Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2018, M.A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 9 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 2 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de procéder à l'effacement de son signalement dans le fichier d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., se disant de nationalité nigériane, né le 15 juin 1988, entré régulièrement en France en 2011 ou 2012, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 7 mars 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 20 mai 2016 de la Cour nationale du droit d'asile. M. A...relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2017 du préfet du Calvados lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Si le requérant soutient que la décision en litige est insuffisamment motivée, ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision nouvelle en appel, a été à bon droit écarté par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.
3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger dispose en principe d'un délai de trente jours pour satisfaire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, ce délai pouvant toutefois être supprimé par décision de l'autorité administrative dans des cas limitativement énumérés ou être exceptionnellement prorogé eu égard à la situation personnelle de l'étranger. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 512-3 du même code : " L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi (...) ".
4. Ces dispositions, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu.
5. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
6. M. A...a été auditionné par un agent de la police nationale du commissariat de police de Caen le 2 novembre 2017 à la suite de son interpellation et a été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre, et invité à présenter ses observations sur ce point. Il a ainsi pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour et sur la perspective de son éloignement. Il n'est par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne.
7. Il ne résulte ni des motifs de cette décision, ni d'aucune autre pièce du dossier que la situation personnelle de M. A...n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation personnelle.
8. M. A...est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations, en 2011 ou 2012, à l'âge de vingt-trois ou vingt-quatre ans, et n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Il est célibataire et sans charge de famille et ne justifie, par ailleurs, d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière. Par suite, eu égard aux conditions de séjour de M.A..., le préfet du Calvados n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision en litige a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
9. Le requérant soutient que la décision en litige est insuffisamment motivée et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Ces moyens, qui ne sont assortis d'aucune précision nouvelle en appel, ont été à bon droit écartés par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.
10. Pour le même motif que celui retenu aux points 3 à 6, le moyen tiré de ce M. A...aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne, et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
Sur le pays de destination :
11. La décision contestée vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Elle est suffisamment motivée en fait, dès lors qu'elle mentionne la nationalité de M. A... et indique que l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément probant de nature à établir qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays. Elle n'a pas plus méconnu le droit de l'intéressé à être entendu, pour les motifs exposés aux points 3 à 6 du présent arrêt.
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
13. M. A...fait valoir qu'il serait menacé en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son refus d'appartenir à un groupe terroriste. Toutefois, il ne produit aucun élément nouveau probant de nature à établir qu'il encourrait des risques actuels et personnels en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Elle n'est pas davantage entachée, dans les circonstances de l'espèce, d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
15. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour, d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision, une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
17. La décision attaquée fait état de la persistance du séjour irrégulier de M. A... sur le territoire français depuis l'année 2011 ou 2012 et révèle l'absence de documents d'identité et de voyage. Elle mentionne également que la durée de l'interdiction de retour d'un an ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé se déclarant célibataire et sans charge de famille en France. Par suite, la décision attaquée comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.
19. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, la décision interdisant le retour de M. A...pendant un an ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie sera adressée au préfet du Calvados.
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N°18DA00897