Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2016, des pièces et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 23 mai 2016 et 26 décembre 2017, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 février 2014 par laquelle le conseil d'administration de Réseau ferré de France a décidé la fermeture de la section de ligne ferroviaire Serqueux - Arques-la-Bataille ;
3°) de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 ;
- le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) relève appel du jugement du 8 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2014 par laquelle le conseil d'administration de Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau, a décidé de la fermeture de la section de ligne ferroviaire Serqueux - Arques-la-Bataille.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi (...) de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". Aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable modifié notamment par la loi du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement : " I. Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration (...) ".
3. L'article 7 de la Charte de l'environnement, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel, ne concerne que les décisions susceptibles d'avoir une incidence directe et significative sur l'environnement. L'article L. 120-1 du code de l'environnement, qui a pour seul objet la mise en oeuvre du principe de participation énoncé à cet article, doit être interprété en conformité avec ce dernier. En reprenant le libellé de l'article 7 de la Charte de l'environnement et en supprimant à l'article L. 120-1 la mention, qui y figurait antérieurement, selon laquelle l'incidence de la décision sur l'environnement doit être " directe et significative ", le législateur a entendu donner le même champ d'application aux deux articles et non étendre celui de l'article L. 120-1. Il en résulte que la procédure de participation du public prévue à l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 27 décembre 2012, ne concerne que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l'environnement.
4. Pour faire valoir l'incidence de la décision en litige sur l'environnement au sens des dispositions citées aux points précédents, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports se borne à faire état de la longueur, d'une quarantaine de kilomètres, de la section de ligne ferroviaire concernée, et à évoquer, sans toutefois l'établir, l'impact des travaux de démontage de la voie ferrée sur la faune et la flore ainsi que le report des déplacements ferroviaires sur le trafic routier. Toutefois, ni ces éléments, à les supposer même établis, ni les autres pièces du dossier, ne permettent de regarder la décision de fermeture de la section de ligne concernée comme de nature, en elle-même, à présenter une incidence directe et significative sur l'environnement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 22 du décret du 5 mai 1997 dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque RFF envisage la fermeture d'une ligne ou d'une section de ligne, il soumet le projet de fermeture à la région compétente pour organiser les services ferroviaires régionaux de voyageurs sur la ligne ou la section de ligne en cause ou, le cas échéant, au Syndicat des transports d'Ile-de-France. La région ou le syndicat dispose d'un délai de trois mois pour faire connaître son avis. L'absence de réponse de l'organe délibérant dans ce délai vaut avis favorable. / (...) ".
6. La Fédération nationale des associations d'usagers des transports soutient que le dossier soumis par Réseau ferré de France à la région Haute-Normandie, en vue de recueillir son avis sur le projet de fermeture de la section de ligne en application des dispositions citées au point 5, était insuffisant pour lui permettre d'émettre un avis éclairé aux motifs, notamment, que ce dossier ne présente aucune donnée sur le potentiel de trafic sur cette section de ligne et ne spécifie ni qu'il s'agit d'une section de la ligne Paris - Dieppe, ni que la Société Nationale des Chemins de Fer Français a émis un avis défavorable au projet en 2001, ni que la section Gisors - Serqueux, qui appartient à la même ligne ferroviaire, sera prochainement électrifiée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce dossier de consultation, dont la composition n'est, au demeurant, pas fixée par les dispositions citées au point 5, comporte cinquante-deux pages dont une quinzaine de pages comportant une présentation de la procédure de fermeture de la ligne, une description de la ligne, des données socio-économiques, dont, en particulier, le profil socio-économique des douze communes traversées du point de vue de leur démographie et de leur économie, ainsi que les mêmes données concernant les communes de Dieppe, Rouxmesnil-Bouteilles et Arques-la-Bataille, des données sur le maillage du territoire, qui font notamment référence à la liaison avec Gisors et aux correspondances pour Paris en gare de Gisors, ainsi que des données sur les flux domicile-travail sur l'axe concerné et sur l'offre de transports collectifs, auxquelles s'ajoutent, en annexes, des tableaux statistiques, des figures, des plans, et des photographies. Il ressort également des pièces du dossier qu'au vu de ce dossier de consultation, la commission permanente de la région Haute-Normandie a rendu un avis circonstancié le 17 juin 2013, dont il ne ressort pas qu'elle se serait estimée insuffisamment informée sur le projet pour émettre son avis. Dès lors, le moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports soutient que les membres du conseil d'administration de Réseau ferré de France n'ont pas reçu une information suffisante sur le projet pour leur permettre de délibérer en toute connaissance de cause, au motif, notamment, que la notice qui leur a été transmise ne spécifie pas que la section en litige constitue une partie de la ligne Paris - Dieppe, ne fait pas état de l'avis défavorable au projet que la Société Nationale des Chemins de Fer Français a émis en 2001, n'indique pas que la section Gisors - Serqueux, qui appartient à la même ligne ferroviaire, sera prochainement électrifiée et qu'aucune donnée sur le potentiel de trafic sur cette ligne ne leur a été communiquée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la notice explicative transmise aux membres du conseil d'administration offre une description de la ligne et de la section concernée, précise que cette ligne a fait l'objet d'une reconversion en voie verte depuis 2003 et relate les principales étapes de la procédure à la suite des décisions de justice rendues. Au surplus, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les membres du conseil d'administration se seraient estimés insuffisamment informés, ni qu'ils auraient sollicité en vain des précisions ou explications sur le bien fondé de la proposition qui leur était soumise. Dès lors, le moyen doit être écarté.
8. En dernier lieu, contrairement à ce qu'allègue la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'une étude " prospective " sur l'intérêt que pourrait présenter à l'avenir la section de ligne ferroviaire en litige aurait dû être réalisée préalablement à la décision attaquée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité interne :
9. Tout d'abord, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'est concernée une section de la ligne Paris - Dieppe dont le potentiel de trafic est important, que la Société Nationale des Chemins de Fer Français a émis un avis défavorable au projet en 2001, que la section Gisors - Serqueux, qui appartient à la même ligne ferroviaire, a été remise à neuf en 2013 et sera prochainement électrifiée, et que le trafic est aujourd'hui déporté vers Rouen dont les capacités ferroviaires sont saturées. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'avis défavorable de la Société Nationale des Chemins de Fer Français, qui a été rendu treize ans avant la décision en litige, ne prend pas en compte les changements de considérations de fait intervenues depuis lors, notamment la reconversion de la section concernée en voie verte. De plus, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports n'établit pas que la rénovation et l'électrification de la section Gisors - Serqueux n'aurait de sens que si la section Serqueux -Arques-la-bataille en litige était maintenue. Enfin, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports n'établit pas plus que la liaison ferroviaire auparavant assurée par cette section se reporterait sur les lignes ferroviaires Paris-Rouen ou Rouen - Dieppe alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'existe depuis 1988 une liaison par car entre Dieppe et Serqueux qui dessert plusieurs fois par jour toutes les villes autrefois desservies par la liaison ferroviaire en litige. Par suite, Réseau ferré de France a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décidé de la fermeture de la section Serqueux - Arques-la-Bataille. Dès lors, le moyen doit être écarté.
10. Ensuite, aux termes de l'article L. 2111-9 du code des transports dans leur rédaction alors applicable : " L'établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé " Réseau ferré de France " a pour objet l'aménagement, le développement, la cohérence et la mise en valeur du réseau ferré national, conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France dans une logique de développement durable. Il est le gestionnaire du réseau ferré national. (...) ". Si la Fédération nationale des associations d'usagers des transports soutient qu'en prenant la décision en litige, Réseau ferré de France n'aurait pas pris en compte les intérêts dont il a la charge fixés par ces dispositions, il ressort toutefois des pièces du dossier que le trafic sur la section de ligne en litige avait cessé depuis 1988 s'agissant du trafic de voyageurs, depuis 1991, s'agissant du fret, et depuis 1994 en ce qui concerne les convois exceptionnels, et qu'aucune perspective de reprise n'est prévue contrairement aux allégations de l'appelante alors que, depuis 2003, la voie en cause a été reconvertie en voie verte ouverte aux piétons et aux cyclistes. Dès lors, Réseau ferré de France n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 2111-9 du code des transports en prenant la décision de fermer la section de ligne ferroviaire Serqueux - Arques-la-Bataille. Par suite, le moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération nationale des associations d'usagers des transports n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2014 par laquelle le conseil d'administration de Réseau ferré de France a décidé de la fermeture de la section de ligne ferroviaire Serqueux - Arques-la-Bataille.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de SNCF Réseau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Fédération nationale des associations d'usagers des transports demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la FNAUT une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par SNCF Réseau et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports est rejetée.
Article 2 : La Fédération nationale des associations d'usagers des transports versera à SNCF Réseau la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des associations d'usagers des transports et à SNCF Réseau.
N°16DA00862 2