Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juin 2018, 22 octobre 2018, 14 novembre 2018, 17 mai 2019, et un mémoire récapitulatif enregistré le 6 février 2020, M. F..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, y compris en ce qu'il met à sa charge les frais d'expertise ;
2°) de condamner solidairement la commune de Vexin-sur-Epte et la société Soderef à lui verser une somme de 6 842 euros au titre de l'exhaussement d'un pare-vue ainsi que la somme de 2 217,60 euros au titre de la pose d'un caniveau à grille avec exutoire fermé ;
3°) de condamner solidairement la société Soderef et la société Viafrance Normandie à lui verser une somme de 1 677,12 euros au titre de la reprise de l'enduit sur le mur bahut ;
4°) à titre subsidiaire, si la responsabilité de la commune de Vexin-sur-Epte n'était pas engagée, de condamner le département de l'Eure au paiement desdites sommes ;
5°) d'enjoindre à la commune de Vexin-sur-Epte, ou à défaut au département de l'Eure, de procéder aux travaux d'enlèvement des pots de fleurs et de les remplacer par un autre dispositif anti-stationnement dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
6°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Vexin-sur-Epte, du département de l'Eure, de la société Soderef et de la Société Viafrance Normandie une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens et frais d'expertise.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant M. F..., et de Me D..., représentant la société Viafrance Normandie.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... F... est propriétaire d'une maison d'habitation sise 23, rue de la Norée à Vexin-sur-Epte. Au cours de l'année 2009, la commune de Berthenonville, devenue la commune de Vexin-sur-Epte, a eu pour projet de reconfigurer la rue de la Norée, voirie départementale, afin notamment d'enfouir certains réseaux et de sécuriser la circulation des piétons. M. F... interjette appel du jugement du 10 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Vexin-sur-Epte, le département de l'Eure, la société Viafrance Normandie et la société Soderef soient condamnés à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de dommages occasionnés à sa propriété résultant de la réalisation des travaux de reconfiguration.
Sur la responsabilité :
2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages permanents que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité à l'égard des victimes que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
3. M. F... soutient que les travaux de voirie réalisés en 2013 à proximité immédiate de sa propriété ont occasionné pour lui quatre types de désordres liés à la création d'une visibilité directe de sa propriété par les passants depuis le trottoir, à l'augmentation de l'arrivée des eaux sur sa parcelle, à la survenance d'une fissure sur le mur bahut à l'alignement, enfin, à la baisse de visibilité au sortir de sa propriété en raison de la pose de pots de fleurs par la commune. M. F..., qui a la qualité de tiers à l'égard des travaux publics, demande ainsi réparation de dommages liés à la réalisation des travaux de réfection de la voirie. Ces dommages présentant le caractère de dommages permanents de travaux publics, M. F... est tenu de démontrer le caractère anormal et spécial des préjudices qu'il invoque.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif de Rouen, qu'à la suite de la réalisation des travaux de réfection de la rue de la Norée, les trottoirs ont été recouverts d'un enrobé, alors qu'ils étaient auparavant enherbés, et surélevés de 16 à 19 centimètres. Toutefois, en se bornant à invoquer l'existence d'une vue sur sa seule véranda, alors qu'aucun élément n'est apporté quant à la situation antérieure aux travaux, que cette véranda est située à au moins douze mètres à l'intérieur de sa propriété, ainsi qu'il résulte des constatations du rapport d'expertise en date du 9 mars 2015, que la clôture partiellement occultante existant à la date de l'expertise s'élève le long de la propriété de 1,43 mètre à 1,75 mètre et, enfin, que la commune de Vexin-sur-Epte invoque sans contestation sérieuse le caractère peu passant de la voie en cause, M. F... n'apporte pas les éléments suffisants de nature à établir que le préjudice subi excèderait les sujétions que doivent, sans indemnisation, supporter les riverains de la voie publique et présenterait ainsi un caractère anormal.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les travaux de réfection de la voirie ont eu pour effet d'augmenter de 3,5 fois le volume d'eau s'écoulant sur la parcelle de l'intéressé en raison de l'augmentation de la pente de ruissellement et de l'imperméabilisation des trottoirs, auparavant enherbés, par la pose d'un enrobé. Ainsi, le rapport de l'expert indique que désormais, sur un laps de temps donné, 21,5 litres d'eau s'écoulent vers la propriété de l'intéressé. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise, et il n'est pas sérieusement contesté, que cet accroissement de l'arrivée d'eau en cas de précipitations s'infiltre dans le sol à l'issue d'un délai variable selon leur nature mais ne dépassant pas quelques heures. L'expert n'évoque à aucun moment un risque d'inondation de la propriété de M. F..., qui n'établit au demeurant pas la réalité d'un tel risque en se bornant à produire des photographies n'illustrant pas ses allégations. Par suite, M. F... ne démontre pas que les travaux litigieux seraient à l'origine d'un préjudice anormal résultant de l'écoulement des eaux de pluie sur sa parcelle.
6. En troisième lieu, si le requérant soutient que la réalisation des travaux de réfection de la voirie a eu pour effet de faire apparaître des fissures sur le mur bahut, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence de réalisation d'un état des lieux antérieur aux travaux, l'origine des fissures ne peut être certaine. Dans ces conditions, M. F... n'établit pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la réalisation des travaux litigieux et l'apparition des fissures sur le mur bahut.
7. En dernier lieu, le requérant soutient que l'installation des pots de fleurs volumineux le long du trottoir de sa propriété par la commune de Vexin-sur-Epte afin d'empêcher le stationnement de véhicules diminuerait la visibilité lorsqu'il quitte son domicile en véhicule. Toutefois, ces éléments de mobilier urbain, non fixés au sol, ne constituant pas un ouvrage public, M. F... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Vexin-sur-Epte sur le fondement de la responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics. Il lui appartient, s'il s'y croit fondé, de demander au maire de la commune de Vexin-sur-Epte, qui au demeurant déclare dans ses écritures ne pas s'y opposer, de faire usage de ses pouvoirs de police de la circulation en vue de la dépose des pots en cause et de leur remplacement par un dispositif moins gênant.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par le département de l'Eure et la société Soderef, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Enfin, le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation, les appels en garantie présentés par les parties défenderesses sont sans objet.
En ce qui concerne les frais d'instance :
9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagée entre les parties (...) ".
10. C'est à bon droit que le tribunal administratif de Rouen a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 982,39 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de M. F....
En ce qui concerne les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vexin-sur-Epte, du département de l'Eure, de la société Soderef et de la société Viafrance Normandie, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. F..., une somme de 500 euros au titre des frais exposés respectivement par la commune de Vexin-sur-Epte, le département de l'Eure, la société Soderef et la société Viafrance Normandie et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : M. F... versera à la commune de Vexin-sur-Epte, au département de l'Eure, à la société Soderef et à la société Viafrance Normandie, chacun, une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à la commune de Vexin-sur-Epte, au département de l'Eure, à la société Soderef et à la société Viafrance Normandie.
N°18DA01229 2