Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 août 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 juillet 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 1er décembre 1975, est entré régulièrement sur le territoire français le 12 février 2017, en compagnie de son épouse, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa de court séjour en cours de validité. Le couple était accompagné de ses deux enfants mineurs, nés respectivement le 29 juin 2006 et le 14 août 2013. S'étant maintenu sur ce territoire français après l'expiration de son visa, M. A... a sollicité, le 18 avril 2017, son admission au séjour pour raisons de santé, sur le fondement des stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 14 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. A la suite de cet arrêté, M. A..., qui avait été interpellé, le 10 juillet 2019, alors qu'il circulait sur la voie publique sans pouvoir justifier d'une situation régulière de séjour, a fait l'objet, le jour même, d'un nouvel arrêté, par lequel la préfète de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 29 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ".
Sur la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. ". En outre, aux termes de l'article R. 561-5 de ce code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application (...) de l'article L. 561-2 (...) est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, rappelle les droits et obligations des étrangers assignés à résidence pour la préparation de leur départ. Il mentionne notamment les coordonnées locales de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le droit de l'étranger de communiquer avec son consulat et les coordonnées de ce dernier, ainsi que le droit de l'étranger d'informer l'autorité administrative de tout élément nouveau dans sa situation personnelle susceptible d'intéresser sa situation administrative. Il rappelle les obligations résultant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'assignation à résidence ainsi que les sanctions encourues par l'étranger en cas de manquement aux obligations de cette dernière. / Ce formulaire est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration. ".
4. Il résulte des dispositions précitées que la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. Elle constitue donc une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence dont les éventuelles irrégularités sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas établi que M. A... aurait reçu les informations prévues par les articles L. 561-2-1 et R. 561 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
Sur la légalité interne :
5. Si M. A... fait état de ce qu'il a débuté, le 14 juin 2019, soit après l'édiction, le 14 janvier 2019, de la mesure d'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, une activité artisanale, dans le secteur du bâtiment, sous le statut d'autoentrepreneur, cette circonstance n'était pas, à elle seule, de nature à priver cette mesure d'éloignement de son caractère exécutoire au sens des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime a pu, sans méconnaître ces dispositions, assigner M. A... à résidence.
6. Le seul fait que les motifs de l'arrêté contesté ne font pas mention de ce début d'activité ne suffit pas à établir que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen approfondi et attentif de la situation de M. A... avant de l'assigner à résidence.
7. M. A..., qui, comme il a été dit au point 1, est entré régulièrement sur le territoire français le 12 février 2017, fait état de la présence, auprès de lui, de son épouse et de leurs enfants, qui sont scolarisés en France. Il ajoute que ces derniers, nés le 29 juin 2006 et le 14 août 2013, sont particulièrement investis dans leur scolarité, respectivement en collège et en école primaire. En outre, M. A... invoque sa bonne intégration, et celle de sa famille, dans la société française, en particulier, les efforts de son épouse pour améliorer sa maîtrise de la langue française. Par ailleurs, M. A... fait état de la création, le 14 juin 2019, sous le statut d'autoentrepreneur, d'une entreprise individuelle spécialisée dans les travaux d'aménagement intérieur. Enfin, il fait de nouveau état du suivi médical régulier dont lui-même et ses enfants bénéficient en France. Toutefois, il est constant que tant M. A... que son épouse sont en situation irrégulière de séjour sur le territoire français, sur lequel ils se sont maintenus après l'expiration de la durée de validité de leurs visas. Ils n'établissent ni même n'allèguent être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, dans lequel M. A... a habituellement vécu durant quarante-et-un ans, où il occupait un emploi stable et où il n'est pas établi qu'il ne pourrait bénéficier, de même d'ailleurs que ses enfants, de la surveillance médicale que requiert la pathologie chronique dont il est atteint. Ainsi, il n'est pas établi que des éléments de faits tirés de sa situation particulière feraient obstacle à ce que M. A... reconstitue sa vie familiale auprès de ses proches en Algérie. Dans ces circonstances, malgré le soutien dont bénéficie la famille, et eu égard à la faible ancienneté et aux conditions en majeure partie irrégulières du séjour de M. A... en France, la préfète de la Seine-Maritime, pour assigner celui-ci à résidence, n'a pas méconnu les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni n'a commis d'erreur dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de ces dispositions.
8. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Eu égard à ce qui a été dit au point 7, s'agissant notamment de la possibilité pour M. A... et sa famille de se réinstaller dans leur pays d'origine, où il n'est pas établi que ses deux enfants ne pourraient accéder à la surveillance médicale que requiert leur état, ni y poursuivre leur scolarité, la préfète de la Seine-Maritime, pour assigner l'intéressé à résidence dans l'attente de son éloignement du territoire français, n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, ni n'a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre des frais de procédure doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA01903