Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, M.B..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 7 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de prendre en charge sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité guinéenne, né le 1er janvier 1999, entré en France le 24 novembre 2017 selon ses déclarations, a déposé le 1er février 2018 auprès du préfet du Nord une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Les contrôles effectués par les services de la préfecture, en particulier la consultation du fichier " Eurodac ", ont révélé que l'intéressé avait été identifié en Italie le 25 juillet 2016 sous le numéro IT1EN0058P. Le préfet du Nord a, le 22 février 2018, saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge, en application de l'article 18.1 b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 8 mars 2018. Par un arrêté du 10 avril 2018, le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes. M. B...relève appel du jugement du 7 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'État responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. /L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément (...) ". Aux termes de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les États membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central (...) ". Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 (...) ".
3. Si M. B...fait valoir qu'il a sollicité l'asile avant le 1er février 2018, il n'établit cependant pas avoir présenté une demande d'asile aux autorités compétentes au sens des dispositions précitées de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant cette date. En outre, il est constant que sa demande a été enregistrée par le préfet du Nord à cette date. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du délai de trois jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manque en fait et doit être écarté. Par ailleurs, le préfet a obtenu le même jour de la direction de l'asile du ministère de l'intérieur, le résultat des recherches entreprises sur le fichier Eurodac à partir du relevé décadactylaire du requérant, dont il ressort que ce dernier a été identifié comme demandeur d'asile en Italie à la date du 25 juillet 2016. Il ressort de cette réponse de la direction de l'asile du ministère de l'intérieur que ce résultat a été obtenu à partir du relevé décadactylaire établi également le 1er février 2018. Le moyen tiré de ce que le préfet du Nord n'aurait pas respecté le délai de soixante douze heures fixé par les dispositions précitées de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit également être écarté comme manquant en fait. Enfin, il est constant que le préfet a adressé le 22 février 2018 une demande de reprise en charge de M. B...aux autorités italiennes, soit dans le délai imparti par les dispositions précitées de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013.
4. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
5. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
6. Si M. B...fait valoir qu'il vit avec une ressortissante française enceinte de ses oeuvres depuis le 23 décembre 2017, il n'établit pas en avoir fait état auprès du préfet, notamment lors de l'entretien individuel qui s'est déroulé le 1er février 2018, ni même ultérieurement. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet du Nord, qui a notamment estimé que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M.B..., se déclarant célibataire et sans enfant, ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement précité, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressé alors même qu'elle n'en était pas responsable. Enfin, la circonstance que la compagne de M. B...fût enceinte à la date de la décision attaquée n'est pas, à elle seule, de nature à lui conférer un droit à ce que cette demande soit examinée par la France. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale n'a pas apprécié la possibilité d'examiner sa demande d'asile, ni qu'elle aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
7. Comme cela a été dit au point 6, M. B...s'est déclaré célibataire et sans enfant lors de l'enregistrement de sa demande d'asile le 1er février 2018 et n'a pas fait état auprès du préfet de sa vie commune avec une ressortissante française, enceinte depuis le 23 décembre 2017. En tout état de cause, la vie commune alléguée est récente à la date de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°18DA01224