Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2018, M.A..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord, notifié le 13 juin 2017, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de procéder, dans le même délai, à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour sous les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant ivoirien né le 1er mai 1999, est entré irrégulièrement en France en 2015, selon ses déclarations. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 22 septembre 2016 par une décision de la cour d'appel de Douai. Il a sollicité le 7 décembre 2016 la délivrance d'un titre de séjour. M. A...relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du préfet du Nord rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la compétence du signataire de l'acte attaqué :
2. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés lorsqu'ils ont fait l'objet d'une publication, alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier.
3. Par un arrêté du 15 novembre 2016, régulièrement publié, le lendemain, au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet de ce département a donné délégation à Mme E...D..., chef du bureau " éloignement et mesures administratives " de la préfecture, à l'effet de signer les décisions portant refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, les décisions relatives au délai de départ volontaire, et les décisions fixant le pays de renvoi. La délégation ainsi consentie à MmeD..., désormais chef du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, a été réitérée par quatre arrêtés des 31 janvier, 1er mars, 24 avril et 18 mai 2017, publiés les mêmes jours au recueil des actes administratifs de la préfecture. Ainsi, l'arrêté contesté, qui a nécessairement été signé entre le 7 décembre 2016, date à laquelle M. A... a signé sa demande de titre de séjour et le 13 juin 2017, date à laquelle il lui a été notifié, a été pris par une autorité compétente à cet effet.
Sur le refus du titre de séjour :
4. L'arrêté notifié à M. A...le 13 juin 2017 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de lui délivrer un titre de séjour et répond, ainsi, aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que cet arrêté ne mentionne pas l'ensemble des éléments factuels propres à la situation de l'intéressé, en particulier en ce qui concerne le détail de son parcours professionnel, n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée manque en fait.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. A...avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.
6. C'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a relevé que l'absence de date sur la décision attaquée, notifiée à l'intéressé le 13 juin 2017, était sans incidence sur sa légalité.
7. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
8. Lorsque le préfet examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
9. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui déclare être né le 1er mai 1999, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 22 septembre 2016. Dès son arrivée en France, compte tenu de son niveau initial en langue française, ne lui permettant pas de s'inscrire plus tôt dans une formation qualifiante, il a suivi des cours de français, préalable indispensable à l'accomplissement d'une formation qualifiante. Il a signé un contrat d'avenir, le 21 novembre 2016, d'une durée d'un an. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le contrat d'apprentissage signé le 14 octobre 2016 auprès du même employeur, qui n'a pas été enregistré par les autorités compétentes, se serait inscrit dans le cadre d'une formation en alternance effective. En outre, si M. A...soutient qu'aux termes de l'emploi d'avenir, ce parcours de formation se concrétise par une attestation de formation ou d'expérience professionnelle, une certification professionnelle reconnue, ou une validation des acquis de l'expérience, aucune preuve d'une quelconque attestation ou validation d'expérience professionnelle n'est apportée. Il ressort, en outre, de la lecture de la demande d'aide à l'emploi d'avenir que celui-ci n'avait pas vocation à aboutir sur une formation qualifiante mais à une adaptation au poste de travail, que la formation était externe, qu'il n'y avait pas de période de professionnalisation, qu'enfin, aucune action n'avait pour but de s'inscrire dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience. M. A...se borne à affirmer qu'il va entrer à terme dans une formation professionnalisante, alors que l'article L. 313-15 précité impose d'être inscrit, à la date des décisions litigieuses, depuis au moins six mois, dans une formation destinée à apporter une qualification professionnelle. De plus, il ne produit aucun élément nouveau, ni même la preuve d'une inscription pour l'année 2016-2017 à une formation, en ne versant qu'une candidature au CAP serrurerie métallerie pour l'année 2016-2017, indiquant qu'il figurait seulement sur la liste d'attente. Il fournit des bulletins scolaires des 2ème et 3ème trimestres attestant une scolarisation pour l'année 2017-2018 qui sont, pour autant, sans incidence sur la légalité de la décision du préfet notifiée le 13 juin 2017, à laquelle ils sont postérieurs. Par suite, en refusant de délivrer, à titre exceptionnel, une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " à M.A..., le préfet du Nord n'a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur manifeste d'appréciation.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".
11. Lorsque le préfet est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce même code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a formé, le 7 décembre 2016 une demande de titre de séjour sur le fondement du seul article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en souscrivant sa demande sur un formulaire réservé aux jeunes étrangers confiés à l'aide sociale à l'enfance. Il ne peut, dès lors, pas utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code, sur le fondement desquelles le préfet n'a pas examiné d'office sa demande. Il en va de même des dispositions de l'article L. 313-10.
12. M. A...est célibataire, sans enfant à charge. En outre, il est entré sur le territoire français un peu plus d'un an seulement avant l'édiction de la décision contestée. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel résident, selon ses propres déclarations, son père et son frère. M. A...n'établit pas non plus avoir noué des liens d'une particulière intensité en France, ni être dans l'impossibilité de poursuivre son projet professionnel dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. A...sur le territoire français, l'arrêté du préfet du Nord n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et, ainsi, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il ne ressort, enfin, pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A...en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
14. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour. En application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, également mentionné dans l'arrêté, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit, dès lors, être écarté.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 13, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette mesure serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'un titre de séjour.
16. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet du Nord dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M.A....
Sur le délai de départ volontaire :
18. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en impartissant à M. A..., pour quitter la France, le délai de départ volontaire de droit commun de trente jours prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'intéressé ne justifie d'une inscription à la préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle que pour l'année scolaire 2017-2018, postérieure à la décision contestée, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
19. L'arrêté contesté vise le I de l'article L. 511-1, ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet a suffisamment motivé en fait sa décision en mentionnant la nationalité du requérant et en précisant que la décision ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.
20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 17, que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
21. Il ne résulte pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait procédé à un examen insuffisant des risques auxquels M. A... serait exposé en cas de retour dans son pays, compte tenu des éléments qui lui étaient soumis. L'intéressé n'apportant à cet égard aucun élément probant, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en annulation de la décision du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 31 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M.A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
6
N°18DA00472