Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2017, MmeC..., représentée par la SCP Hache Moreau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 13 octobre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Somme du 14 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante congolaise née le 10 avril 1970, est entrée en France, selon ses déclarations, en mai 2004 ; que sa demande d'asile a été définitivement rejetée en 2005 ; qu'elle s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter du 30 novembre 2009 après avoir conclu un pacte civil de solidarité avec un compatriote titulaire d'une carte de résident ; qu'un enfant est né de cette union le 19 août 2015 ; que leur pacte civil de solidarité a été dissous le 19 février 2016 ; que, par un arrêté 14 juin 2017, le préfet de la Somme a refusé à Mme C...de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ; que Mme C... relève appel du jugement du 13 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 juin 2017 ;
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
3. Considérant que l'enfant de Mme C...est né le 19 août 2015, alors que ses parents résidaient ensemble et l'avaient déclaré, de manière anticipée, dès le 27 février 2015 ; que Mme C...et M.B..., unis par un pacte civil de solidarité depuis le 25 janvier 2008, l'ont dissous de manière conjointe le 19 février 2016 ; qu'alors même que le père de l'enfant n'a procédé qu'à quelques versements d'argent limités, compte tenu de son impécuniosité, il ressort des pièces que M. B...a engagé en octobre 2017 une procédure devant le juge aux affaires familiales ; qu'en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance d'Amiens du 22 janvier 2018, M. B...s'est vu confier l'autorité parentale ainsi que la garde alternée de son fils ; que, si ce jugement est postérieur à l'arrêté attaqué, il doit être regardé comme révélant les liens qu'entretient le père avec son fils ; que l'exécution de l'arrêté aura pour effet de séparer l'enfant de son père, dont il n'est pas contesté qu'il réside durablement en France sous couvert d'une carte de résident valable jusqu'en 2025 ; que, dans ces conditions, l'arrêté qui aurait pour effet de séparer cet enfant de l'un de ses parents, porterait, dans les circonstances de l'espèce, atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que, par suite, il méconnaît les stipulations du 1) de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Somme délivre à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais liés au litige :
6. Considérant que, d'une part, Mme C...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme C...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du 13 octobre 2017 et l'arrêté du 14 juin 2017 du préfet de la Somme sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Somme de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Somme.
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N°17DA02116
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