Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 septembre 2018, 18 juin, 9 juillet 2019 et 1er octobre 2020, la société Euronor, venant aux droits de la société Nord Pêcheries, représentée par le cabinet Briard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais et, ensemble, le titre de perception du 25 février 2013 ;
3°) de prononcer la décharge totale de la somme réclamée en application de la décision de la Commission européenne n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004 et du règlement (CE) n° 794/2004 du 21 avril 2004 ;
4°) d'ordonner le remboursement de cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation ;
5°) le cas échéant, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de la validité de la décision de la Commission européenne n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004 et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement n° 659/1999/CE du Conseil du 22 mars 1999 ;
- la décision n° 2005/239/CE de la Commission européenne du 14 juillet 2004 ;
- l'arrêt C-212/19 du 17 septembre 2020 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite des sinistres provoqués par le naufrage du pétrolier " Erika " le 12 décembre 1999 et par la tempête survenue les 27 et 28 décembre suivants, des mesures d'aide en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs des départements du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Atlantique, de la Vendée, de la Charente-Maritime et de la Gironde ont été mises en place par les autorités publiques. Le bénéfice de certaines de ces aides a par la suite été étendu à tous les pêcheurs et aquaculteurs français. Par une décision n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004, la Commission européenne, à qui ces mesures d'aides publiques avaient été notifiées le 21 juin 2000, a notamment déclaré que les allégements de charges sociales, pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000, et l'exonération de redevance domaniale pour l'année 2000 qui avaient été consentie en faveur des aquaculteurs des départements autres que les départements précités et les allégements de charges sociales bénéficiant aux pêcheurs pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000, n'étaient pas compatibles avec les règles issues du droit de l'Union européenne. Par la même décision, la Commission européenne a enjoint aux autorités françaises de recouvrer ces aides auprès de leurs bénéficiaires.
2. La SARL Euronor, venant aux droits de la société Nord Pêcheries, interjette régulièrement appel du jugement du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille rejetant son recours tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 25 février 2013 par le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais pour un montant de 193 513,92 euros et à la décharge de cette somme.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il résulte de l'instruction que, par une décision n° 411507 du 15 février 2019, Ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le Conseil d'Etat a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle tendant à savoir si les allègements de cotisations sociales dont ont bénéficié les entreprises concernées pouvaient être qualifiés d'aides d'Etat au sens des stipulations de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
4. Par un arrêt C-212/19 du 17 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne, répondant à cette question préjudicielle, a dit pour droit que la décision n° 2005/239/CE de la Commission, du 14 juillet 2004, concernant certaines mesures d'aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs, est invalide en tant qu'elle qualifie d'aide d'État incompatible avec le marché commun l'allègement des cotisations salariales accordé par la République française en faveur des pêcheurs pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000.
5. Il résulte de cet arrêt que l'aide perçue au titre de l'allègement des cotisions salariales par les entreprises bénéficiaires ne saurait être qualifiée d'aide d'Etat incompatible avec le marché commun et, par suite, ne saurait donner lieu à remboursement par les entreprises concernées. Le titre exécutoire litigieux, qui tend au remboursement des aides reçues à ce titre, est par suite dépourvu de fondement légal et doit être annulé.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Euronor est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Il ne résulte pas de l'instruction, alors que le recours dirigé contre le titre exécutoire litigieux avait un caractère suspensif en première instance, que la société Euronor ait reversé la somme de 193 513,92 euros. Les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné le remboursement de cette somme doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Euronor et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400672 du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille et le titre de perception du 25 février 2013, d'un montant de 193 513,92 euros, sont annulés.
Article 2 : La SARL Euronor est déchargée du paiement de la somme mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Euronor une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Euronor et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie pour information au directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais.
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N°18DA01885