2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité soudanaise né le 18 mai 1993, a sollicité le bénéfice de l'asile le 15 janvier 2019. La consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités allemandes le 20 décembre 2017 en qualité de demandeur d'asile. La préfète de la Seine-Maritime a, le 18 janvier 2019, saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge, en application de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 2 février 2019. Par un arrêté du 5 février 2019, la préfète de la Seine-Maritime a ordonné le transfert de M. A... aux autorités allemandes. La préfète relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Pour annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné le transfert de M. A... aux autorités allemandes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a estimé que M. A... avait été accueilli par son frère en France, bénéficiaire de la protection subsidiaire et qu'ainsi, la préfète de la Seine-Maritime avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en décidant son transfert aux autorités allemandes. Toutefois, si M. A... a produit devant le premier juge une décision d'admission au séjour en qualité de réfugié de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 juin 2017, il n'établit pas que cette décision concernerait son frère, en l'absence de tout document relatif à cette parentalité, dès lors que cette décision concerne un dénommé Omar Mohamad Daout et que lors de l'entretien individuel relatif à sa demande d'asile, il avait déclaré que son frère s'appelait Mohamed A.... En outre, l'intéressé est célibataire et sans charge de famille. Par suite, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. La préfète de la Seine-Maritime est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, pour ce motif, annulé l'arrêté de transfert en litige.
3. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....
Sur la motivation de l'arrêté de transfert :
4. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. Doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un Etat membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13 du chapitre III du règlement.
6. L'arrêté en litige vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, énonce que les autorités allemandes ont été saisies le 18 janvier 2019 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé à la suite de la consultation du fichier Eurodac, et indique que les autorités allemandes, saisies en application de l'article 18-1 b), ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 2 février 2019. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 5 février 2019 en litige doit être écarté.
Sur les autres moyens :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel (...) ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien, que M. A... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, le 15 janvier 2019, selon des modalités permettant le respect de la confidentialité. En outre, l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien au sens des dispositions citées au point précédent, ainsi qu'il ressort des mentions en ce sens non contestées portées sur le compte-rendu de l'entretien. Par ailleurs, lors du dépôt de sa demande d'asile, le 15 janvier 2019, M. A... a déclaré qu'il comprenait la langue arabe. La préfète de la Seine-Maritime établit, par la production de la première page des brochures communes signée par l'intéressé, lui avoir remis les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " et le guide du demandeur d'asile, en langue arabe, langue qu'il a déclaré comprendre. En outre, lors de l'entretien individuel du 15 janvier 2019, dont, contrairement à ce qu'il soutient, le compte-rendu, qu'il a signé, lui a été remis, il a été assisté d'un interprète en langue arabe et il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Allemagne le 20 décembre 2017 et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il a, enfin, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause la portée de ces informations avant le 5 février 2019, date à laquelle la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités allemandes et de la possibilité de formuler des observations. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de transfert aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
10. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
11. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée et des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime, qui a procédé à un examen sérieux de l'ensemble de la situation de M. A..., a recherché notamment s'il y avait lieu de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 pour retenir la France comme Etat responsable de la demande d'asile de l'intéressé, qui est célibataire et sans attache familiale avérée en France. La circonstance alléguée, à la supposée établie, qu'il ait un frère en France qui aurait obtenu la qualité de réfugié n'est pas de nature à établir que la préfète aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de cet article.
12. En troisième lieu, M. A..., qui a déposé une demande d'asile en Allemagne, relève des articles 18 paragraphe 1 b) et 23 du règlement (UE) n° 604/2013. La préfète de la Seine-Maritime, qui a eu connaissance du résultat positif Eurodac le 15 janvier 2019, ainsi que cela résulte des mentions de la fiche décadactylaire Eurodac produite, produit la copie d'un courrier électronique du 18 janvier 2019 constituant la " réponse automatique accusant réception " de la demande de transfert de M. A... formulée au moyen de l'application " DubliNet " dans le cadre du règlement Dublin III. Ce document comporte la même référence FRDUB29930223632-760 que celle figurant sur le document émis par les services de la préfecture de la Seine-Maritime et destiné aux autorités allemandes, constatant " l'accord implicite et confirmation de reconnaissance de responsabilité " à la reprise en charge de M. A.... Par suite, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités dans le délai fixé par les dispositions précitées est établie ainsi que l'accord implicite de ces autorités.
13. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités allemandes n'est pas fondée et doit être rejetée.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement contesté doit être annulé et la demande de première instance de M. A... rejetée, ensemble ses conclusions d'appel en injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900648 du 19 mars 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
1
2
N°19DA00788