Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2015, la société Mea Real Estates Ltd, représentée par Me F...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 mars 2015 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de période du 1er janvier au 31 décembre 2009, de la taxe sur les véhicules de sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités au taux de 80 % dont ont été assorties ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ne lui a pas communiqué les documents obtenus auprès de tiers et dont elle a demandé la communication ;
- l'administration fiscale ne lui a pas permis de soumettre son litige à l'appréciation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne la pénalité de 80 % dont ont été assorties les impositions mises à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues ;
- les impositions ayant été établies régulièrement selon la procédure de taxation d'office, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'avait pas à être saisie ;
- la proposition de rectification est suffisamment motivée en ce qui concerne les pénalités.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la société Mea Real Estates Ltd, dont le siège social est à Londres (Royaume-Uni), exerce une activité de vente d'investissements immobiliers locatifs ; que sur le fondement d'informations recueillies dans le cadre de l'exercice de son droit de visite et de saisie, de l'assistance administrative internationale puis d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que cette société disposait d'un établissement stable en France situé en dernier lieu à l'adresse personnelle de M B...A..., maître de l'affaire, à Arras ; que la société Mea Real Estates Ltd n'ayant déposé aucune déclaration fiscale à raison de l'activité de cet établissement, l'administration fiscale a mis à sa charge, par voie de taxation d'office, une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009, ainsi que la taxe sur les véhicules de sociétés au titre de la même année ; que la société Mea Real Estates Ltd relève appel du jugement du 12 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de période du 1er janvier au 31 décembre 2009, de la taxe sur les véhicules de sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités au taux de 80 % dont ont été assorties ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que, lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés ; qu'il en va ainsi alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur ; que, lorsque le contribuable le demande, la copie de ces documents doit lui être transmise, sauf si leur nature ou leur volume nécessite une communication sous forme de consultation dans les locaux du service ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société Mea Real Estates Ltd a présenté dans ses observations en réponse à la proposition de rectification, datées du 14 février 2011, une demande de communication de documents ; que par cette demande, la société requérante sollicitait la communication des documents " obtenus concernant la société Unic Partners visée dans la proposition de rectification du 26 janvier 2011 adressée à la société Mea Real Estates Ltd " sans toutefois n'identifier aucun document précis ; qu'il résulte également de l'instruction qu'en réponse à cette demande de communication, l'administration fiscale a adressé à la société requérante, par lettre modèle 3926 datée du 7 avril 2011 et reçue le 8 avril 2011, la copie de documents concernant la société Unic Partners obtenus lors d'opérations de visites domiciliaires, référencés 10562 et 10648, et qui étaient mentionnés dans la proposition de rectification du 26 janvier 2011 ; qu'à la suite de cette réponse, la société requérante n'établit, ni même n'allègue avoir formé une nouvelle demande de documents complémentaires ; que, dans ces conditions, alors que la société requérante se borne à alléguer que l'administration fiscale ne lui aurait pas communiqué les documents qu'elle avait sollicités sans indiquer quels seraient ces documents visés dans la proposition de rectification du 26 janvier 2011 qui ne lui auraient pas été adressés, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant entièrement satisfait à l'obligation de communication prévue par les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; que, par suite le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sont taxés d'office : (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; " ; que selon l'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) / 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ; " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Mea Real Estates Ltd, qui ne s'est jamais fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, n'a déposé, au titre de l'année 2009, aucune déclaration en matière d'impôt sur les sociétés, ni aucune déclaration en matière de taxe sur la valeur ajoutée, qu'elle a ainsi régulièrement fait l'objet d'une taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 2° et du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales précité ; que, dans ces conditions, la société Mea Real Estates Ltd ne pouvait demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Sur les pénalités :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ;
7. Considérant que la proposition de rectification notifiée à la société Mea Real Estates Ltd, vise l'article 1728 du code général des impôts et indique le taux et le montant des pénalités exigibles ; qu'elle expose de façon précise et détaillée la nature des manquements imputés à la société requérante, en indiquant notamment, que celle-ci ne s'est pas déclarée auprès d'un centre de formalités des entreprises ou auprès du greffe du tribunal de commerce, qu'elle n'a respecté ses obligations déclaratives, ni en France, ni en Grande-Bretagne et que ces manquements caractérisent au sens du 2ème alinéa de l'article 169 du livre des procédures fiscales, l'exercice d'une activité occulte ; qu'ainsi, les majorations appliquées sont, contrairement à ce que soutient la société Real Estates Ltd, suffisamment motivées au regard des dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Mea Real Estates Ltd n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Mea Real Estates Ltd est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mea Real Estates Ltd et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. G...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00801