Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2019, le préfet du Nord, représenté par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. J... devant le tribunal administratif.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme I... B..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 mai 2019 en tant qu'il oblige M. J... à quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. M. J..., ressortissant algérien né le 3 février 1996, déclare, sans l'établir, être entré en France en 2011. S'il a été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance puis a été en situation régulière sous couvert d'un titre de séjour étudiant jusqu'en octobre 2017, l'intéressé a été incarcéré du 4 juin 2017 au 16 juillet 2019, huit condamnations ayant été prononcées à son encontre par le tribunal correctionnel de Lille notamment pour des faits de vol et de détention de stupéfiants. Si M. J... établit être marié à une ressortissante française, ce mariage célébré le 27 décembre 2019 est postérieur à l'arrêté contesté. Par ailleurs, le concubinage qui aurait précédé ce mariage est également récent, M. J... ayant été élargi le 16 juillet 2019. A supposer que M. J... ait reconnu sa fille à sa sortie de prison, soit plusieurs années après sa naissance le 4 février 2016, aucune pièce du dossier, hormis deux photos, ne permet d'établir la réalité et l'intensité des liens entretenus avec son enfant. M. J... n'est par ailleurs pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident son père, ses frères et soeurs. M. J... est d'ailleurs retourné en Algérie au cours de l'été 2016. Dans ces conditions, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la décision obligeant M. J... à quitter le territoire, et par voie conséquence la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, celle fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ainsi que celle lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. J... devant le tribunal administratif de Lille et la cour.
Sur les autres moyens soulevés :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :
4. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 18 mai 2017, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture n°120, le préfet du Nord a donné délégation à Mme G... H..., cheffe de bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, à l'effet de signer, notamment, les décisions attaquées. Par suite, le moyen d'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, qui manque en fait, doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
5. En application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Or, en l'espèce, cette dernière décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. J.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être écarté.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier et des termes de la décision en litige, que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. J..., ni qu'il aurait commis une erreur de fait sur les liens de M. J... en France.
7. M. J... a excipé aussi de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Toutefois, la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée, comme il a été indiqué au point 5. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. J.... Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de la décision obligeant M. J... à quitter le territoire en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut être qu'écarté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
10. Il ressort des termes de l'arrêté qui vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet a, à plusieurs reprises, fait état de la menace à l'ordre public que représente M. J.... Une telle motivation permet d'identifier que le préfet s'est fondé sur le 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour refuser d'accorder à M. J... un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. Eu égard au comportement délictueux et récidiviste de M. J..., le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
13. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.
14. En fixant l'Algérie, pays dont M. J... a la nationalité comme celui à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
15. La décision en litige vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que M. J... ne justifie aucune circonstance humanitaire. Elle énonce qu'il déclare être entré sur le territoire en 2013 et être en couple et père d'un enfant mineur, qu'il n'a pas fait de précédente mesure d'éloignement mais qu'il a eu de multiples condamnations, qu'il est nécessaire de prévenir toute nouvelle atteinte à l'ordre public et qu'il existe un risque de récidive. Ce faisant, la décision prononçant une interdiction de retour pour une durée de deux ans est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen doit être écarté.
16. En application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet est tenu d'assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'est prononcé, sauf si des circonstances humanitaires justifient de ne prononcer aucune interdiction. M. J... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
17. Ainsi qu'il a été dit au point 2, à la date de la décision contestée, M. J... n'était pas marié et le concubinage qui aurait précédé ce mariage était également récent. Il n'apporte aucune pièce de nature à établir qu'il aurait reconnu la fille de son épouse, née le 4 février 2016. Aucune pièce du dossier, hormis deux photos, ne permet d'établir la réalité et l'intensité des liens entretenus avec cet enfant. Par suite, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet du Nord n'a pas porté au droit de M. J... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel la décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application de cet article L. 511-1, III.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 mai 2019 en tant qu'il oblige M. J... à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire, les conclusions présentées par M. J... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. J... devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me F... C... pour M. E... J....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°19DA02466
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