Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2018, M. D...A...C..., représenté par Me G...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 3 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un réexamen de sa situation administrative, de lui enjoindre de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen effectué en application de la décision portant interdiction de retour sur le territoire national ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.. A...C..., ressortissant tunisien né le 16 mai 1984, a été interpellé par les services de police le 3 février 2018 à Arras sans être muni des documents exigés pour entrer ou séjourner en France. Par un arrêté du 3 février 2018, le préfet du Pas-de-Calais lui a enjoint de quitter le territoire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. M. A...C...est père d'un enfant français, Zaïm, né le 4 mai 2017 à Arras d'une union avec Mme E...F..., de nationalité française. Il est établi par les pièces du dossier qu'ils sont séparés et que leur enfant, dont la naissance lui a été cachée, a ensuite été reconnu par l'intéressé le 10 juillet 2017 et réside chez sa mère depuis sa naissance, sans aucune participation à l'éducation et à l'entretien de la part de M. A...C.... Il ressort des pièces du dossier que Mme E... F... a engagé une procédure devant le juge aux affaires familiales pour exercer exclusivement l'autorité parentale à son profit, fixer la résidence habituelle de l'enfant à son domicile et réserver le droit de visite au profit du père. En vertu d'un jugement du tribunal de grande instance d'Arras du 19 juin 2018, M. A...C...s'est vu confier l'autorité parentale conjointe avec Mme E...F..., s'est vu accorder des droits de visite et son état d'impécuniosité a été constaté. Si ce jugement est postérieur à l'arrêté attaqué, il doit être regardé comme révélant les liens qu'entretient le père avec son fils, notamment en ce qu'il considère que " M. A...C...produit plusieurs photographies montrant sa complicité et son attachement à l'enfant ", qu'il a sollicité un droit de visite pour éviter toute rupture avec son enfant et " qu'il ne ressort pas de l'intérêt de Zaïm de priver son père de l'exercice de son autorité parentale ". L'exécution de l'arrêté aura pour effet de séparer l'enfant de son père. Dans ces conditions, l'arrêté qui aurait pour effet de séparer cet enfant de l'un de ses parents, porterait, dans les circonstances de l'espèce, atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, il méconnaît les stipulations du 1) de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Par voie de conséquence, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A...C..., fixant le pays de destination de son éloignement, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande
6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Pas-de-Calais procède à un nouvel examen de la situation de M. A...C.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen effectué en application de la décision portant interdiction de retour sur le territoire national.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. A...C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me G...B..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 avril 2018 et l'arrêté du 3 février 2018 du préfet du Pas-de-Calais sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer la situation de M. A... C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me G... B...une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...C..., au, ministre de l'intérieur, au préfet du Pas-de-Calais et à Me G...B....
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N°18DA01352