Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 août 2018 et le 3 juillet 2019, la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR), représentée par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me C... D..., représentant la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR).
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été embauchée le 10 septembre 2008 en tant que salariée par la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR), filiale du groupe américain Caterpillar. Cette société installée à Rantigny (Oise) employait 244 personnes et construisait des machines à compacter l'asphalte. Cette salariée occupait un emploi de gestionnaire logistique et exerçait le mandat de déléguée du personnel suppléante. La société CMR a mis fin de manière totale et définitive à son activité le 17 juin 2016. La société CMR relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise a autorisé la société Caterpillar Matériels Routiers à licencier Mme B... pour cessation d'activité.
Sur l'appel de la société CMR :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Par un jugement du 18 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Beauvais a jugé que la société CMR n'avait pas respecté l'obligation de reclassement qui lui incombait en ce qui concerne les salariés non protégés et l'a condamnée au paiement de dommages et intérêt à ces derniers pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société CMR ne peut sérieusement soutenir que le tribunal administratif d'Amiens se serait limité à reprendre les motifs retenus par le conseil de prud'hommes, dès lors que par un jugement suffisamment motivé au regard des circonstances de fait qui lui étaient soumises, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise avait autorisé la société Caterpillar Matériels Routiers à licencier Mme B....
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 1234-4 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
5. Mme B..., titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, exerçait à Rantigny les fonctions de gestionnaire logistique, au coefficient 305. Il ressort des pièces du dossier qu'une proposition de reclassement interne au groupe Caterpillar, consistant en un poste d'analyste achat confirmé chez Caterpillar Transmissions à Arras, " niveau de rémunération fixé au minimum du SG 20 d'Arras, à préciser ", lui a été faite. Toutefois, cette proposition ne peut être considérée comme portant sur un poste de même catégorie ou un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente, dès lors qu'il s'agit d'un poste dont la rémunération n'est pas connue et dont il n'est pas précisé s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée. Si la société CMR soutient que le reclassement sur un poste d'une catégorie inférieure était possible, cette situation n'est toutefois envisageable qu'en cas d'absence d'emploi de même catégorie ou équivalent, situation qui n'est pas établie dans la présente instance. La production d'un courrier électronique du 25 août 2016 de la responsable des ressources humaines de la société CMR demandant à quatre interlocuteurs, dont les fonctions ne sont au demeurant pas connues, de lui communiquer " toute offre interne, y compris les missions d'intérim-CDD notamment en production " et les courriers électroniques du 25 avril 2016 et 22 juin 2016 récapitulant les offres de reclassement interne effectuées ainsi qu'une liste " d'offres à proposer cette semaine " n'établit ni la réalité d'une recherche systématique des postes vacants au sein des sociétés du groupe Caterpillar dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettraient, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel, ni la réalité d'offres précises et individualisées de reclassement interne. Il ressort également des pièces du dossier que les propositions de reclassement externe faites à Mme B... ne consistaient qu'en la transmission d'offres d'emplois, au demeurant souvent en intérim ou imprécises quant au salaire proposé, sur lesquelles le salarié était simplement invité à postuler. Par suite, la société CMR ne peut être regardée comme ayant rempli son obligation légale de reclassement. Ses conclusions d'appel doivent, dès lors, être rejetées.
Sur l'appel incident de Mme B... :
6. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a mis à la charge de l'Etat et de la société CMR le paiement à Mme B... de la somme de 250 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par Mme B.... Par suite, les conclusions de Mme B... tendant à la réformation de l'article 2 du jugement attaqué doivent être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la société CMR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 28 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Oise a autorisé la société CMR à licencier Mme B... et que d'autre part, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a limité à la somme de 250 euros chacun le montant des frais respectivement mis à la charge de l'Etat et de la société CMR à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions de la société CMR tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société CMR le versement d'une somme de 500 euros à Mme B... au titre des dispositions précitées du code de justice administrative et de rejeter sa demande au titre des mêmes dispositions à l'encontre de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR) est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de Mme B... et sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de l'Etat en cause d'appel sont rejetées.
Article 3 : La société CMR versera une somme de 500 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Caterpillar Matériels Routiers (CMR) et à Mme A... B....
Copie en sera adressée, pour information, à la ministre du travail.
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N°18DA01788
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N°"Numéro"