Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2018, M. A...B..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 18 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en contrepartie de sa renonciation à percevoir l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien né le 5 janvier 1981, serait selon ses déclarations entré en France le 17 mars 2015, muni de son passeport revêtu d'un visa de type C, valable du 5 février 2015 au 5 mai 2015, pour une durée de séjour autorisé à trente jours. Par un arrêté du 18 avril 2018, le préfet du Nord lui a enjoint de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B...relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des principes généraux du droit de l'Union Européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision d'éloignement, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
3. L'intéressé a pu, lors des auditions dans le cadre de l'enquête sur son mariage avec Mme E...F...du 22 mars 2018 par la direction de l'animation et des relations avec la population de la ville de Hem, puis, surtout, lors des auditions dans le cadre de la garde à vue dont il a fait l'objet et préalablement à l'édiction de la décision en litige, présenter ses observations qui ont été, notamment, consignées dans un procès-verbal d'audition établi par un agent de police judiciaire. Il a ainsi été interrogé sur sa situation et ses liens avec Mme F..., sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français ainsi que sur sa situation personnelle et familiale en France et dans son pays d'origine. M. B... s'est aussi exprimé au sujet de sa situation professionnelle ainsi que de ses moyens d'existence. En outre, il n'établit, ni même n'allègue, qu'il aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Il ne ressort dès lors ni de la décision attaquée, ni de ce procès-verbal et des autres pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas mis à même l'intéressé de présenter des observations écrites et ne lui aurait pas permis de faire valoir des observations orales. Dans ces conditions, M. B...n'a pas été privé du droit d'être entendu et de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré régulièrement sur le territoire français mais qu'il ne conteste pas s'y être maintenu irrégulièrement depuis le 18 avril 2015. Bien qu'il ne soit pas contesté que l'intéressé dispose de la présence d'un oncle et de la famille de celui-ci en France, il est constant que ses parents ainsi que sa fratrie demeurent ...pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Si M. B...fait valoir qu'il entretient une relation depuis huit mois avec MmeF..., qu'il doit épouser, et que la procédure initiée par le procureur de la République relative à l'organisation de mariage frauduleux a été classée sans suite par celui-ci, ces allégations ne ressortent pas des pièces du dossier. Au demeurant, il ressort des procès-verbaux d'audition de Mme F...et de sa mère une intention de fraude au consentement, ayant justifié la saisine du procureur de la République, qui a ordonné la suspension de la célébration de l'union envisagée avec M. B.... La vie commune alléguée n'est en outre étayée par aucune production, devant le premier juge comme en cause d'appel. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de l'arrivée en France de M.B..., aux conditions de son séjour et à ses relations privées et familiales en France, les moyen tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente ".
7. M.B..., qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa entre dès lors dans le champ de ces dispositions, sans qu'il puisse sérieusement soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne caractérisant pas les risques de fuite.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision refusant le délai de départ volontaire doit être écarté.
Sur le pays de destination :
9. La décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 5, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an doit être écarté.
11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
12. M. B...ne fait pas valoir de circonstances humanitaires, au sens des dispositions précitées, qui feraient obstacle au prononcé d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, rappelées au point 5, le préfet du Nord, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire dont fait l'objet l'intéressé, n'a ni commis d'erreur d'appréciation, ni méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°18DA01650