Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 27 août 2021, Mme A..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 155 euros de jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, charge à celle-ci de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de
l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que le préfet n'a pas sollicité les pièces manquantes à la délivrance du titre demandé ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande de délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet ne pouvait se fonder sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais aurait dû se fonder sur les stipulations de l'accord conclu entre la République française et la République centrafricaine ;
- elle est entachée d'erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des circonstances propres à sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2021, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Par une décision du 30 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2021.
Par une décision du 6 juillet 2021, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes signée le 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 1er août 1987 à Bangui, de nationalité centrafricaine, est entrée en France le 22 octobre 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa portant la mention " étudiant ", délivré le 10 octobre 2014 par les autorités consulaires françaises à Bangui. Son titre de séjour étudiant lui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 16 novembre 2019. Par une demande souscrite le 13 juin 2019, Mme A... a sollicité un changement de statut par délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de " salarié ". Par un arrêté du 11 septembre 2020, le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 11 septembre 2020.
Sur les moyens communs aux décisions contestées :
2. Mme A... réitère, comme en première instance, ses arguments tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées et de leur insuffisance de motivation. Elle ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Lille et à laquelle celui-ci a précisément répondu. En conséquence, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que les décisions en litige sont entachées d'incompétence et d'insuffisance de motivation par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises. / (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 13 novembre 2019, l'inspectrice du travail de la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi des Hauts-de-France, saisie par le préfet du Nord, a rejeté la demande d'autorisation de travail présentée pour Mme A... au motif que cette demande était irrecevable faute pour l'employeur de l'intéressée d'avoir produit les documents manquants demandés. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort de cette décision que la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a adressé à cet employeur deux courriers datés des 26 août 2019 et 26 septembre 2019 pour compléter le dossier de demande mais qu'aucune réponse n'y a été apportée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
5. En deuxième lieu, s'il ressort des pièces du dossier qu'outre la demande de titre de séjour en qualité de " salarié " présentée le 13 juin 2019 par Mme A..., celle-ci a présenté une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " le 9 mars 2020 qui n'est pas mentionnée dans la décision contestée, il ressort des termes mêmes de cette décision que le préfet du Nord, après avoir notamment indiqué que l'intéressée était arrivée en France en 2014 et que ses parents y vivaient en situation régulière, a estimé que, compte tenu notamment des conditions de son séjour en France, il n'apparaissait pas que le refus de lui délivrer un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Dans ces conditions, le préfet du Nord doit être regardé comme s'étant prononcé d'office sur le droit au séjour de l'intéressée au regard de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sur ce fondement doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision contestée, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 de la convention franco-centrafricaine du 26 septembre 1994 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : (...) / 2° D'un contrat de travail visé par le ministère du travail de l'Etat d'accueil conformément à sa législation ". Aux termes de l'article 10 de la convention franco-centrafricaine susvisée : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants centrafricains doivent posséder un titre de séjour. (...) / Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ". Aux termes de l'article 13 de cette même convention : " Les points non traités par la présente convention sont régis par la législation interne de chaque Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".
8. Il résulte des stipulations précitées de la convention franco-centrafricaine du 26 septembre 1994 relative à la circulation et au séjour des personnes que celles-ci renvoient à l'application de la législation nationale pour la délivrance de titres de séjour notamment en matière de travail. Par suite, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour statuer sur la demande de titre de séjour " salariée " présentée par Mme A....
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 22 octobre 2014 et qu'elle y a régulièrement résidé sous couvert de titres de séjour " étudiant " qui lui ont été renouvelés jusqu'au 16 novembre 2019. Si elle se prévaut de la présence, en France, de ses parents, il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu séparé d'eux durant plusieurs années dès lors que sa mère et son père se sont installés en France respectivement en 2007 et 2009. En outre, elle n'établit pas la communauté de vie avec son compagnon dont elle se prévaut alors au demeurant qu'elle a indiqué, dans sa demande de titre de séjour, être célibataire. Par ailleurs, si elle se prévaut également de la présence sur le territoire français de son frère, de sa sœur et d'amis, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et où résident son fils mineur et le père de celui-ci. Enfin, si elle se prévaut de son insertion professionnelle en France, elle ne l'établit pas en se bornant à faire état de stages et d'un emploi dans le domaine de la restauration depuis le mois de mars 2018. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard de ce qui a été dit précédemment, que le préfet aurait entaché la décision en litige d'une erreur de fait.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 10, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour le même motif, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
13. Si Mme A... soutient qu'elle est suivie depuis 2015 en France pour une maladie auto-immune et qu'elle suit un traitement médical, les éléments qu'elle produit ne permettent pas d'établir qu'un défaut de prise en charge médicale de son état de santé serait susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision lui octroyant un délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision attaquée : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait expressément demandé qu'un délai supérieur au délai légal de trente jours lui soit accordé. En tout état de cause, et eu égard à ce qui a été dit précédemment, elle ne produit aucun élément permettant de justifier la nécessité d'un délai supplémentaire à celui-ci. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai de départ supérieur à trente jours.
Sur la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
18. En second lieu, aux termes de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
19. Mme A... ne produit aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques qu'elle prétend encourir en cas de retour en République centrafricaine. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination expose l'intéressée à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 11 septembre 2020. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Eurielle Rivière.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Chloé Huls-Carlier
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N°21DA01875
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N°"Numéro"