Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2021, M. A... B..., représenté par Me Joseph Mukendi Ndonki, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 décembre 2020 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, si n'était retenu qu'un moyen de légalité externe, de lui délivrer dans l'attente du réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à défaut de lui verser cette somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- et les observations de Me Mukendi Ndonki pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen, est entré en France en décembre 2016 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Il a sollicité un titre de séjour le 15 juillet 2018. Le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande par un arrêté du 3 décembre 2020, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de cette notification.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu , aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. D'une part, les dispositions de l'article précité n'exigent donc pas que le demandeur soit isolé dans son pays d'origine. D'autre part, la délivrance du titre doit procéder d'une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française.
3. Aux termes de l'article R. 313-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants ". Le premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. M. B... a transmis à l'appui de sa demande de titre sur le fondement des dispositions rappelées au point 3, un extrait d'acte de naissance, un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance, un extrait du registre de transcription de ce jugement ainsi que son passeport. Il ressort des pièces produites par le préfet de la Seine-Maritime que les services de l'ambassade de France à Conakry ont estimé que les actes produits par M. B... sont apocryphes. En particulier, le passeport, délivré le 12 août 2015, fait référence à un numéro d'acte de naissance différent de celui figurant sur l'extrait d'acte de naissance présenté par M. B... à l'appui de sa demande. En outre, le jugement supplétif, qui a servi de base à ce dernier extrait, date du 22 mars 2017, et est donc postérieur à la délivrance du passeport. Ces discordances suffisent à remettre en cause l'authenticité du jugement supplétif produit par M. B.... L'appelant n'apporte aucun élément de nature à contredire les constats effectués par les services de l'ambassade de France qui relèvent de nombreuses autres irrégularités sur les documents produits à l'appui de sa demande de titre. Le moyen tirés de la violation de l'article 47 du code civil doit être écarté. Le préfet de la Seine-Maritime était donc fondé, compte tenu de ces éléments, à remettre en cause la force probante de ces actes d'état-civil étrangers, contrairement à ce que soutient l'appelant et à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /.../ 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / (...) ".
6. En l'espèce, M. B... est père d'un enfant né le 12 avril 2019 de sa relation avec une ressortissante française. L'appelant justifie qu'il n'est redevable d'aucune contribution financière pour le placement de son enfant sur la période du 13 août 2019 au 31 janvier 2020 et qu'il a néanmoins fait des achats de jouets et de vêtements pour son fils entre octobre et décembre 2019. Toutefois, cet enfant a été confié à l'aide sociale à l'enfance en urgence par ordonnance du procureur de la République du 19 juillet 2019 puis par jugement du tribunal pour enfants du 13 août 2019. Le placement a été renouvelé par jugement du 10 février 2020. Si M. B... bénéficie d'un droit de visite médiatisé de son fils et exerce ce droit, il ressort du jugement du 10 février 2020 que le placement a été ordonné en urgence après hospitalisation de l'enfant, les médecins retenant une incapacité totale de soixante jours et que M. B... et la mère de l'enfant ont été mis en examen pour des faits de violences par ascendant sur mineur. Ce jugement note encore que le fils de M. B... présente une sécurité importante lors des visites de son père. Dans ces conditions, et en dépit de l'attestation de l'éducatrice de l'aide sociale à l'enfance établie le 11 juin 2021, postérieurement à la décision contestée, qui témoigne du lien tissé avec son fils lors de ses visites tous les quinze jours, M. B... n'établit pas qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils. Le moyen tiré de la violation du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc qu'être écarté.
7. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, il n'est pas établi que le préfet ait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant en refusant un titre de séjour à M. B.... Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
8. En quatrième lieu, M. B... est entré en France en décembre 2016 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. S'il a suivi de septembre 2017 à juillet 2019, un certificat d'aptitude professionnelle de boulanger, il ne justifie pas avoir obtenu son diplôme. Par ailleurs, s'il a été accepté en formation de certificat d'aptitude professionnelle d'électricien en septembre 2020, il a été absent à cinq reprises en novembre et en décembre 2020. La promesse d'embauche qu'il produit est par ailleurs sans lien avec la formation suivie. Il n'est pas non plus contesté que la vie commune a cessé avec la mère de son enfant et qu'il n'a vécu que quatre mois avec son enfant, même s'il exerce le droit de visite médiatisé dont il bénéficie depuis le placement de celui-ci. Il n'établit pas par ailleurs qu'il soit isolé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, si M. B... est père d'un enfant français, il ne peut être considéré, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, comme faisant valoir des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En sixième lieu, si l'appelant soutient que l'arrêté en cause serait de nature à porter atteinte à son droit à un procès équitable, tel que garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles " tout accusé a droit notamment à (...) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix (...) ", M. B... ayant la possibilité de se faire représenter par un conseil, le moyen tiré de ce que la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français et lui interdisant le retour sur le territoire français le priverait de la possibilité de se défendre devant les juridictions judiciaires et méconnaîtrait ainsi les stipulations précitées, doit être écarté.
11. En septième lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que le refus de titre opposé par le préfet de la Seine-Maritime soit entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Ce moyen doit donc être écarté.
12. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314- 11, L. 314-12 et L. 431-3 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Pour les motifs précédemment indiqués, M. B... ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de soumettre sa demande de titre de séjour à la commission avant de la rejeter. Le moyen tiré du vice de procédure ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 12 que le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, base légale de l'obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté.
14. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique. En l'espèce, l'arrêté du 3 décembre 2020 vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la décision de refus de titre vise les textes appliqués et comporte les considérations de fait qui la justifient. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, le moyen tiré de la violation du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit également être écarté.
16. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
17. La circonstance que M. B... soit placé sous contrôle judiciaire est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors qu'une telle mesure judiciaire ne fait aucunement obstacle à l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français mais impose seulement à l'autorité de police de s'abstenir d'exécuter cette mesure jusqu'à la levée du contrôle par le juge judiciaire.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 17 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Joseph Mukendi Ndonki et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
N° 21DA02437 2