / (...) ". Si M. B... est père d'une enfant de nationalité française, née le 4 octobre 2018 sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est séparé de la mère avant sa naissance, en est divorcé depuis le 2 juillet 2019 et que cette dernière s'est vu confier exclusivement l'autorité parentale. S'il soutient vouloir participer à l'entretien et l'éducation de sa fille, en se bornant à produire des photographies, ainsi que deux attestations de sa compagne actuelle, il ne l'établit pas. Il ne justifie pas davantage, par les seules pièces qu'il fournit, avoir été empêché d'exercer son rôle de père en raison du comportement de son ex-épouse, ni même avoir contesté ainsi qu'il le soutient, le jugement de divorce en ce qui concerne ses droits à l'égard de son enfant. Dès lors, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
5. Ainsi qu'il a été dit, M. B... est entré en France le 10 janvier 2018 en qualité de conjoint d'une ressortissante française dont il s'est séparé en avril 2018 avant de divorcer en juillet 2019 et il n'établit pas entretenir de liens avec sa fille née le 4 octobre 2018 sur laquelle il ne dispose pas de l'autorité parentale. Il ne démontre par ailleurs aucune insertion particulière sur le territoire, sociale ou professionnelle et la relation qu'il a reconstruite avec une autre ressortissante française, et le fils de cette dernière dont il dit s'occuper, et avec lesquels il réside depuis septembre 2018, apparaît récente. En outre, M. B..., qui dispose de nombreuses attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et plusieurs membres de sa fratrie, et où il a vécu jusqu'à ses vingt-huit ans, a été condamné à deux reprises, le 23 novembre 2018 par le tribunal judiciaire d'Amiens pour des faits de conduite de véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique, et le 1er juillet 2020, par le tribunal correctionnel du Havre pour des faits de violence aggravée par deux circonstances, survenus avant la décision contestée, à huit mois d'emprisonnement assortis d'un sursis probatoire d'une durée de deux ans avec notamment l'interdiction d'entrer en contact avec la victime. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B....
6. En dernier lieu, aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. B... ne réside pas avec sa fille et n'établit pas entretenir avec elle une relation, ni contribuer effectivement à son entretien ni à son éducation. Dans ces conditions, la décision en litige, qui n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher cette enfant de connaitre son père, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif de Rouen, les moyens tirés de l'exception d'illégalité, de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, M. B... réitère devant la cour les moyens déjà soulevés devant le tribunal tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'il n'aurait pas déjà invoquées. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs [0]retenus à bon droit par les premiers juges.
11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment, que M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours.
12. En dernier lieu, pour les mêmes raisons qu'exposés aux points 4 à 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2020 du préfet de la Seine-Maritime. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Marie Lepeuc.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°21DA00221 3