Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 novembre et le 17 décembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen qui déclare être né le 1er janvier 1996 à Conakry (Guinée), est entré irrégulièrement en France en octobre 2012. Par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la république près du tribunal de grande instance de Lille du 12 novembre 2012, et par un jugement du 11 janvier 2013 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Lille, M. A... a été reconnu comme mineur et a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord jusqu'au 1er janvier 2014, date de sa majorité. M. A... a demandé la délivrance d'un titre de séjour mention " étudiant " qui lui a été délivré le 4 novembre 2016 pour une durée d'un an, puis il a bénéficié à compter du 20 janvier 2016 d'un titre de séjour mention " salarié " valable jusqu'au 19 janvier 2017. Le tribunal administratif, par un jugement du 19 mars 2018, a annulé le refus de titre de séjour du préfet du Nord du 5 juillet 2017 au motif que ce dernier n'avait pas sollicité l'avis des médecins de l'OFII, et a enjoint au préfet de réexaminer la situation du requérant. M. A..., dans ce cadre, a demandé le 27 novembre 2018 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " pour raison de santé. Par un arrêté du 18 juillet 2019 le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 15 juillet 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... en relève appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un certificat de résidence. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un certificat de résidence dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. L'avis émis le 16 novembre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique que M. A... souffre d'une maladie psychiatrique chronique invalidante et nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que toutefois il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et son état de santé lui permet de voyager sans risque vers cette destination. M. A... produit des certificats médicaux relatifs à son état de santé et des documents concernant la prise en charge de la psychiatrie en Afrique. Il fait valoir souffrir d'un " état délirant à thème de persécution et mystique " pour lequel il bénéficie d'un suivi médical associé à un traitement médicamenteux qui se compose de Tercian, d'Olanzapine et Lorazepam et valoir que le Tercian n'est pas disponible en Guinée. Toutefois le préfet du Nord fait valoir d'une part que le Tercian (cyamémazine), comme la chlorpromazine et la lévomépromazine, est un antipsychotique de première génération dérivé de la phénothiazine et qu'il n'est commercialisé qu'en France et au Portugal. Le préfet du Nord fait valoir d'autre part que la chlorpromazine est disponible en Guinée que ce soit en hôpital régional et hôpital national selon la liste nationale des médicaments essentiels du ministère de la santé et de l'hygiène publique de Guinée. Mais, M. A... affirme, sans être contredit, que le Tercian est un médicament dont la seule substance active est la Cyamemazine et non la Chlorpromazine. Aussi en l'état des éléments du dossier, il n'apparaît pas qu'existeraient en Guinée des possibilités de traitement par substitution d'autres substances aux molécules manquantes au Tercian. Dans ces conditions, M A... est fondé à soutenir que le préfet du Nord a entaché d'erreur son appréciation des faits de l'espèce au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée.
5. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M A... est fondé, à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2019 du préfet du Nord ayant rejeté sa demande de titre de séjour et par voie de conséquence l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Le présent arrêt implique, eu égard au moyen d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au préfet du Nord de délivrer à M A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. A....
Sur les frais d'instance :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que Me C..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 15 juillet 2020 et l'arrêté du préfet du Nord en date du 18 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie ne sera adressée au préfet du Nord.
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N° 20DA01810