Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, la commune de Bihorel, représentée par Me D... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 482 033,80 euros, à parfaire, en indemnisation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les services de l'Etat ont commis une faute en omettant de signaler que, contrairement aux informations figurant dans les documents envoyés pour avis, la commune issue de la fusion ne pourrait bénéficier de l'aide de l'Etat prévue par les dispositions de l'article L. 2335-4 du code général des collectivités territoriales ;
- la responsabilité de l'Etat est également engagée en raison de la promesse non tenue du bénéfice de cette aide ;
- la perspective de l'obtention de cette aide a été un élément déterminant qui l'a conduite à initier la procédure de création de commune nouvelle et l'erreur commise par l'Etat a été de nature à tromper les élus sur les conséquences de leur choix ;
- cette faute est à l'origine d'une perte de chance, pour le conseil municipal, de prendre une autre décision ;
- elle établit un préjudice direct lié au coût des moyens humains et financiers mis en oeuvre pour organiser le processus de rapprochement avec la commune de Bois-Guillaume, puis le processus de séparation à la suite de l'annulation de la création de la commune nouvelle, ainsi qu'un préjudice résultant des investissements réalisés par la commune nouvelle dans la perspective de l'aide financière accordée.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 ;
- la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les communes de Bihorel et Bois-Guillaume ont confié à un cabinet de consultants, au mois de juin 2009, la réalisation d'une étude relative à l'analyse des enjeux et des conséquences d'un rapprochement entre les deux communes. A l'issue de cette étude, dont les différentes étapes ont été communiquées aux services de l'Etat, les communes ont, par deux délibérations du 4 juillet 2011, demandé au préfet de la Seine-Maritime la création d'une commune nouvelle issue de leur rapprochement sur le fondement des dispositions nouvellement introduites par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Par un arrêté du 29 août 2011, le préfet de la Seine-Maritime a créé, à compter du 1er janvier 2012, la commune nouvelle Bois-Guillaume - Bihorel. Cet arrêté a été annulé, à compter du 31 décembre 2013, par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 18 juin 2013. La commune de Bihorel interjette appel du jugement du 30 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant, d'une part, de la promesse non tenue par l'Etat d'accorder à la commune nouvellement créée de Bois-Guillaume - Bihorel une aide financière et, d'autre part, de la fourniture d'informations erronées par l'Etat sur la possibilité pour la commune nouvellement créée de bénéficier de ladite aide, qui l'ont conduite à engager des frais afin de mener cette procédure, à réaliser des investissements, notamment pour l'harmonisation du régime indemnitaire des agents, puis à engager de nouveau des frais pour procéder à la séparation des communes, en exécution du jugement du 18 juin 2013.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. La commune de Bihorel a fait parvenir, pour avis, au préfet de la Seine-Maritime, la version de l'étude du cabinet de consultants en date du 9 juillet 2010 réalisée dans le cadre du projet de rapprochement avec la commune de Bois-Guillaume. Cette étude faisait état des discussions parlementaires en cours relatives au projet de loi devant aboutir à l'adoption de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, en indiquant qu'il convenait d'échanger avec la direction générale des collectivités territoriales sur la pérennité de l'aide financière de l'Etat accordée aux communes fusionnant sous l'empire de la loi du 16 juillet 1971. La circonstance que ni le préfet de la Seine-Maritime, ni les services de la direction générale des finances publiques, dans leurs courriers des 21 septembre et 20 octobre 2010, n'aient informé le maire de la commune de Bihorel que les dispositions de l'article L. 2335-4 du code général des collectivités territoriales étaient susceptibles de ne pas s'appliquer aux communes nouvelles fusionnant sous le régime de la future loi dont le contenu était encore en discussion au Parlement, ne saurait par suite être regardée comme constituant la fourniture d'une information erronée ou la promesse de l'obtention de l'aide, et ne constitue dès lors pas une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.
3. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que la commune de Bihorel a transmis au préfet de la Seine-Maritime, dans le cadre du contrôle de légalité, la délibération du conseil municipal du 4 juillet 2011 décidant la création d'une commune nouvelle sur le territoire des communes de Bihorel et de Bois-Guillaume, et demandant au représentant de l'Etat de créer la commune nouvelle Bois-Guillaume - Bihorel au 1er janvier 2012. Cette délibération ne présente nullement, contrairement à ce que soutient la commune de Bihorel, l'obtention de l'aide financière perçue en application des dispositions de l'article L. 2335-4 du code général des collectivités territoriales comme l'élément ayant déterminé, à lui seul, le choix du rapprochement des deux communes, qui résulte au contraire d'une volonté de renouer avec une histoire commune -les deux communes n'en formaient qu'une jusqu'en 1892- et de traduire en droit l'importance factuelle des actions communes menées depuis plusieurs décennies au service de leurs populations. Dans ces conditions, la circonstance que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas, dans le cadre de son contrôle de légalité, indiqué à la commune de Bihorel que le bénéfice de l'aide de l'Etat en application dudit article ne pourrait être obtenu, ne saurait être regardée comme constituant une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard.
4. Il résulte en revanche de l'instruction que, dans son courrier du 26 octobre 2011, le directeur régional des finances publiques a, en donnant une estimation du montant total de l'aide sur la période 2012 à 2023, indiqué que " l'article L. 2335-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction actuellement en vigueur, prévoit en effet que l'Etat accorde une aide financière à la nouvelle commune pendant la période au cours de laquelle s'applique l'intégration fiscale progressive des taux des communes fusionnées " et que " la commune nouvelle (...) sera éligible à cette aide (...) ". La loi du 16 décembre 2010, dont l'article 25 dispose que : " Les communes fusionnées avant la publication de la présente loi demeurent ....
5. Si la commune de Bihorel demande, en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir ainsi subi, l'indemnisation des coûts relatifs à l'organisation de la fusion, ces dépenses trouvent leur origine dans les délibérations du conseil municipal des 20 décembre 2010 et 4 juillet 2011, et non dans le courrier du 26 octobre 2011, postérieur à l'arrêté du 29 août 2011 portant création de la commune nouvelle. Si elle sollicite par ailleurs l'indemnisation du préjudice lié aux conséquences matérielles et financières de l'annulation de cet arrêté par le tribunal administratif de Rouen, cette annulation aurait été prononcée même en l'absence de l'information erronée apportée aux conseillers municipaux sur l'aide financière de l'Etat, ainsi que l'a, à juste titre, estimé le point 6 du jugement attaqué dont il y a lieu, sur ce point, d'adopter les motifs. Enfin, en tout état de cause, et ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne résulte pas de l'instruction que le bénéfice de l'aide prévue à l'article L. 2335-4 du code général des collectivités territoriales ait constitué le seul motif ayant déterminé le choix de procéder à un rapprochement, quelle qu'en fût la forme juridique, avec la commune de Bois-Guillaume. Le défaut d'information apportée par les services de l'Etat sur l'impossibilité de percevoir l'aide en cause ne saurait ainsi être regardé comme à l'origine d'un préjudice pour la commune de Bihorel dont il n'est pas établi qu'elle aurait renoncé au processus de rapprochement pour cette seule raison. Dès lors, la commune de Bihorel n'établit pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les préjudices allégués et l'information erronée délivrée par les services de l'Etat dans le courrier du 26 octobre 2011. Ses conclusions indemnitaires ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bihorel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Bihorel est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bihorel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 8 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme C... B..., présidente de chambre,
- M. Julien Sorin, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2019.
Le président-rapporteur,
Signé : J. SORINLa présidente de chambre,
Signé : C. B...
La greffière,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°17DA01392