Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me Romain Bodelle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison du harcèlement dont elle a été victime ;
3°) de condamner cet établissement à lui payer la somme de 460,71 euros au titre de la retenue indûment opérée sur sa prime de service pour l'année 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été recrutée en 1992 comme agent administratif contractuel par l'établissement public départemental pour l'accueil des handicapés adultes, devenu le 1er janvier 2015 l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie. Le 1er avril 1994, Mme B... a été titularisée dans le grade d'agent administratif puis promue au grade d'adjoint des cadres hospitaliers au 1er janvier 2011. A défaut d'avoir accompli la formation d'adaptation à l'emploi, préalable obligatoire à la titularisation dans ce grade, sa période de stage probatoire a été prorogée d'une année supplémentaire, Mme B... ayant été en définitive titularisée au 1er janvier 2013. Par une décision du 11 mars 2016, Mme B... a été placée en congé de longue maladie du 21 janvier 2015 au 20 janvier 2016, puis en congé de longue durée jusqu'au 20 juillet 2016. Estimant que sa maladie trouvait son origine dans le harcèlement moral dont elle estime avoir été victime au sein de l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie, Mme B... a sollicité, par courrier en date du 4 mai 2016, le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès du directeur de cet établissement. Cette demande a été implicitement rejetée. Par un jugement du 19 novembre 2019, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à voir condamner l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis en raison de ce harcèlement moral et à lui payer la somme de 460,71 euros au titre de la retenue indûment opérée sur sa prime de service pour l'année 2013.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. Mme B... fait valoir qu'à compter de l'année 2013, elle a subi les agissements du directeur de l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie qui a indûment modulé le montant de sa prime de service au titre de l'année 2013, baissé sa notation administrative pour l'année 2014, eu, à son égard, un comportement traumatisant lors d'un entretien du 20 janvier 2014 et annulé les congés qui lui avaient été accordés en l'obligeant à assister à une réunion relative à l'organisation de l'établissement, ces agissements étant à l'origine du syndrome anxio-dépressif qui ont justifié ses arrêts et congés maladie successifs.
5. S'agissant du montant de la prime de service attribuée à Mme B... au titre de l'année 2013, l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie a fait valoir devant les juges de première instance, sans être contredit par Mme B..., que la part discrétionnaire de cette prime, allouée à hauteur d'un cinquième par le directeur en fonction de l'engagement personnel de l'agent, n'avait pas été attribuée à Mme B... au motif, non contesté, que l'intéressée n'avait pas suivi la formation obligatoire d'adaptation à l'emploi malgré son engagement pris en ce sens, en méconnaissance de ses obligations statutaires.
6. S'agissant de la baisse de notation de Mme B... au titre de l'année 2014, il résulte également des affirmations de l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie devant les premiers juges, qui ne sont pas sérieusement contredites par Mme B..., que cette baisse est la conséquence de la reprise des missions et personnels du précédent employeur de Mme B..., par l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie qui a conduit à l'harmonisation des barèmes de notation appliqués aux deux établissements et que cette harmonisation a affecté l'ensemble des personnels des deux établissements, à la baisse pour certains et à la hausse pour d'autres. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette baisse de notation aurait revêtu un caractère discriminatoire. Il en est de même s'agissant de la note de service adressée à l'ensemble du personnel de l'établissement relative aux nécessités de réorganisation de services et ayant conduit à annuler temporairement des congés précédemment accordés.
7. S'agissant de l'attitude du directeur d'établissement au cours de l'entretien du 20 janvier 2014, sollicité par Mme B... elle-même afin de bénéficier d'un nouveau délai pour suivre sa formation d'adaptation à l'emploi, si Mme B... produit deux témoignages de collègues ayant constaté son émotion à la suite de cette entrevue, aucune de ces personnes n'a été le témoin direct des échanges entre l'intéressée et le directeur d'établissement et aucun élément de l'instruction ne permet d'établir que le directeur de l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie aurait, à cette occasion, tenu des propos excédant le cadre des rapports hiérarchiques.
8. Enfin, ainsi que l'ont relevé, à juste titre, les premiers juges, la seule circonstance que les expertises médicales des 5 mai 2015 et 14 janvier 2016 ont établi un lien entre le syndrome anxio-dépressif dont souffre la requérante et son environnement professionnel ne suffit pas à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral.
9. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 4 à 8 du présent arrêt, qu'aucun des évènements et agissements de la part du directeur de l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie, qui soit ne sont pas établis, soit étaient justifiés par le comportement professionnel de Mme B... ou par des considérations liées au fonctionnement du service, ne peut être regardé comme constitutif de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Dès lors, en l'absence d'agissements de harcèlement moral de la part de cet établissement susceptible d'engager sa responsabilité, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire.
En ce qui concerne la demande pécuniaire relative à la prime de service :
10. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 : " Dans les établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics dont la gestion économique et financière est retracée dans les comptes d'exploitation prévus au plan comptable et dont les recettes sont définies par la fixation de prix de journées remboursables par les régimes de sécurité sociale ou par l'aide sociale, les personnels titulaire et stagiaire ainsi que les agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel peuvent recevoir des primes de services liées à l'accroissement de la productivité de leur travail dans les conditions prévues au présent arrêté. (...) ". Et aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " La prime de service ne peut être attribuée au titre d'une année qu'aux agents ayant obtenu pour l'année considérée une note au moins égale à 12,5. L'autorité investie du pouvoir de nomination fixe les conditions dans lesquelles le montant de la prime varie proportionnellement aux notes obtenues sans qu'il puisse excéder 17 p. 100 du traitement brut de l'agent au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la prime est attribuée. / Pour tenir compte des sujétions journalières réelles, toute journée d'absence entraîne un abattement d'un cent quarantième du montant de la prime individuelle. "
11. Ainsi qu'il l'a été dit au point 5 du présent arrêt, Mme B... a vu baisser le montant de la prime de service allouée au titre de l'année 2013, au motif non contesté et exempt d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation, de la méconnaissance répétée de son obligation de suivre la formation d'adaptation à l'emploi requise pour son changement de grade. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande présentée sur ce fondement.
Sur les frais liés à l'instance :
12. L'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'établissement public départemental pour l'accueil du handicap et l'accompagnement vers l'autonomie.
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N°20DA00075