Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 octobre 2017 et le 7 mars 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les observations de M. D...B..., chef du bureau du contentieux des étrangers à la préfecture du Pas-de-Calais, représentant le préfet du Pas-de-Calais.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République de Guinée (Conakry) née le 21 août 1998, est entrée irrégulièrement sur le territoire français en février 2017 et a présenté une demande d'asile en préfecture le 22 mai 2017. La consultation du système " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été relevées le 30 juillet 2016 par les autorités italiennes. Constatant l'accord tacite de ces autorités, saisies le 30 mai 2017 d'une demande de prise en charge, le préfet du Pas-de-Calais, par un arrêté du 24 août 2017, a prononcé le transfert de Mme A... vers l'Italie et l'a assignée à résidence. Il relève appel du jugement du 30 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Sur l'arrêté du 24 août 2017 :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si un Etat qui participe au système organisé par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doit être réputé respecter ce droit fondamental, également énoncé à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, une telle présomption peut être inversée lorsqu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le transfert de l'intéressé vers l'Etat considéré comme responsable de l'examen de sa demande l'exposerait à des risques réels de subir des traitements inhumains et dégradants. Il en va ainsi, en particulier, lorsque l'accueil des demandeurs d'asile présente dans cet Etat des défaillances systémiques impliquant des traitements inhumains ou dégradants, cas dans lequel la procédure de détermination de l'Etat responsable doit d'ailleurs être poursuivie en vertu des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du même règlement, ou lorsque ce risque apparaît au vu de la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile et de la situation particulière de vulnérabilité des personnes transférées. Il incombe, dans ce dernier cas, aux autorités de l'Etat membre qui prononce le transfert de recueillir auprès de l'Etat qui accepte la prise en charge ou la reprise en charge de l'intéressé toute garantie, notamment, de conditions d'accueil adaptées et, le cas échéant, de la préservation de l'unité familiale.
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier des documents émanant d'un intervenant du projet d'aide aux victimes de traite des êtres humains de l'association France terre d'asile et d'une éducatrice spécialisée, que MmeA..., âgée de dix-neuf ans à la date de la décision contestée, est la mère isolée d'une fillette qu'elle a mise au monde sur le territoire français le 19 février 2017, et qui était âgée de seulement six mois à la date de cette décision. Mme A... se trouvait ainsi avec son tout jeune enfant en situation de particulière vulnérabilité, alors même que ses déclarations sur le commerce sexuel, à l'origine de sa grossesse, dont elle aurait été victime lors de son voyage depuis la Guinée demeurent.imprécises Dans ces conditions, et compte tenu, par ailleurs, des données rendues publiques, notamment des éléments de faits relevés par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Tarakhel c. Suisse du 4 novembre 2014 (affaire n° 29217/12) sur les difficultés du dispositif italien à faire face, en raison de leur ampleur, aux besoins d'hébergement des demandeurs d'asile dans des conditions satisfaisantes, il appartenait au préfet du Pas-de-Calais, qui ne conteste pas avoir été informé par les services sociaux de la situation particulière de Mme A...et de son enfant, de recueillir auprès des autorités italiennes, préalablement à sa décision, toutes garanties d'un accueil adapté. En s'abstenant d'y procéder, le préfet du Pas-de-Calais a entaché sa décision d'un défaut d'examen.
4. Il résulte de tout de qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision prononçant le transfert de Mme A... vers l'Italie ainsi que, par voie de conséquence, sa décision prononçant l'assignation à résidence de l'intéressée, et a mis à la charge de l'Etat la somme la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
5. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Danset-Vergoten, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme réclamée de 800 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C... Danset-Vergoten, la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Pas-de-Calais, à Mme E... A...et à Me C...Danset-Vergoten.
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N°17DA02055